@Léon
vous êtes limité par votre petit périmètre intellectuel et vos petites certitudes , votre conception plus que fermée ce qu’on appelle l’intéllectualité et la connaissance.Vos prétentions à la vérité ne sont qu’illusions.
René Guenon
Voici quelques courts extraits de son oeuvre nommée « La crise du monde moderne ».
Le chaos social.
(...) Cela peut sembler paradoxal à une époque de « spécialisation »
à outrance, et pourtant il en est bien ainsi, surtout dans l’ordre
politique ; si la compétence des « spécialistes » est souvent fort
illusoire, et en tous cas limitée à un domaine très étroit, la croyance
à cette compétence est cependant un fait, et l’on peut se demander
comment il se fait que cette croyance ne joue plus aucun rôle quant il
s’agit de la carrière des hommes politiques, où l’incompétence la plus
complète est rarement un obstacle. Pourtant, si l’on y réfléchit, on
s’aperçoit aisément qu’il n’y a là rien dont on doive s’étonner, et que
ce n’est en somme qu’un résultat très naturel de la conception
« démocratique », en vertu de laquelle le pouvoir vient d’en bas et
s’appuie essentiellement sur la majorité, ce qui a nécessairement pour
corollaire l’exclusion de toute véritable compétence, parce que la
compétence est toujours une supériorité au moins relative et ne peut
être que l’apanage d’une minorité.
(...) Il y a là une relation qui suppose nécessairement deux termes
en présence : il ne pourrait y avoir de gouvernés s’il n’y avait aussi
des gouvernants, fussent-ils illégitimes et sans autre droit au pouvoir
que celui qu’ils se sont attribué eux-mêmes ; mais la grande habileté
des dirigeants, dans le monde moderne, est de faire croire au peuple
qu’il se gouverne lui-même ; et le peuple se laisse persuader d’autant
plus volontiers qu’il en est flatté et que d’ailleurs il est incapable
de réfléchir assez pour voir ce qu’il y a là d’impossible. C’est pour
créer cette illusion qu’on a inventé le « suffrage universel » : c’est
l’opinion de la majorité qui est supposée faire la loi ; mais ce dont
on ne s’aperçoit pas, c’est que l’opinion est quelque chose que l’on
peut très facilement diriger et modifier ; on peut toujours, à l’aide
de suggestions appropriées, y provoquer des courants allant dans tel ou
tel sens déterminé : nous ne savons plus qui a parlé de "fabriquer
l’opinion", et cette expression est tout à fait juste, bien qu’il
faille dire, d’ailleurs, que ce ne sont pas toujours les dirigeants
apparents qui ont en réalité à leur disposition les moyens nécessaires
pour obtenir ce résultat. Cette dernière remarque donne sans doute la
raison pour laquelle l’incompétence des politiciens les plus « en vue »
semble n’avoir qu’une importance très relative ; mais, comme il ne
s’agit pas ici de démonter les rouages de ce qu’on pourrait appeler la
« machine à gouverner », nous nous bornerons à signaler que cette
incompétence même offre l’avantage d’entretenir l’illusion dont nous
venons de parler : c’est seulement dans ces conditions, en effet, que
les politiciens en question peuvent apparaître comme l’émanation de la
majorité, sur n’importe quel sujet qu’elle soit appelée à donner son
avis, est toujours constituée par les incompétents, dont le nombre est
incomparablement plus grand que celui des hommes qui sont capables de
se prononcer en parfaite connaissance de cause.
Une civilisation matérielle.
(...) On dira que ces hommes sont peu nombreux aujourd’hui, et on
se croira autorisé par là à les tenir pour quantité négligeable ; là
comme dans le domaine politique, la majorité s’arroge le droit
d’écraser les minorités, qui, à ses yeux, ont évidemment tort
d’exister, puisque cette existence même va à l’encontre de la manie
« égalitaire » de l’uniformité. Mais, si l’on considère l’ensemble de
l’humanité au lieu de se borner au monde occidental, la question change
d’aspect : la majorité de tout à l’heure ne va-t-elle pas devenir une
minorité ? Aussi n’est-ce plus le même argument qu’on fait valoir dans
ce cas, et, par une étrange contradiction, c’est au nom de leur
« supériorité » que ces « égalitaires » veulent imposer leur civilisation
au reste du monde, et qu’ils vont porter le trouble chez des gens qui
ne leur demandaient rien ; et, comme cette « supériorité » n’existe qu’au
point de vue matériel, il est tout naturel qu’elle s’impose par les
moyens les plus brutaux. Qu’on ne s’y méprenne pas d’ailleurs : si le
grand public adopte de bonne foi ces prétextes de « civilisation », il en
est certains pour qui ce n’est qu’une simple hypocrisie « moraliste », un
masque de l’esprit de conquête et des intérêts économiques : mais
quelle singulière époque que celle où tant d’hommes se laisse persuader
qu’on fait le bonheur d’un peuple en l’asservissant, en lui enlevant ce
qu’il a de plus précieux, c’est-à-dire sa propre civilisation, en
l’obligeant à adopter des moeurs et des institutions qui sont faites
pour une autre race, et en l’astreignant aux travaux les plus pénibles
pour lui faire acquérir des choses qui lui sont de la plus parfaite
inutilité ! Car c’est ainsi : l’Occident moderne ne peut tolérer que
des hommes préfèrent travailler moins et se contenter de peu pour vivre
; comme la quantité seule compte, et comme ce qui ne tombe pas sous le
sens est d’ailleurs tenu pour inexistant, il est admis que celui qui ne
s’agite pas et qui ne produit pas matériellement ne peut être qu’un
« paresseux » ; sans même parler à cet égard des appréciations portées
couramment sur les peuples orientaux, il n’y a qu’à voir comment sont
jugés les ordres contemplatifs, et cela jusque dans les milieux
soi-disant religieux. Dans un tel monde, il n’y a plus de place pour
l’intelligence ni pour tout ce qui est purement intérieur, car se sont
là des choses qui ne se voient ni ne se touchent, qui ne se comptent ni
ne se pèsent : il n’y a de place que pour l’action extérieure sous
toutes ses formes, y compris les plus dépourvues de toute
signification. Aussi ne faut-il pas s’étonner que la manie
anglo-saxonne du « sport » gagne chaque jour du terrain : l’idéal de ce
monde, c’est l’« animal humain » qui a développé au maximum sa force
musculaire ; ses héros, ce sont les athlètes, fussent-ils des brutes ;
ce sont ceux-là qui suscitent l’enthousiasme populaire, c’est pour
leurs exploits que les foules se passionnent ; un monde où l’on voit de
telles choses est vraiment tombé bien bas et semble bien près de sa
fin. (...)