Je viens d’écouter cet entretien, il est inestimable.
Pierre Piccinin est l’un des seuls journalistes à être légitime pour parler du conflit syrien. Je crois personnellement en sa bonne foi quand il relate les atrocités des prisons syriennes. On a également l’impression que le gouvernement syrien est une sorte de nébuleuse où plusieurs pouvoirs s’affrontent (notamment quand il parle des différents services secrets).
Je le trouve en revanche plutôt naïf quand il s’agit de l’intervention de la communauté internationale. Il le dit d’ailleurs lui-même, il n’y a jusqu’à présent eu aucune intervention militaire qui ne soit motivée uniquement par des motifs humanitaires. Croire que cela pourrait commencer avec la Syrie semble relever de la candeur, les Occidentaux ne se sont pas acharnés autant qu’ils l’ont fait pour la Syrie sur l’Arabie Saoudite ou Bahreïn, tout simplement parce que leurs dirigeants roulent déjà pour le camp de l’OTAN.
Bachar al Assad a concédé certains remaniements démocratiques, mais il aurait dû avant tout mettre fin à la torture et aux répressions des opposants « non-terroristes ». La question est : le souhaite-t-il seulement et le peut-il vraiment ? Vu de très loin, je n’ai pas l’impression qu’il ait un pouvoir absolu sur l’armée et les différents services secrets.
Je me demande également pourquoi les Russes et les Chinois ne mettent pas plus de pression sur le régime syrien. Voir la région s’embraser ne servirait sûrement pas les intérêts russes. Lavrov avait déjà insisté auprès d’al Assad pour les réformes démocratiques qu’il rechignait à mettre en place, mais le nouveau gouvernement de Poutine devrait insister encore plus sur les réformes et l’arrêt de la torture et autres pratiques abjectes avant qu’une intervention extérieure soit décidée, chose que la Russie ne veut absolument pas.
J’ai trouvé vos questions très pertinentes, soit dit en passant, merci pour ce travail.