Tout en parsemant sa prose de perles telle que « Il n’est impossible que la place du gène soit causée pour une part à des contingences. ». 10 points à celui qui arrive à m’expliquer ce monument de lyrisme.
Une chose néanmoins me fascine fondamentalement. Où donc Bernard Dugné puise-t-il les images qui décorent ses inénarrables (et innombrables) contributions à ce site (comme ici ou là ou encore là et là) ? Y a-t-il quelque part sur l’interweb global de la planète mondialisée une banque d’images permettant d’illustrer un article avec une image psychédélique, dénuée de tout sens, faisant mal aux yeux et à la tête et sans rapport aucun avec le conten....
Ah put... je viens de comprendre. Mais oui, les images choisies sont parfaitement raccord avec l’article, c’était pourtant évident. Merci Bernard !
Dans un pays laïque, la religion est considérée comme une idéologie
comme une autre, au même titre que le fait de voter pour tel ou tel
parti politique ou d’adhérer à telle ou telle doctrine philosophique. La
République ne prend parti pour aucune religion, c’est le sens de la
phrase « la République ne reconnaît aucun culte ».
Juste. Un poil réducteur mais juste. Pour être plus précis le sens est « L’Etat ne favorise (ni ne défavorise) aucune religion par rapport à une autre ».
Pour bien comprendre la chose, je vous propose une expérience de pensée.
A votre avis, quelle aurait été la décision de la Cour de cassation si,
au lieu de se mettre à porter un voile islamique, qu’elle ne portait
pas lors de son embauche, cette employée avait décidé de porter un T
shirt arborant l’effigie ( au choix ) de Mélenchon, de Marine Le Pen, de
Sartkozy, de Hollande ou même de Benoit XVI ( pape à l’époque des faits
), ou un T shirt affichant un slogan pour l’un quelconque des partis
correspondants, ou même un slogan du genre « la religion est l’opium du
peuple » ou « islam=obscurantisme » ou « à bas les curés » ?
Et pan, le sophisme. Bien amené (et plutôt bien écrit, ce qui est rare, merci), mais sophisme tout de même. Parce que vous mélangez allégrement des signes d’appartenance à une opinion (religieuse ou politique) et des signes agressifs et dévalorisants. Quant à votre question rhétorique : « Un signe d’appartenance politique aurait-il été jugé différemment que le port du voile ? » (la réponse insinuée est oui), je suis beaucoup plus circonspect et à mon sens la question est ouverte. Y a-t-il un éminent juriste, avocat ou parquetier, qui aurait un exemple de jurisprudence à ce sujet ?
Par ailleurs, le voile islamique, s’il n’est pas clairement mentionné
dans le coran ( texte dont la clarté n’est pas toujours la qualité
principale ! ), il est un élément constitutif de la loi islamique,
c’est-à-dire de la charia. Avec cette décision de la Cour de cassation,
un employeur n’a plus le droit de refuser que l’un de ses employés
applique une partie de la charia dans son entreprise.
Et non, un employeur n’a pas le droit de refuser a priori un comportement parce que celui-ci est prescrit dans la charia. L’employeur n’est pas soumis à la charia, c’est une évidence, mais ça ne veut pas dire qu’il est soumis à l’inverse de la charia (ce qui serait absurde). L’employeur n’est soumis qu’à la loi, loi qui prévoit le libre exercice de la religion, avec quelques dérogations (voir en dessous).
Bon, la CEDH enfonce une porte ouverte, merci à elle.
Dans l’arrêt de 2003, la Cour européenne prend une
position, à propos de la liberté de religion, qui correspond exactement
au cas de la crèche Baby Loup, je cite : » Par ailleurs, dans une
société démocratique, où plusieurs religions coexistent au sein d’une
même population, il peut se révéler nécessaire d’assortir la liberté en
question de limitations propres à concilier les intérêts des divers
groupes et à assurer le respect des convictions de chacun »
Citation intéressante, mais incomplète. Voilà les deux points que la Cour soulève :
91. Par
ailleurs, dans une société démocratique, où plusieurs religions coexistent
au sein d’une même population, il peut se révéler nécessaire d’assortir
la liberté en question de limitations propres à concilier les intérêts
des divers groupes et à assurer le respect des convictions de chacun
(arrêt Kokkinakis précité, p. 18, § 33). La Cour a souvent mis
l’accent sur le rôle de l’Etat en tant qu’organisateur neutre et impartial
de l’exercice des diverses religions, cultes et croyances, et indiqué
que ce rôle contribue à assurer l’ordre public, la paix religieuse et
la tolérance dans une société démocratique. Elle estime aussi que le
devoir de neutralité et d’impartialité de l’Etat est incompatible avec
un quelconque pouvoir d’appréciation de la part de l’Etat quant à la
légitimité des croyances religieuses (voir,
mutatis mutandis, Cha’are Shalom Ve Tsedekc. France [GC], no 27417/95, § 84, CEDH 2000-VII)
et que ce devoir impose à celui-ci de s’assurer que des groupes opposés
se tolèrent (voir, mutatis mutandis, Eglise métropolitaine de Bessarabie
et autresc. Moldova, no 45701/99, § 123, CEDH
2001-XII).
92. La
Cour a confirmé ce rôle de l’Etat par une jurisprudence constante. Selon
la Cour, dans une société démocratique, l’Etat peut limiter la liberté
de manifester une religion, par exemple le port du foulard islamique,
si l’usage de cette liberté porte atteinte à l’objectif visé de protection
des droits et libertés d’autrui, de l’ordre et de la sécurité publique
(Dahlab c. Suisse (déc.), no 42393/98, 15 février 2001,
CEDH 2001-V).
Le point 92 est à mon sens le plus intéressant, puisqu’il mentionne directement le problème du voile. La Cour statue que l’Etat, en tant que régisseur de la vie publique, est en droit d’interdire la manifestation - c’est à dire l’affichage publique d’une appartenance - d’une religion. Joie, Hosanna (heu... ah non) crieront les défenseurs de l’interdiction. Sauf que non. Car la Cour assortit sa position d’une condition : l’interdiction n’est légitime que si :
- Les droits et libertés d’autrui sont bafoués - L’ordre publique est troublé - La sécurité publique est menacée
Ces conditions ne sont pas cumulatives. Il suffit que l’une d’entre elle soit remplie pour que l’interdiction soit légitime. Et là, ce n’est pas le cas :
Aucun droit n’est bafoué. L’employeur n’a pas à se prévaloir de droits qui ne sont pas expressément prévus par la loi.
La Cour confirme le bien fondé d’une décision de la justice suisse qui interdit à une enseignante à porter le foulard en classe. Je vous encourage fortement à lire cet arrêt, qui est un monument de clarté et de bonne argumentation quant à savoir quand et pourquoi il est possible de restreindre l’exercice d’une liberté religieuse.
Je pense qu’une nouvelle législation, qui s’imposera si la Cour d’appel
qui doit rejuger l’affaire Baby-Loup ne prend pas la décision courageuse
d’aller à l’encontre de la décision de la Cour de cassation, devra
affirmer le droit pour tout employeur de pouvoir exiger, dans le
règlement intérieur de son entreprise, la neutralité religieuse
vestimentaire de ses employés, aussi bien que la neutralité politique.
Eh non. Comme exposé ci-dessus, l’employeur n’a pas automatiquement le droit d’exiger une tenue religieusement (ou politiquement) neutre. Cette exigence doit être subordonnée à un besoin supérieur. Par exemple, une banque est en droit d’exiger de ses employé un dress-code extrêmement strict, car de cela dépend son image vis-à-vis de ses clients. Une entreprise de conditionnement de viande exigera le port d’une tenue particulière propre (on l’espère) au maintien d’une hygiène rigoureuse. Pour un travail dans une crèche, je peine à trouver la raison impérieuse de bannir le foulard islamique.
Quand à la petite larme que vous versez en fin d’article concernant
« les difficultés faites à une personne qui perd son emploi », ne me
faites pas rire ! Il semble bien que cette personne était en congé
depuis plusieurs années, et que c’est au retour de ce congé qu’elle a
prétendu mettre un voile. Avait-elle réellement envie de retravailler,
ou a t-elle trouvé avec cette affaire de voile un moyen bien commode de
se faire licencier ( et de ramasser par la même occasion, sous un
prétexte douteux, des dommages-intérêts pour un prétendu licenciement
abusif ) plutôt que de démissionner d’une entreprise qu’elle avait cessé
de fréquenter depuis bien longtemps, ce qui l’aurait exposé au risque
de ne pas toucher le chômage ...
En cela je suis d’accord, et je pense que cette affaire comporte beaucoup trop d’éléments particuliers pour être emblématique d’une position, quelle qu’elle soit.