La mystification des heures supplémentaires
Le Conseil constitutionnel a donné son aval. Les partenaires sociaux pourront désormais négocier la durée du travail dans chaque entreprise. Et l’accord qu’ils signeront pourra être moins favorable aux salariés que l’accord de branche. Revient-on à ce qui prévalait avant 1945 ou avant 1936 ? Quoiqu’il en soit, c’est une rupture dont les 35 heures ne sont pas le principal enjeu.
Que négociera-t-on ? Le contingent d’heures supplémentaires. Pour l’entreprise, ce sera tout bénéfice : les salaires correspondants, exonérés des charges sociales patronales, leur coûteront finalement moins cher. Les salariés, eux, perdront au change. Les heures supplémentaires seront certes mieux payées et défiscalisées. Mais les salaires correspondants n’entreront pas dans le calcul des indemnités d’arrêt maladie ; ni, ce qui est plus grave encore, dans le calcul des pensions de retraite. Quant aux chômeurs, ils attendront leur tour.
Ainsi se concrétise une extraordinaire mystification. Il y a deux ans, presque jour pour jour, Nicolas Sarkozy avait justifié ainsi le futur slogan vedette de sa campagne présidentielle - « travailler plus pour gagner plus » - devant l’université d’été du Medef :
« La France ne s’est pas encore remise du choix historiquement stupide d’expliquer aux gens qu’en travaillant moins, on pouvait gagner davantage. »
L’appel au simili-bon sens était sans doute habile, mais l’appel à l’histoire était vraiment osé.
Depuis 1970, la durée annuelle du travail a diminué de 8% aux Etats-Unis, de 14% en Europe du Nord (1), et de plus de 20% en Europe de l’ouest (2) et au Japon, rappelle l’OCDE (cliquez sur le graphe pour le voir en pleine page). Cela n’a pas empêché le pouvoir d’achat du revenu par tête d’être multiplié par deux, voire plus encore, dans la plupart de ces pays (3).