Une religion est aussi un corpus de récits qui transporte une certaine vision du monde. C’est une sorte de « lavage de cerveau », qui produit une psychologie commune chez ses ouailles, des manières d’être ensemble partagées.
Une religion morigène ses enfants et la commune morale ainsi produite permet l’entente et ainsi donc une politesse cordiale, ce qui est chose requise pour fonder les rapports politiques dans toute cité.
Toute religion est donc un principe de civilisation. On ne peut changer la religion d’un lieu sans changer la civilisation de ce lieu : bientôt les productions culturelles, les us et coutumes diffèrent.
Les civilisations sans religion n’existent pas.
Quel est donc la religion de notre temps ? C’est l’argent, la matière, le dur et tangible. Ce qui est sacré, source de toute richesse, c’est le commerce. Dans les temples de la consommation, l’on ne prie pas, l’on paye. C’est une religion de l’estomac. L’humanité est guidée par les nécessités d’alimenter son ventre, elle délaisse les besoins d’alimenter son esprit. Le seul sacrifice que demande le Dieu Estomac, d’après la révélation libérale, c’est de vendre et de se vendre, c’est installer partout la concurrence et laisser faire la main invisible du Dieu créateur de l’économie.
Quant au « processus historique » de l’effacement des religions historiques, il ne s’agit pas de nier le combat qui leur a été mené. La moitié des édifices religieux furent été détruits pendant la révolution Française, qui sema la terreur. Bientôt les armées de Bonaparte allèrent démanteler le Saint Empire Germanique. La révolution Italienne abolit les états papaux. La première guerre mondiale démantela l’Autriche-Hongrie. Il faut ajouter à cela des railleries incessantes. Il faut aussi ajouter la création de l’école républicaine obligatoire, par le Franc-Maçon Jules Ferry, qui nomma le Franc-Maçon Lavisse à sa tête (futur président de la commission sur la laïcité), lequel y nomma partout des Francs-Maçons.
La Religion agit à un niveau bien plus bas que la « raison » (quoique je ne suis pas sûr que le terme de raison soit adéquat ici, je préfère parler de Raison stratégique). Elle influence directement les personnalités, ce sur quoi elles aspirent, alors que la Raison stratégique, elle, se borne à trouver les moyens les plus efficaces pour parvenir à sa volonté.
La Religion se rapporte à l’intelligence du monde intérieur, orientant la verbalisation des sentiments, ce qui oriente la volonté du sujet
La Raison stratégique, elle, se rapporte à l’intelligence du monde extérieur, orientant la compréhension du monde, et permet donc d’accomplir la volonté précédemment définie.
La Religion concerne donc le coeur du sujet, en organisant ses objets internes.
La Raison stratégique concerne, elle, les savoirs à propos des objets externes.
La Religion libérale, car il y en a une, même si ses dogmes sont tacites, est fondée sur laisser-faire la convoitise interne des hommes pour orienter les volontés. Il est « interdit d’interdire » à cette convoitise de s’exprimer. Il ne faut pas résister à cette tentation de posséder car la somme des désirs individuels est censée créer l’économie parfaite, automatiquement.
Il s’agit donc de se laisser-aller à tous ses désirs, tel les toxicomanes, puis de chercher tous les moyens pour parvenir à les satisfaire. Il nous suffirait de céder à tout nos caprices intérieurs, et le monde, par magie serait parfait !
La Religion agit en amont, dès l’expression de la volonté, en encadrant (ou pas) les désirs, la cupidité, l’envie, les vices.
Les religions ne peuvent donc disparaître. Si quelques uns le croient, c’est parce qu’ils oublient de désigner certaines idéologie qui relèvent de ce phénomène par ce terme.