Faut- il privilégier la VO à la VF ?
Voilà une question que tout amateur de cinéma et télévision peut se poser à un moment où un autre de sa vie. Est-il plus intéressant de voir un film où une série par exemple des Etats-Unis en version française (VF) ou en version originale (VO) soit en anglais ?
Les premiers doublages sont apparus dans les années 30. Le son venait à peine de faire son entrée dans l’histoire du cinéma que des personnes ont compris l’utilité d’avoir une bande son audible dans n’importe quel coin du monde sans avoir recours aux cartons. Cela facilite la complexité d’une histoire.
A l’époque déjà, certaines personnes se sont levées contre cette « hérésie ». Jean Renoir a clairement exprimé son point de vue en déclarant :
« Le doublage est une
infamie »
Qu’en est-il à
présent ?
Le cinéma à plus
de 100 ans et le doublage est quasi une institution pour la France, il est
inconcevable de voir un film à 20 h50 sur une grande chaîne de télé en VO. Seul
sur France 3 le dimanche a 23h30 - le cinéma de minuit, Canal+ dans sa
séquence multidiffusion et sur certaines chaînes thématiques du câble et
satellite, il est possible d’écouter un acteur dans sa langue d’origine.
Pourquoi ?
- La première raison est la facilité et le confort. Un spectateur lambda, n’ayant pas envie de lire un livre, n’aura absolument pas le moindre envie de lire des dialogues durant plus de deux heures.
- La plus grande partie des films et séries à la télévision française sont d’origine américaine. La langue anglaise est commune à tout les pays, ce n’est un secret pour personne. Mais l’insistance des Français pour (sauver) garder sa langue natale est tellement primordiale qu’un film doit quasiment toujours être traduit en français.
- Exception culturelle française oblige, il est bon d’admettre que la France dispose d’une qualité de doublage supérieur à beaucoup d’autres pays. Même si cette logique est applicable en grande partie aux films et séries américains (vous regarderiez l’intégrale de Steven Seagal en VO ?).
N’importe quel amoureux du ciné, cinéphile dans le cœur et l’âme, pourra sans nul doute vous dire que le doublage est forcement une infamie comme l’a dit Renoir. Mais certaines « voix » ont forgés un tel caractère réaliste à leurs personnages qu’elles en deviendraient presque risibles dans leur version original. Pour vous donnez quelques exemples de voix qui resteront dans l’Histoire :
Serge Sauvion alias Columbo, mais qui a doublé des dizaines de films et
joué plus d’une quarantaine de films et série. Qui s’en souviendra ? Par
contre de sa voix.
Phillipe Peythieu alias Homer Simpsons. Pour information la première version piraté des Simpson : le film était en québecquois comme beaucoup de films américains. Beaucoup de personnes l’ont téléchargé, mais sont quand même allé le voir au ciné pour écouter cette voix mythique (source personnelle).
Yvan Attal, avec sa voix sombre, est le doubleur officiel de Tom Cruise.
Le doublage est aussi un bon moyen de faire qu’un film dispose de deux fois plus de salles. Notamment pour un blockbuster qui peut aussi bien sortir dans un multiplexe en VF que dans un cinéma de quartier deux mois plus tard en VO. Il y a quelques temps Mediatis avait estimé que deux DVD sur sept était regardé dans sa langue originale. Ce qui prouve que même sans l’obligation des chaînes de TV à diffuser de la VF, la VO est peu prisée en France.
Cela permet aussi d’adapter des histoires à notre langage commun. Prenez un film comique. Par exemple Hot Shoot, de Jim Abrahams, contient de nombreux dialogue avec des références à des films principalement américains. Mais pour un pays, certaines blagues n’ont aucun comique, le doubleur pourra dire autre chose ce qui sera bien mieux compris par le spectateur.
Les mauvais côtés du doublage
A côté de tout ça, il faut bien reconnaître que le doublage peut très souvent dégrader l’esprit ou la crédibilité d’un film. La plupart des films asiatiques disposent d’un doublage toujours très moyens. Peu importe quel chef-d’œuvre de la culture asiatique, le voir VF est très souvent synonyme de voix totalement décalées pour ne pas dire sans aucun rapport.
Beaucoup de films européens donnent très souvent dans le doublage très basique, même si le réalisateur et les acteurs sont connus. Voir les films d’Almodovar, de Dario Argento, d’Emir Kusturica où les téléfils allemands qui sont diffusés sur M6 à 13 h 50.
Pour toutes nationalités confondues, les lèvres ne bougent pas en même temps que la voix et quand on dispose d’un grand écran cela peut devenir vite frustrant.
Le constat est encore plus fort sur les mangas, si bien que jusqu’à quelques semaines, toutes nouvelles série animées en provenance du japon sur Youtube ou Dailymotion étaient très souvent avec des sous-titrages réalisés par des fansubs - autrement dit des « amateurs » - qui intègrent un sous-titrage a un DivX. Et quand je dis amateurs, ce n’est pas péjoratif car la qualité est très souvent au rendez-vous.
Un autre mauvais côté du doublage peut subvenir aussi de l’interprétation d’une voix. Pour rester encore dans la japanimation, voir un animé en français comporte des voix très ridicules par rapport au ton très sérieux de la langue nippone.
La France est
encore loin de sortir du cycle du doublage et ça lui coûte parfois assez cher. Par
exemple une partie de l’audience médiocre cet été pour la série Heroes est
imputée aux nombreux téléchargements. Dans ce cas précis, le piratage n’est pas
une cause, mais une conséquence. Pour un grand nombre d’internautes qui ont vu
la série sous-titrée sur un site de partage de vidéo en ligne, ou en la
téléchargeant, les avantages sont les suivants :
- ne pas attendre une semaine pour
voir trois épisodes entrecoupés de cinq minutes de pub, plus sept minutes entre
chaque épisode ;
- voir la série avec six mois, voire un an (en grande partie la japanimation) d’avance sur la diffusion française.
Truffaut écrivait que pour revoir un film, il devait attendre cinq à dix ans pour qu’il ressorte dans une salle de cinéma. Ce problème fut résolu avec la VHS. Le problème est inverse à présent. On veut voir plus rapidement un film et ne pas attendre le doublage. TF1 l’a bien compris à ses dépens en diffusant Hereos saison 2 en VO sur le net en même temps que les chaînes américaines.
La faute à qui ? Très souvent des distributeurs qui ne veulent pas se donner la peine d’en faire plus, le prix exorbitant d’un doublage, accélérer la distribution, prendre le consommateur pour une vache à lait. Une série de petites choses qui peuvent ruiner la qualité d’un film.
Dans la série des doublages les plus mauvais, on peut citer une constante, les novelas (Les Feux de l’amour, Santa Barbara, etc.). Des séries au scénario suffisamment bête et creux qu’un mauvais doublage finit par achever. Mais il y a un public, donc le producteur ne se donne pas la peine.
Qu’en est-il dans le monde ?
N’ayant pas vu les télévisions du monde entier, il est dur de se prononcer. Un constat rapide montre que :
- les Etats-Unis aussi ouverts qu’une huître à importer des films, ne les voient qu’en
VO. Même si un paradoxe fait qu’ils n’aiment pas les versions doublées, mais
n’aiment pas non plus lire un sous-titrage ;
- le Québec donne l’impression de n’avoir que cinq ou six doubleurs pour l’intégralité des films américains ;
- l’Amérique du Sud et latine est plus prompt au sous-titrage, la qualité du
doublage est moyenne. Il faut noter qu’ils ont le mérite de constamment
traduire ce qui n’est pas en langue espagnole ou portugaise ;
- pour l’Asie, c’est très dur de
chiffrer, vu que beaucoup de films vendus le sont en version pirate.
Mais les chaînes de télévision, du moins au Japon, font appel à un doublage d’une
bonne qualité, notamment pour les films français et américains du moins ;
- l’Afrique en plus de ses multiples langues et dialectes dispose d’un
héritage (le seul bon peut être) de la colonisation. Le fait d’avoir une
large population bilingue ce qui permet
de passer un film en version française, anglaise ou sous-titrée dans l’une de
ces deux langues. Cela réduit amplement
le coût des distributeurs ;
- pour l’Europe, la poire est coupée en deux. D’un côté l’Europe de l’Ouest
est très souvent adepte du doublage. Pour les films américains, une meilleure
qualité de doublage est perceptible pour l’Espagne ; les films européens sont
comme en France soit de qualité moyenne soit sous-titrés ;
- l’Europe de l’Est pourrait faire figure de mauvais élève du monde. Avec soit un doublage totalement ridicule, soit un sous-titrage pas toujours très clair qui est plus proche d’une version pour malvoyant. Le pire est peut-être le fait d’avoir le film en VO avec en voix off une à deux voix pour traduire l’intégralité du film. Voir Les Feux de l’amour en version tchèque est plus comique qu’en version française. Seul l’Autriche et la Hongrie relèvent le niveau en diffusant intégralement en VO sous-titrée ou en version allemande.
Voilà une constatation, mais il faut voir avant tout que si l’on voit un film c’est aussi pour l’histoire, la musique où les décors. L’important, c’est d’apprécier peu importe l’emballage.
Pour écrire cet article, j’ai volontairement omis les films pornographiques et érotiques, car la qualité de doublage est toujours médiocre. Et, il faut bien l’admettre, ce n’est pas ce qu’on regarde le plus.
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