La science est la description du monde sans postulat
La théorie de Newton n’est pas purement scientifique, car elle embarque le postulat d’attraction, or la science est par définition la description du monde sans postulat. C’est cette caractéristique qui distingue la science de toutes les autres activités humaines. Pourtant les postulats sont souvent utiles, au moins comme marche-pied vers des théories plus fondées scientifiquement, à condition de ne jamais en faire des dogmes.
Parmi les activités humaines, la science possède une place à part : c’est la seule qui interdit l’utilisation des postulats, c’est à dire d’énoncés humains indémontrables. La religion, l’art, la politique ou l’économie sont d’autres activités humaines, mais toutes embarquent des postulats : « Dieu existe », « Ce film mérite la palme », « le communisme fera le bonheur du peuple », « la main invisible du marché », ...
Malheureusement l’histoire nous montre que les postulats humains se révèlent le plus souvent faux avec le temps (la Terre est plate, la génération spontanée, le radium c'est bon pour la peau, ...), et cela peut même engager notre survie. Les derniers qui avaient décidé que le feu était un dieu, qu’il suffisait de nourrir pour apaiser, sont tous morts dans l’incendie. Quant à ceux qui ont compté sur la danse de la pluie pour arroser leurs cultures, au lieu de bâtir un système d’irrigation, ils sont tous morts de faim à la première sécheresse. La croyance aveugle dans les postulats humains peut donc être très dangereuse. C’est alors pour une question de survie qu’il est apparu aux homos la nécessité d’ouvrir un domaine d’activité qui refuse tout postulat, mais se base sur des constatations objectivement mesurables de la nature : la science.
Heureusement la nature a le bon goût d’être souvent reproductible, par exemple l’eau gèle toujours en dessous de 0°C, sous sa forme liquide elle permet d’éteindre le feu, elle peut être stockée, elle s’écoule toujours du haut vers le bas, etc. En observant bien ses propriétés il devient donc possible de prévoir son comportement, et dès lors de s’en servir comme d’un outil. C’est donc par l’observation que débute la vaste entreprise qu’est la science. Aujourd’hui encore la mesure en est l’aspect le plus fondamental. Sans mesure objective il n’y a pas de science, et ce qui n’est pas mesurable objectivement ne peut pas être pris en considération par la science.
A force d’observation on peut faire des recoupements et finalement dégager des lois et théorèmes forts utiles. Le théorème de Pythagore, dont ce dernier ne fut pas le découvreur mais seulement le rapporteur, est un exemple emblématique. On a remarqué qu’un triangle rectangle de côtés valant 3 et 4, avait une hypoténuse de 5, et cela fonctionnait partout, de la mesure entre les étoiles jusqu’à la mesure d’un coin de table. Voilà donc une propriété mesurable et reproductible de la nature, une fois généralisée par Pythagore, qui peut intégrer les lois de la science sans aucun doute. Et c’est ainsi que progresse la science dans tous ses domaines, d’abord par la mesure, puis par leur synthèse en des lois et théorèmes sous une forme où ils peuvent servir d’outils.
La théorie de la gravitation de Newton n’est pas strictement scientifique
La science se distingue donc par cet aspect particulier et unique parmi les activités humaines : elle refuse tout postulat et ne se fie qu’à la mesure objective. Ceci posé, ce n’est pas toujours simple d’expliquer la nature sans poser de postulat, l’exemple de la gravitation est très parlant à ce propos.
J. Kepler, grâce aux mesures expérimentales de N. Copernic et T. Brahe, parvint à déterminer que les planètes suivaient trois lois dans leur mouvement, en première approximation. A l’instar du triangle rectangle dont le théorème de Pythagore donne les propriétés universelles, les lois de Kepler fonctionnent aussi loin qu’on regarde dans l’univers, quel que soit le corps astral observé. Sans aucun doute ces lois peuvent donc aussi intégrer la science.
Mais cela génère une nouvelle question : pourquoi la nature les a-t-elle choisies, plutôt que d'autres ? Et ici les affaires se corsent. Seulement deux personnes sont parvenues à donner une explication aux lois de Kepler, Newton et Einstein. Malheureusement chacun d’eux est obligé de poser un postulat initial, celui de l’attraction des corps pour Newton, et le principe d’équivalence pour Einstein et sa Relativité Générale (RG). Tous deux s'éloignent donc de la science pure.
« Tous les corps s’attirent » est un postulat indémontrable. On ne peut pas en effet prouver par l’expérience que la Lune attire la Terre, et cela d’autant moins qu’une telle proposition recèle un paradoxe de taille. Lorsque deux aimants s’attirent, on sait ce qui se passe, ils finissent par se coller l’un à l’autre, mais dans la proposition de Newton l’attraction se traduirait en un mouvement de rotation orbital. Comme si nos aimants, au lieu de se rapprocher l’un de l’autre, se mettaient à orbiter l’un autour de l’autre. Étrange, non ?!
Je sais bien qu’on va m’objecter que la force centrifuge de la rotation compense exactement la force d’attraction, et ainsi que la Lune tourne autour de la Terre. Mais cette solution pose de nombreux problèmes. Le premier est de ne donner aucune explication à l’existence de cette rotation compensatrice. D’où vient-elle, par quoi est-elle causée ? Le second est d’oublier que la Lune ne ressent aucune force centrifuge car elle est en chute libre, comme les astronautes dans l’ISS. Cela n’a rien à voir avec un manège sur Terre, sur lequel on ressent la force centrifuge. Le troisième enfin est qu’un tel équilibre serait des plus précaires, et que la moindre éruption solaire le déstabiliserait. La force centrifuge compensant la force d’attraction n’est donc pas une hypothèse raisonnable, et c’est d’ailleurs pour cette raison que Einstein a cherché une autre solution, plus compatible avec la chute libre et expliquant mieux la rotation.
Le fait est cependant que si la Lune subit une accélération inversement proportionnelle à la distance la reliant à la Terre, comme le propose Newton, on obtient bien les mouvements de Kepler. Et cela est troublant d’efficacité. Il y a donc une vérité là dessous, indubitablement.
On peut néanmoins objecter à Newton que d’autres accélérations peuvent exister, que celle d’attraction, comme l’accélération centripète de tout mouvement de rotation par exemple, et que son postulat d’attraction, même valide dans sa forme mathématique, pourrait-être expliqué par un autre type de force. Ainsi ce n’est pas l’équation mathématique de Newton qui pose problème, car elle est certainement valide à son échelle, mais c’est son interprétation en « force attractive », ainsi que sa rigidité à postuler que la constante de la gravitation serait universelle, à toutes les échelles et dans toutes les conditions(1).
Quoi qu’il en soit, si on accepte d’intégrer ce postulat à la boîte à outil de la science, on peut envoyer des hommes sur la lune et des sondes aux confins du système solaire. Avouez que ce serait dommage de s’en priver au principe strict que la science ne doit embarquer aucun postulat. Alors que faire ? Et bien rien de plus simple, intégrons le postulat de Newton, mais taguons le d’un panneau « Attention Postulat ! » afin de prévenir tout utilisateur que cette partie de la théorie de la gravitation est un point faible, et qu’elle est susceptible de se révéler fausse dans certaines conditions ou à certaines échelles. Il faut prévenir les étudiants que la théorie de Newton est imparfaite, et que s’ils veulent chercher une solution qui la validerait ou l’invaliderait scientifiquement, au sens strict, sans plus aucun postulat, ils feraient grandement progresser la science.
Le danger immense serait de faire un dogme du postulat de Newton, et de considérer qu’il possède la même valeur scientifique irréfutable et universelle que le théorème de Pythagore ou les lois de Kepler. Faire une vérité indiscutable d’un postulat n’est pas scientifique, quel que soit le cerveau génial qui l’ait énoncé. La fable du génie gravissant la montagne, portant sa main en visière au dessus des yeux, scrutant l’horizon et s’exclamant « Eureka ! », puis descendant des sommets avec la vérité absolue et définitive sous le bras, tel Moïse avec les tables de la loi, ce sont des sornettes pour les livres d’enfants. Il faut rester sérieux, je veux dire scientifique. D’ailleurs nous savons que la théorie de Newton ne fonctionne pas aux échelles microscopiques, et qu’elle coince aussi à l’échelle galactique où elle ne peut expliquer la vitesse de rotation des galaxies. Est-ce d’ailleurs si étonnant, sachant que Newton ne connaissait ni l’électromagnétisme, ni l’existence de l’atome, ni même l’existence des galaxies ?
On voit donc expérimentalement les limites des imperfections du postulat d’attraction de Newton. D’ailleurs Einstein ne s’y est pas trompé, il donne une autre explication de la gravitation, autre que l’attraction, faisant appel à la courbure de l’espace-temps par la masse. Il est à noter cependant que la RG aboutit aux mêmes équations mathématiques que celles de Newton pour des vitesses et des masses faibles, c'est dire tout le respect qu'il nous faut porter à l'hypothèse de Newton.
Une note ici sur la rotation des galaxies. Observant que la théorie de Newton est prise en défaut sur ce problème, certains ajoutent un postulat supplémentaire, pour faire coïncider théorie et expérience. Ils postulent l’existence d’une poudre de perlimpinpin, indétectable mais représentant 75 % de la masse de l’univers (hors énergie sombre, si vous me permettez de passer sous silence cet autre postulat), et ils la nomme « matière noire » pour faire plus sérieux. D’autres postulent l’existence d’une force inconnue à longue distance (MOND), tout aussi mystérieuse que la matière noire. Tout cela est fort spectaculaire, mais la science ne consiste pas à empiler les postulats humains ad hoc, jusqu’à ce que leur théorie s’accorde avec la mesure. Il est plus scientifique de voir ici d’abord une des limites du postulat de Newton, au lieu de s’embarquer tout de suite dans la science fiction.
On peut par exemple poser la question : la constante universelle de la gravitation de Newton, est-elle si universelle que cela ? Cette constante est un postulat, donc un énoncé non démontré, et nous sommes alors en droit de nous interroger sur sa validité. En effet il suffirait qu’à l’échelle galactique cette « constante » soit en réalité une variable proportionnelle à la distance pour expliquer la rotation des galaxies, sans matière noire, et au passage en vérifiant la relation de Plank-Einstein à cette échelle macroscopique(1). Avant donc d’empiler les postulats les uns sur les autres, il serait plus raisonnable, et surtout plus scientifique, de considérer que l’hypothèse de Newton ne fonctionne plus à cette échelle, et qu’il faut y remédier par une théorie plus solide et plus vaste que l’attraction universelle proposée par cet homme du XVIIème siècle. Il a tracé la voie, mais il faut maintenant aller plus loin. Une étude poussée de la cinématique keplerienne pourrait nous aider dans cette perspective(1).
D'ailleurs, qu’aurait dit Newton à propos de la rotation des galaxies s’il avait eu toutes les cartes en main, telles que nous les possédons aujourd’hui ? N’aurait-il pas été le premier à proposer d’étendre le concept de constante de la gravitation pour qu’elle varie à différentes échelles, surtout s’il avait connu la forme mathématique de la force de Coulomb ? Pour ma part, admirant son brillant esprit de synthèse (bien que l’homme fut peu recommandable), je ne doute pas un seul instant qu’il aurait admis une telle possibilité. Faisons donc attention de ne pas parler à la place de Newton, en considérant par postulat qu’il aurait défendu bec et ongle sa constante même s’il avait disposé de toutes les connaissances que nous possédons aujourd’hui.
La RG d’Einstein n’est pas strictement scientifique
La RG d’Einstein est une alternative à l’attraction de Newton. Comme je l’ai dit plus haut elle est beaucoup plus satisfaisante pour expliquer la chute libre, ainsi que la rotation, et l’expérience a montré combien elle s’accordait bien aux observations. Malheureusement cette théorie est elle aussi fondée sur un postulat initial : le principe d’équivalence.
Ce dernier stipule que l’accélération gravitationnelle est de même nature que l’accélération mécanique, et on ne peut pas localement distinguer l’une de l’autre. Personne n’a cependant pu prouver la véracité de ce postulat. Mais s’il est vrai, alors un satellite situé sur une trajectoire circulaire, et ayant un moteur dont la poussée simule une accélération gravitationnelle, parviendra à tourner plus vite sans quitter sa trajectoire circulaire, et tout se passera comme si le corps central de l’orbite avait augmenté en masse. Malheureusement ce n’est pas du tout ce que les agences spatiales ont expérimenté avec leurs satellites, et c’est d’ailleurs pour cela que la problématique du rendez-vous spatial est si complexe à résoudre.
Pour qu’une force fasse tourner un mobile autour d’un axe il est nécessaire que cette force possède une relation physique avec cet axe. Or la force de poussée d’un moteur appliquée à un orbiteur n’a aucune relation physique avec le corps central de l’orbite, il ne peut donc en aucun cas provoquer une rotation autour de lui. Toute poussée du moteur provoquera une translation par rapport à l’axe, quelle que soit sa force et son orientation. En revanche la force de gravitation exercée sur l’orbiteur possède bien une liaison physique avec le corps central, la gravitation elle même, et elle peut donc provoquer la rotation, ce qu’elle ne manque pas de faire, à ce que nous observons dans le ciel. Dès lors l’accélération mécanique ne pouvant provoquer que la translation, tandis que l’accélération gravitationnelle provoque la rotation(1), est-il raisonnable de dire qu’elles sont de même nature ?
On le voit, le postulat d’Einstein peut être lui aussi aisément soumis à la critique. Mais les résultats expérimentaux de la RG montrent que dans sa globalité elle doit être fort proche d’une vérité. Il faut alors accepter temporairement ce postulat, faute de mieux, mais avertir encore les étudiants qu’il faudra un jour ou l’autre le transformer en une loi ou un théorème. En tout état de cause il ne faut surtout pas en faire un dogme indiscutable. D'ailleurs tout le monde sait que la RG ne donne aucune explication satisfaisante à l'échelle microscopique, et qu'il faut donc s'attendre à y ajouter/corriger quelque chose.
Une piste serait de découvrir les lois d’une relativité restreinte pour les référentiels non galiléens, en gros les référentiels en rotation. En effet la relativité restreinte ne fonctionne pour l’instant qu’entre référentiels en translation uniforme l’un par rapport à l’autre, ce qui avouons le n’est pas bien pratique pour expliquer les mouvements orbitaux observés dans l’univers. Alors Einstein a recours au principe d’équivalence, dont on peut donner une image (vous me pardonnerez cette vulgarisation) en disant qu’il considère qu’une courbe est assimilable à une succession de droites, aussi petites que possibles, et dans lesquelles on peut dès lors appliquer la relativité restreinte. Mais cela est problématique car il existera toujours une échelle, aussi infime soit-elle où la courbe se distinguera d’une succession de droite, un peu comme quand les pixels apparaissent lorsqu’on zoome une photo. C'est notamment pour cela que la RG coince lorsqu'on l'applique à l'échelle microscopiique. Pour remplacer le principe d’équivalence, une relativité restreinte de la rotation serait idéale, mais elle reste à découvrir. Tout ce qu’on risque à chercher une telle théorie est simplement de bâtir des fondations plus solides pour la RG. Donc loin de disqualifier la RG, l’inexactitude du principe d’équivalence peut nous amener à la renforcer et à l’améliorer. Il serait dommage de ne pas jeter un coup d'œil dans cette direction.
La mécanique quantique n’est pas strictement scientifique
Parmi nos théories scientifiques, on cite bien sûr la Mécanique Quantique (MQ). C’est une erreur au regard de la définition de la science. La MQ est entièrement basée sur des postulats indémontrables, au moins 6 pour commencer, et bien plus si vous voulez par exemple étudier un atome dans une molécule. La science pure ne peut donc pas intégrer la MQ, car elle ne consiste pas en l’empilement de postulats ad hoc jusqu’à ce que ça corrobore l’observation. La MQ est une approche différente de celle de la science pour décrire le monde, une approche où les postulats sont autorisés ... par postulat.
La MQ réfute les lois de la physique classique, et du même coup le paradigme fondamental de la science, en posant le postulat qu’elles ne seraient plus applicables à l’échelle microscopique, et qu’elles seraient donc incapables de décrire la structure quantique du monde. Par suite elle prétend la nécessité d’introduire des postulats mathématiques, physiquement incompréhensibles pour les humains, indémontrables scientifiquement au sens strict du terme ... mais permettant des succès indubitables pour prévoir les résultats de certaines expériences.
Ici encore on voit que la MQ, bien que bardée de postulats, parvient à des résultats très intéressants, et il serait donc dommage de ne pas la considérer comme recevable temporairement. Mais attention, n’oublions jamais que pour la science les postulats sont inacceptables, et engageons donc une fois de plus les étudiants et les chercheurs à transformer ces postulats en lois ou théorèmes, ce qui ne fera d’ailleurs que renforcer cette théorie si elle le mérite.
Dans une telle perspective, apportons notre pierre à l’édifice en montrant que la physique classique décrit parfaitement la quantification du monde microscopique.
Posons le théorème suivant : "Il est impossible de mesurer un système dans deux états physiques différents simultanément". La preuve en est que personne n’a jamais mesuré un système à deux positions différentes simultanément, ni immobile et mobile simultanément, ni grand et petit simultanément, ni vivant et mort simultanément, etc. A l’évidence c’est un des théorèmes les plus fondamentaux de la nature, qu’il nous faut constater mais sans savoir pourquoi, à l’instar du théorème de Pythagore.
Dès lors observons une boule de billard immobile, qu’on met en mouvement par un choc. Appelons t0 le dernier instant où la boule est dans l’état « immobile », et t1 le premier temps où la boule est dans l’état « en mouvement ». Aucune mesure ne peut à l’évidence être faite dans l’intervalle de temps séparant t0 de t1, car alors nous mesurerions peu ou prou la boule dans deux états différents, et t0 ne peut pas non plus être égal à t1 pour la même raison. Par suite il existe un intervalle te temps dt = t1 – t0 forcément non nul entre les deux états. Le temps est donc quantifié en physique classique, il évolue par succession d’intervalles de temps dt. Si vous prenez un film de la boule de billard, aussi rapide sera votre caméra vous n’obtiendrez qu’une succession d’images, chacune séparée de la suivante par un quantum de temps dt. Vous n’obtiendrez jamais une « image continue », et ne saurez jamais ce qui s’est véritablement passé entre deux images. On peut d'ailleurs imaginer que c'est dans ces intervalles inaccessibles à la mesure que la MQ pourrait trouver toute sa raison d'être.
A cause du théorème précédent, la physique classique est donc totalement bâtie sur des propriétés quantiques, car si le temps y est quantifié, cela entraîne que tous les autres paramètres physiques seront eux aussi quantifiés, l’espace, l’impulsion, l’énergie, l’action, … Le postulat de la MQ qui prétend que la physique classique ne peut appréhender le monde quantique est donc faux, et c’est même tout l’inverse en réalité. D'autant plus que le théorème précédent est aussi respecté par la MQ elle même, qui stipule que la mesure provoque la "réduction du paquet d'onde" (je vous passe les détails), et aboutit à ne mesurer toujours qu'un seul état, mais jamais deux simultanément. La MQ et la science sont-elles donc si irréconciliables que cela ?
Je suis persuadé que considérer les propriétés objectivement quantiques de la mécanique classique peut aider à réduire le nombre de postulats de la MQ. Ce serait d’ailleurs une aide pour répondre à la difficile question de la frontière qui existe entre la MQ et la mécanique classique. Que risque-t-on à investiguer dans cette direction ? Seulement de rendre la MQ plus acceptable scientifiquement, et plus accessible à la logique de l'esprit humain, en la rendant moins étrange. Et de toute façon, si on veut faire de la science on ne peut pas ignorer le théorème précédent, sauf à démontrer par l'expérience qu'il est possible de mesurer un système dans deux états physiques différents simultanément. On ne peut donc pas ignorer que la MQ se trompe lorsqu'elle prétend que la mécanique classique n'est pas quantifiée, car cela ne serait pas un comportement scientifique.
Pour aller plus loin
Si nous voulions jouer les intégristes de la science, nous aurions donc le droit de disqualifier l’attraction de Newton, la RG d’Einstein et la MQ (et bien d’autres théories encore, que je n’ai pas évoquées ici), car elles sont basées sur des postulats, ce qui est interdit par la science. Mais comme je l’ai dit plus haut, ce serait passer à côté d’importants bénéfices. Certes la science pure refuse les postulats, mais ces derniers peuvent être utiles tant qu’on n’a pas trouvé mieux. Il peuvent notamment servir de marche-pied pour progresser vers l’idéal d’une théorie de physique purement scientifique.
Et puis, n'oublions pas qu'un postulat n'est pas forcément faux. Il suffit de démontrer scientifiquement qu'il est vrai, et il deviendra alors une loi ou un théorème, et sera dès lors acceptable par la science. La relation de Plank-Einstein par exemple, d'abord posée comme un postulat, est aujourd'hui mesurée objectivement partout dans le monde quantique, et dès lors mériterait l'intitulé de loi, au même titre que les lois de Kepler.
Ce qu’il ne faut pas c’est dogmatiser un postulat, pour la raison qu’il serait énoncé par un génie mort qui ne proférait que vérités absolues, éternelles et définitives. Surtout si on présume de ce qu’aurait pensé le génie en question s’il vivait toujours. D’ailleurs tant que la notion de génie ne peut pas être quantifiée ni mesurée scientifiquement, elle ne peut pas être prise en compte par la science.
A l’inverse il faut prévenir les étudiants que le postulat est toujours un point faible de la théorie, qu’il faudra faire disparaître un jour ou l’autre, d’une façon ou d’une autre, si on veut atteindre une théorie de physique purement scientifique, c’est à dire n’embarquant aucun postulat.
Les postulats sont bien utiles, mais ils ne sont que des caches misère, des bricolages temporaires en attendant de trouver mieux. L’oublier serait s’écarter de la science. Hélas force est de reconnaître que nos théories comptent aujourd’hui beaucoup de ces postulats, et que la tentation à les sanctuariser est forte. Mais soyons aussi indulgents envers nous-même, la science humaine progresse, même si elle est encore pleine de bricolages et d’échafaudages. C’est finalement le lot de tous les chantiers. Il faut juste maintenant prendre du temps pour remplacer ces bricolages par du solide et du durable. L’édifice global n’en sera que renforcé, et nous pourrons alors aller encore plus loin. En revanche, si nous campons sur des dogmes postulés, l'édifice ne grimpera jamais bien haut, et restera des plus instables.
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(1) Pour une démonstration détaillée voir "Theorem of the Keplerian Kinematics"
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Pour ceux qui seraient intéressés : quelques tentatives d’approche de la physique sans aucun postulat
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