Irvin Yalom, Le problème Spinoza
Irvin Yalom, Et Nietzsche a pleuré - Le blog de Robin Guilloux
Irvin Yalom, professeur émérite de psychiatrie à l'Université de Stanford est également auteur de nombreux romans pédagogiques, devenus des best-sellers. Nous suivons Irvin Yalom dans son quo...
http://lechatsurmonepaule.over-blog.fr/2019/02/irvin-yalom-et-nietzsche-a-pleure.html
Irvin Yalom, Le Problème Spinoza (The Spinoza Problem), roman traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Sylvette Gleize, Le Livre de Poche, 2012
L'auteur :
Professeur émérite de psychiatrie à Stanford, irvin Yalom est l'auteur, entre fiction, philosophie et psychothérapie, de nombreux essais, romans ou récits, best-sellers dans le monde entier, dont La méthode Schopenhauer, Le Bourreau de l'amour, Le Jardin d'Epicure, En plein coeur de la nuit, Le Problème Spinoza(Lauréat du Prix des lecteurs du Livre de Poche en 2014), ou encore Créatures d'un jour
Quatrième de couverture :
Amsterdam, février 1941. Le Reichsleiter Rosenberg, chargé de la confiscation des biens culturels juifs dans les territoires occupés, fait main basse sur la bibliothèque Baruch Spinoza. Qui était donc ce philosophe, excommunié en 1656 par la communauté juive d'Amsterdam et banni par sa propre famille, pour, trois siècles après sa mort, exercer une telle fascination sur l'idéologue du parti nazi ?
Irvin Yalom, l'auteur de Et Nietzsche a pleuré, explore la vie intérieure de Spinoza, inventeur d'une éthique de la joie, qui influença des générations de penseurs. Il cherche aussi à comprendre Alfred Rosenberg qui joua un rôle décisif dans l'extermination des juifs d'Europe.
"Le rythme soutenu du récit, la vivacité des dialogues, l'érudition d'Irvin Yalom, la plongée dans la société néerlandaise du XVIIème siècle et les grands bouleversements de l'Europe du XXème font de cet ouvrage un véritable régal." (Marie Auffret-Pericone, La Croix)
Extraits (Genèse du Problème Spinoza) :
"Spinoza m'a lontemps intrigué. Depuis des années je veux écrire sur ce courageux penseur du XVIIème siècle, si seul - sans famille, sans communauté -, auteur de livres qui ont véritablement changé le monde. Il a imaginé avant tout autre la sécularisation de la société, l'Etat démocratique en politique, l'avénement des sciences naturelles, et il a ouvert la voie aux Lumières. Qu'il ait été excommunié par les juifs à l'âge de vingt-trois ans et que son oeuvre ait été interdite par la censure pour le restant de sa vie par les chrétiens m'a toujours fasciné, peut-être en raison de mes propres penchants iconoclastes. Et cette étrange sensation de parenté s'est renforcée en découvrant qu'Enstein, l'un de mes premiers héros, était spinoziste. Quand Einstein parlait de Dieu, il parlait du Dieu de Spinoza - un Dieu qui est synonyme de Nature, un Dieu qui inclut toute substance, un Dieu enfin "qui ne joue pas aux dés avec l'univers"... (p.529)
"Incroyable !" Il y a là une histoire, pensai-je. "Mais pour quelle raison Rosenberg s'est-il intéressé à ces livres ? Je sais qu'ils ont une certaine valeur - des ouvrages du XVIIème siècle et plus anciens encore - mais pourquoi ne pas avoir tout simplement investi le Rijksmuseum et décroché un Rembrandt qui à lui seul vaut cinquante fois la bibliothèque tout entière ?
- Non, l'argent n'était pas le but. Il n'avait rien à voir dans ce cas. l'ERR (Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg) portait à Spinoza un intérêt qui reste mystérieux. Dans son rapport, l'officier sous les ordres de Rosenberg, le nazi qui a razzié la bibliothèque a écrit une phrase singulière à son sujet : "Elle comporte des ouvrages anciens d'une grande importance pour l'examen du problème Spinoza." Vous pouvez consulter le rapport sur la Toile, si vous le souhaitez, il fait partie des documents officiels de Nuremberg." (p.534)
Je restai abasourdi. "L'examen du problème Spinoza" ? Je ne comprends pas. Quel était le problème Spinoza pour les nazis ?..."
Mon avis sur le livre :
Quel rapport peut-il bien y avoir entre Benedictus (Bento) Spinoza, le philosophe de la raison et de la lutte contre les "passions tristes" (l'envie, l'ambition, la haine...) et Alfred Rosenberg, l'idéologue du Parti national-socialiste, auteur d'un ouvrage antisémite délirant et abscond, Le Mythe du XXème siècle, dédié au penseur raciste Houston Stewart Chamberlain, et qui figure au premier rang des ouvrages qui "constituent avec Mein Kampf les assises idéologiques du national socialisme." ?
Ce rapport, selon Irvin Yalom, c'est la fascination étrange qu'éprouvait Rosenberg pour l'oeuvre et la personne de Spinoza dont il alla jusqu'à s'emparer de la bibliothèque à Rijnsburg pour la transférer à Berlin.
Rosenberg s'étonne de l'admiration de Goethe, représentant vénéré de la haute pensée allemande, pour le représentant d'une "race" qu'il haïssait : pourquoi Goethe admirait-il à ce point Spinoza ? Pourquoi prétendait-il qu'il l'avait "guéri" ? Pourquoi ne se séparait-il jamais d'un exemplaire de l'Ethique de Spinoza ?
Nous savons peu de choses de la vie de Spinoza, alors que celle d'Alfred Rosenberg est connue dans ses moindres détails...
Irvin Yalom propose des réponses au "problème Spinoza", en suppléant par l'imagination romanesque aux inévitables lacunes d'une impressionnante érudition et s'explique sur sa méthode à la fin du livre : "Genèse du Problème Spinoza". (p. 529 et suivantes)
48 réactions à cet article
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@Robin Guilloux
Article très intéressant, à propos d’un bouquin que je n’aurai peut-être pas la curiosité de lire, hélas. C’est que j’ai moi aussi un « problème » avec Spinoza. J’ai bien lu et relu l’Ethique, fortement irrité par l’artifice un peu trop naïf du more geometrico, mais c’est surtout que je ne suis toujours pas plus avancé sur le chemin de la « béatitude » promise, Je me suis donc toujours senti plus en sympathie avec l’ironie cartésienne.
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Pour rappel une conférence de Frédéric Lenoir sur Spinoza ici : https://www.agoravox.tv/tribune-libre/article/frederic-lenoir-conference-le-76419
Dans votre texte on ne comprend pas bien où vous voulez en venir avec ce nazi fasciné par Spinoza... On a envie de dire : oui, et alors ?
Sinon, je trouve la pensée de Spinoza tellement supérieure à la théologie chrétienne officielle.
Le christianisme a réussi à pourrir l’idée même de Dieu au point que plus personne ne veut entendre parler de ce concept dans nos sociétés sécularisées alors que Spinoza le restitue.
Mais qui lit Spinoza de nos jours ?
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nazi fasciné par Spinoza... On a envie de dire : oui, et alors ?
Finalement une réponse ici ? : http://cequejaipensede.blogspot.com/2014/03/le-probleme-spinoza-dirvin-yalom.htmlJ’en extrais ça : Irvin Yalom alterne un chapitre sur Spinoza, et un chapitre sur Alfred Rosenberg. Il tire par tous les cheveux possibles pour laisser penser que le Problème Spinoza aurait été une composante majeure dans l’élaboration de la pensée haineuse et antisémite de l’idéologue d’Adolf Hitler.
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Le christianisme a réussi à pourrir l’idée même de Dieu au point que plus personne ne veut entendre parler de ce concept dans nos sociétés sécularisées alors que Spinoza le restitue.
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@GollumSpinoza ne restitue rien du tout de l’idée de Dieu. Si Spinoza utilise le mot Dieu pour désigner l’ensemble de tout ce qui existe (Deus sive natura), ce dieu-là existe nécessairement et on pourrait difficilement le contester. Cela dit, il s’agit là d’un pur concept, comparable à ceux des mathématiques, et qui ne m’impose rien qui puisse être contraire à ma raison.
Ce n’est quand même pas un hasard si les athées, depuis le XVIIIe siècle, se réclament de Spinoza !
Le dieu de Descartes, celui de Spinoza, ne me dérangent aucunement, même si je leur préfère les dieux de l’Egypte ancienne, particulièrement Hathor, qui est vachement belle. -
@Christian Labrune
Si Spinoza utilise le mot Dieu pour désigner l’ensemble de tout ce qui existe (Deus sive natura)
Sauf que Spinoza ne met derrière l’ensemble de tout ce qui existe pas du tout la même chose que ce que les matérialistes et athées militants entendent. Bref, il y rajoute un petit quelque chose de plus.. (et ses vues d’ailleurs sont assez proches de nombre de physiciens de pointe qui ne croient pas du tout au hasard dans les choses d’ici-bas)Ce n’est quand même pas un hasard si les athées, depuis le XVIIIe siècle, se réclament de Spinoza !
Eh bien ce sont des ânes qui n’ont rien compris. Ils font la même erreur que les religieux de l’époque qui traitaient Spinoza d’athée.Spinoza s’est d’ailleurs expliqué sur ce supposé athéisme ici et là de façon claire. Dans des lettres, et dans son traité théologico-politique.
Tout ce que les athées pouvaient récupérer ce sont les vues politiques de Spinoza, certainement pas sa philosophie déiste.
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@astus
Oui. Excellente citation. Spinoza était outré par le degré d’imbécillité atteint par la religion de masse. Et c’est toujours vrai. Même si ça n’atteint pas le degré de connerie (le mot n’est pas trop fort) des religieux et théologiens des époques antérieurs. Augustin fut d’une négativité totale. Luther le prit pour modèle.
Ces gens ont dus provoqué des névroses de masse avec leur culpabilisation maladive, le tout présenté comme fruit de l’amour.Là dessus lire Le péché et la peur de Jean Delumeau dont la lecture vous vaccine à jamais contre toutes ces conneries..
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@Gollum
Je doute fort que « les religieux de l’époque » faisaient erreur. Je crois surtout que pour eux, croire en un Dieu nature est aussi dangereux qu’être athée, tout simplement parce que, tant l’un que l’autre, sont incompatibles avec le pouvoir de manipulation des crédules et leur asservissement par ces mêmes religieux.
Ce qui n’est pas le cas pour la bourgeoisie, qui au contraire, devait s’émanciper des religieux avant de faire alliance. Lorsque le religieux, le noble et le bourgeois ont finit par comprendre que, finalement, ils exploitaient les mêmes... Las, ces derniers n’ont pas compris qu’ils ne pouvaient pas physiquement, c’est à dire, en pure logique, s’allier avec les autres, tout simplement parce qu’il s’agit d’un rapport « dominant/dominé » qui ne peut pas être changé, seulement abolit. Tout simplement parce qu’en dessous des prolétaires économiques, il n’y a personne, enfin, si on excepte les machines et les animaux.
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@Hervé Hum
Je doute fort que « les religieux de l’époque » faisaient erreur.
Difficile à dire. Je vois très bien où vous voulez en venir. Il est vrai que ces autorités préfèrent un athée pur et dur c’est plus facile à réfuter d’une certaine manière. On peut donc supposer, comme vous le faites, qu’ils forcent le trait, le falsifie, à dessein..
D’un autre côté, leur paradigme naturel les empêche totalement de concevoir un Dieu qui ne serait pas « moral » et donc contraignant, exigeant le respect de ses commandements. En conséquence on peut de façon raisonnable envisager qu’ils estiment que Spinoza essaye de refourguer un athéisme maquillé en déisme..Mais on peut aussi bien penser qu’ils avaient compris l’énorme danger d’un déisme non moral et que le mieux était de dénigrer.
Lorsque le religieux, le noble et le bourgeois ont finit par comprendre que, finalement, ils exploitaient les mêmes...
Oui. C’est toujours vrai aujourd’hui. D’où la tolérance vis-à-vis des confessions. Ces dernières incitent à la soumission, c’est pain béni (si j’ose dire) pour les pouvoirs. Et ces derniers passent pour être larges d’esprit et tolérants. D’où le côtoiement des élus avec des cardinaux, évêques.. Il s’agit d’un partage des influences et des pouvoirs bien compris. Aux US c’est encore pire les divers protestantismes militent tous pour l’American Way of Life...Voir aussi ce qui est arrivé au Brésil récemment avec Bolsonaro.
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@astus
tombereaux de superstitions !
Oui c’est le terme adéquat. Parmi l’une d’elles les parents traumatisés par leur enfant mort avant baptême et destiné à l’enfer (ça c’est du St Augustin).On demandait un miracle de résurrection, le religieux prenait l’enfant, le faisant vaguement bouger, on s’extasiait, on baptisait en vitesse, et tout le monde était content... (bien évidemment ceux qui ne pouvaient se payer ce genre de mascarade n’avaient plus que leurs yeux pour pleurer, avec la culpabilité qui va avec)
Authentique. Et dire qu’au 3ème siècle on a eu la haute philosophie de Plotin et que c’est ce christianisme dégénéré qui a pris le pouvoir plongeant des générations dans la crétinerie..
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@Gollum
Bon, si on peut dire qu’un Dieu nature est immoral, dans le sens où la morale est supposée faites par le vieux barbu, on ne peut pas dire qu’il soit sans éthique, qui elle, repose sur la raison pure. Mais il me faudrait Spinoza lui même pour en discuter !
La nature est dotée d’une éthique bien plus rigoureuse et malheur à celui qui ne la respecte pas, mais cela, on le sait souvent trop tard, à ses dépens.
Pour ce qui et de l’alliance entre bourgeois, nobles et cléricaux, j’aime bien donner cette remarque.
au XIX ème siècle, il n’y avait pas plus anticlérical qu’un bourgeois et antibourgeois qu’un clérical, mais au XX ème siècle et encore aujourd’hui, il n’y a pas plus bourgeois qu’un clérical et clérical qu’un bourgeois. Mais toujours avec le même dindon de la farce, le prolétariat.
On appelle cela l’intérêt bien compris.
Par contre, le fait que le prolétariat pense pouvoir s’allier à l’un ou l’autre des trois ordres dominants, est ce qu’on appelle un intérêt mal, très mal compris, parce qu’impossible. Et cela, c’est la raison pure de la nature qui l’explique. Ne pas respecter cette logique pure, c’est se moquer de l’éthique de la nature. La preuve absolue de l’éthique naturelle, réside dans le fait que la physique existe, c’est à dire, avec des lois pour la régir. Reste à comprendre sa dynamique, chose facile en soi, sauf si on est dans le déni.... !
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Eh bien ce sont des ânes qui n’ont rien compris. Ils font la même erreur que les religieux de l’époque qui traitaient Spinoza d’athée.
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@GollumIls ne sont pas les seuls ! Il y a longtemps que je n’ai pas ouvert le Syllabus de Pie IX, à la fin du second empire, mais je me souviens très bien que parmi les pires erreurs d’un modernisme qu’il condamne, il y a un spinozisme qui est donc totalement irrécupérable du point de vue des religions révélées, et en dépit de ce « petit quelque chose de plus » que vous évoquez et où il serait concevable de voir une manière de mysticisme. Mais concernant Spinoza ou Descartes, ce serait tout à fait incongru.
La démolition des religions révélées, dans le Traité théologico-politique, est radicale. Le dieu qui subsiste après cela présente la même innocuité que le microbes qu’on prépare pour la vaccination. Il n’était pas nécessaire d’en rajouter.
Je sais bien qu’il y a toujours eu ce débat à propos de Descartes et de Spinoza, sur la question de savoir s’ils croyaient qu’il y avait un dieu. Si l’on s’en tient à leurs déclarations, cela ne fait aucun doute puisqu’ils ont prouvé son existence ! D’une manière telle, toutefois, qu’on se demande si c’est du lard ou du cochon, et il faudrait être bien naïf pour croire qu’il failles les prendre au mot. Descartes se disait tout à fait catholique, mais quand on voit la formidable ironie des Méditations dont le plan est calqué sur celui du récit de la Génèse et où Dieu n’apparaît qu’à la troisième, on peut rigoler.
De toute façon, l’athéisme, ce n’est évidemment pas de croire que Dieu n’existe pas, ce qui impliquerait de changer de vie si on avait soudain la révélation de son existence. L’athée met les choses au pire : Dieu existe. Dieu existe, mais, comme le Don Juan de Molière qui incarne la perfection d’une morale athée, il n’en a rien à foutre et il a bien d’autres chats à fouetter. -
Bref, il y rajoute un petit quelque chose de plus.. (et ses vues d’ailleurs sont assez proches de nombre de physiciens de pointe qui ne croient pas du tout au hasard dans les choses d’ici-bas)
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@Gollum
Ce n’est pas parce qu’Einstein, très spinoziste, irrité par l’incompréhensible théorie quantique, déclare que « Dieu ne joue pas aux dés » qu’il faut en déduire qu’il croyait à l’existence d’un Dieu ! Einstein était athée autant qu’on peut l’être.
Husserl, son contemporain, l’était aussi, mais il écrit quelque part, dans Expérience et jugement, que Dieu est un « concept-limite » qui peut quelquefois être utile en philosophie.
En tout cas, ce dieu-là n’a évidemment aucun rapport avec celui des religions révélées. Existe-t-il un ordre calculable dans la suite des nombres premiers ? On n’en sait rien, on ne l’a toujours pas découvert. Rien n’interdit de le supposer. Ca empêche peut-être de dormir un certain nombre de mathématiciens qui travaillent là-dessus, mais ni vous probablement, ni moi à coup sûr. Si le vulgum pecus n’était pas plus préoccupé de l’existence de Dieu que de ces sortes de conjectures dont il ignore jusqu’à la possibilité, nos sociétés s’en porteraient assurément beaucoup mieux ! -
@Christian Labrune
’’Existe-t-il un ordre calculable dans la suite des nombres premiers ? ’’
???
Pourriez vous développer ce que vous entendez par "ordre calculable dans la suite des nombres premiers ’’ ? -
@Christian Labrune
il y a un spinozisme qui est donc totalement irrécupérable du point de vue des religions révélées
C’est bien ce que je dis.
La démolition des religions révélées, dans le Traité théologico-politique, est radicale.
En fait c’est un peu plus subtil que ça. Tout en rejetant ces religions révélées il soutient qu’elles sont un moindre mal pour les esprits frustres incapables de mieux (sous entendu l’esprit philosophique).Je sais bien qu’il y a toujours eu ce débat à propos de Descartes et de Spinoza, sur la question de savoir s’ils croyaient qu’il y avait un dieu.
Pour Descartes je ne sais pas je ne connais pas. Pour Spinoza en revanche il est clair qu’il y a un Dieu, impersonnel, sans volonté, mais parfait. Et c’est cette perfection qui engendre le monde matériel. (Encore une fois il fait des mise au point là-dessus ici et là en abondance. On ne voit pas pourquoi d’autre part il aurait cherché à maquiller son athéisme vu son apologie de la liberté d’opinion comme des démocraties. Il était donc déjà largement grillé sur toute la ligne. Sa liberté est donc totale.)Aujourd’hui, des scientifiques, à tendance platonicienne, comme Penrose, par exemple, auraient tendance à voir dans l’univers mathématique la perfection en question, cet univers mathématique pouvant éventuellement être compatible avec un psychisme latent, présent dès les origines. On ne voit vraiment pas pourquoi on devrait rejeter cette hypothèse. D’autant plus que la mécanique quantique autorise ce genre d’hypothèse. Voir l’opinion de Wheeler là-dessus.
Alors vous essayez de montrer que ce déisme de Spinoza est au fond de l’athéisme.
Mais il y a une distance énorme entre l’athéisme des libertins du XVIIIème siècle qui se permettaient une vie de débauche en raison même de leur athéisme (on peut tout faire puisqu’il n’y a pas de sanctions — voir Dostoievski qui pourfend cette position) et le déisme de Spinoza, qui bien qu’il proclame un Dieu non moral, recherche la sagesse et la vertu.
On peut d’ailleurs dire la même chose du Bouddhisme qui est un athéisme puisqu’il n’y a pas d’être suprême et qui pourtant proclame un Absolu avec des conséquences derrière..
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@Christian Labrune
Einstein était athée autant qu’on peut l’être.
Ben non, pas comme vous en tous les cas. Lire ici le § en entier : https://fr.wikipedia.org/wiki/Albert_Einstein#Einstein_et_la_religionSi le vulgum pecus n’était pas plus préoccupé de l’existence de Dieu que de ces sortes de conjectures dont il ignore jusqu’à la possibilité, nos sociétés s’en porteraient assurément beaucoup mieux !
Pourquoi faire ? Pour se vautrer dans la consommation de masse afin de se donner l’illusion de vivre ? Et se dire que tout ce que l’on a appris au cours d’une vie, au fond, ça sert à rien ? Je vous laisse avec ce genre de satisfaction...
CG Jung et Eliade ont montré que l’idée d’Absolu était vitale à l’homme afin de donner un sens à son existence. Sinon il se sent absurde , dans un monde absurde et son esprit tourne au nihilisme.
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@Hervé Hum
Bien sûr qu’il y a une éthique chez Spinoza (c’est d’ailleurs le titre de son bouquin, qui est une pique à l’égard d’Aristote car sa pensée est quelque peu à l’opposé).
Et il n’y en a pas chez les athées libertins du XVIIIème siècle qui ont placé leurs appétits devant tout le reste.
D’où le Capitalisme qui s’en est suivi qui est la doctrine de la satisfaction des appétits (d’où le gavage de publicités comme des oies aux heures de grande écoute) et de gagne le plus d’argent possible afin de satisfaire ces appétits.
Quant au prolétariat on le blanchit sous prétexte que les capitalistes sont leur opposé. Rien n’est plus faux. Un prolétaire qui gagne au loto cesse d’être un prolétaire, au fond il rêvait de ça depuis son enfance.
Je veux dire par là que si le prolétariat ne comprend pas qu’il faut ne plus suivre ses appétits, c’est perdu d’avance...
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@Gollum
Bigre, je suis totalement d’accord avec votre commentaire !
Reste que vous m’avez donnez envi d’en savoir un peu plus sur l’éthique de Spinoza, mais j’ai peur que ce soit un peu trop de temps à y consacrer !
Avez vous un lien présentant un résumé que vous jugez fidèle ?
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@Hervé Hum
Super !
Sur Spinoza non je n’ai pas de lien, mais j’imagine que ce ne doit pas être trop difficile à trouver. Sans doute wikipédia déjà..
Sinon il y a aussi la possibilité de lire le bouquin sans lire les démonstrations et se contenter des points de vue, cela doit gagner du temps..
Spinoza n’est pas franchement inaccessible (la preuve j’y suis arrivé), c’est pas spécialement simple mais on est très loin de l’aridité d’un Husserl, ou pire, d’un Heidegger..
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Pourriez vous développer ce que vous entendez par "ordre calculable dans la suite des nombres premiers ’’ ?
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@JLSoit N, un nombre premier quelconque et connu. Existerait-il un algorithme qui permît de calculer celui qui vient après dans la suite des entiers ?
Pour l’instant, on ne sait toujours pas résoudre ce problème. -
Mais il y a une distance énorme entre l’athéisme des libertins du XVIIIème siècle qui se permettaient une vie de débauche en raison même de leur athéisme (on peut tout faire puisqu’il n’y a pas de sanctions — voir Dostoievski qui pourfend cette position)
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@GollumJ’aime bien le littérateur Dostoievski, mais la proposition que vous évoquez : « si Dieu n’existe pas, tout est permis », est une idiotie manifeste. Il serait infiniment plus logique de dire : « si Dieu existe, tout est permis ». Imaginez que notre discussion me mette tellement en colère que je décroche mon sabre de marine (rassurez-vous, c’est un sabre imaginaire !) avec le dessein de vous trancher la tête. Etant athée, j’y réfléchirai à deux fois : ce pauvre Gollum n’a qu’une vie ; de quel droit l’en priverai-je par un acte irrémédiable ? En revanche, si je suis un parfait croyant comparable au moine Amaury du siège de Béziers (tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens !) je vais peut-être faire une sottise, mais ce sera sans importance puisque Dieu accueillera Gollum l’instant d’après dans son paradis — s’il le mérite !. Peut-être serai-je puni, mais tous les grands mystiques vous diront que dans la relation à Dieu, la question de l’intérêt personnel, qui motive les simples et les ignorants, ne doit absolument pas intervenir.
Bref, s’il y a un dieu, il faut lui faire confiance : il n’y a aucune connerie, et même aucun crime, qui ne soit irréparable. Sa justice dans l’autre monde (le seul vrai !) saura rétablir l’harmonie éternelle en effaçant les bavures d’ici-bas. -
Et il n’y en a pas chez les athées libertins du XVIIIème siècle qui ont placé leurs appétits devant tout le reste.
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@GollumJe suis désolé de devoir vous dire ça, mais votre proposition est idiote. C’est au XVIIe siècle que la morale chrétienne se trouve complètement disqualifiée par une réflexion qui commence à se développer sur les pièges de l’amour-propre, « amour de soi et de toutes choses pour soi » selon La Rochefoucauld. Il apparaît que le chrétien, même s’il prétend le contraire, ne peut s’empêcher de lorgner en permanence du côté de son salut personnel. Cette morale de boutiquier qui est celle de la bourgeoisie montante entre en conflit avec la morale aristocratique héritée d’Aristote. Le bourgeois thésaurise sans vergogne dans ce monde et accumule les bonnes actions pour s’assurer une place confortable en paradis. Dans la morale aristocratique, l’élégance est au contraire de dépenser, voire de se ruiner. Tout calcul d’intérêt est méprisable.
Relisez la scène du pauvre dans Dom Juan. Le pauvre prie « pour les gens de bien qui lui donnent quelque chose ». C’est énorme, et d’une ironie renversante. La morale chrétienne apparaît donc là comme une morale vulgaire et méprisable. Dom Juan, lui, ne dit jamais que Dieu n’existe pas, il s’en fout et il en prend le risque parce qu’il veut être totalement libre et décider souverainement de ses choix. « La plupart des vertus ne sont que des vices déguisés » dit encore La Rochefoucauld, et il apparaît dès lors, dans ce renversement des valeurs qui fonde une nouvelle éthique, que l’humilité chrétienne est assez proche de la tartufferie et qu’à l’inverse, ce que le chrétien dénoncerait comme le péché d’orgueil ressemble à la plus estimable des vertus héroïques. -
CG Jung et Eliade ont montré que l’idée d’Absolu était vitale à l’homme afin de donner un sens à son existence. Sinon il se sent absurde , dans un monde absurde et son esprit tourne au nihilisme.
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@GollumVous nous proposez là une belle ratatouille ! Mais la philosophie n’est pas une préparation culinaire où on ajoute des épices en proportions équilibrées pour donner un peu plus de saveur à ce qui n’en a pas beaucoup.
Parler de l’absurdité de la vie, cela ne mène à rien, on l’a assez représenté à un Camus plutôt limité dans le domaine de la réflexion philosophique, et qui s’était salement embourbé dans cette purée conceptuelle. Pas question non plus de lui donner artificiellement un « sens », à la vie. Est-ce que vous concevriez une espèce de pédagogie qui induise les petits enfants à croire que la vie doit les mener quelque part, comme dans les totalitarismes ? Non. De toute façon, quand on se promène dans ce monde, qu’on le veuille ou non, on va toujours quelque part, contrairement à ce que postule tel essai d’un philosophe nazi. Où qu’on soit, il y a toujours quelque chose à considérer, à comprendre, à transformer. Ca suffit bien. -
@Christian Labrune
il y a le Crible d’Ératosthène et ses dérivés. Et ses implémentations.
A ma connaissance, ce sont principalement les algorithmes de chiffrement qui utilisent les nombres premiers. Et aussi les générateurs pseudo-aléatoires. Je ne crois pas qu’on ait besoin de connaitre des nombres premiers plus grands que ceux que l’on sait calculer aujourd’hui.
Ceci dit, je ne vois toujours pas le rapport avec dieu. Mais je ne demande qu’à m’instruire. -
@Christian Labrune
Bon votre suite de posts est tellement surréaliste, faisant dans la provoc, avec un brin d’humour supposé, auquel je ne suis pas sensible, que je vais laisser tomber..
Juste ça : Il apparaît que le chrétien, même s’il prétend le contraire, ne peut s’empêcher de lorgner en permanence du côté de son salut personnel.
Là dessus je suis d’accord. Mais ça c’est la soupe chrétienne à laquelle je suis allergique. Votre phrase se trouve d’ailleurs, au moins dans l’idée, chez Feuerbach, qui avait bien repéré ce côté égoïste du salut chrétien.Et qui découle en droite ligne de l’idée d’un dieu personnel qui accorde au statut de la personne un statut absolu et définitif.
Il ne vous échappe pas que dans d’autres aires culturelles ce statut de la personne est tout à fait secondaire et que même, mieux, il faut s’en débarrasser, sans pour autant tomber dans un athéisme à l’occidental. Et le nihilisme qui va avec, même si vous avez tendance à ne pas le voir.
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@JL
Ceci dit, je ne vois toujours pas le rapport avec dieu. Mais je ne demande qu’à m’instruire.
Je crois avoir compris où il veut en venir. Pour lui l’ordre des nombres premiers doit être aléatoire, dû au seul hasard. C’est le côté nihiliste du bonhomme, profondément athée, qui ne veut pas voir d’ordre sous-jacent. En conséquence un ordre des nombres premiers, bref, une harmonie sous-jacente, serait susceptible de refléter le petit doigt du Grand Architecte, un véritable blasphème pour un vrai athée.Cela va de pair, sans doute, avec le rejet du principe anthropique, bien connu des physiciens, et qui les amènent (enfin, pour les athées idéologues et acharnés) à supposer un nombre infini d’univers avec des constantes physiques différentes, afin de supprimer cette singularité du principe anthropique.
Sauf que cette solution a quelque chose de profondément surréaliste, encore plus que le principe anthropique, que l’on cherche ainsi à évacuer.
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@Gollum,
’’une harmonie sous-jacente, serait susceptible de refléter le petit doigt du Grand Architecte, un véritable blasphème pour un vrai athée.’’
Je crois que vous vous faites là un mauvais procès aux athées. Ou dit autrement, que vous faites de la récup en insinuant que si ordre il y a c’est la preuve de dieu.
C’est pas comme ça que ça marche. Si dieu avait créé le monde comme on l’enseigne dans les églises, pourquoi donc aurait-il éprouvé le besoin de mettre de l’ordre dans la suite des nombres premiers ? Ou ailleurs ? Quand la théorie de la genèse a été élaborée, personne n’imaginait le monde aussi complexe et ordonné que l’on sait aujourd’hui. Et on n’en connait qu’un tout petit bout.
Quand Darwin a fait ses recherches, ll a trouvé de l’ordre : et qui s’est opposé à ses déductions ? L’église ! Aujourd’hui, retournement de veste : l’église revendique l’ordre comme étant la propriété de dieu ! Je dis stop ! -
@JL
Quand il y a ordre il y a néguentropie et donc information. Je ne dis rien de plus.
D’autre part je ne milite pas pour les églises vous ne semblez pas m’avoir lu correctement.
C’est consternant cette idée, que quand on évoque l’Absolu, les gens s’imaginent qu’on milite pour une religion..
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@Gollum
pour moi, église envoie à dogme. Votre phrase que j’ai répétée ci-dessus est dogmatique en diable : ’’une harmonie sous-jacente, serait susceptible de refléter le petit doigt du Grand Architecte, un véritable blasphème pour un vrai athée.’’
Les blasphèmes sont l’apanage des religions, des dogmes , des églises. L’athéisme, par définition, ne connait pas le blasphème.
Vous me dites ici : ’’Quand il y a ordre il y a néguentropie et donc information.’’
Ben oui ! Ces concepts sont équivalents, ces mots sont synonymes. Et alors ? -
@JL
Ma phrase que vous épinglez comme dogmatique n’était rien d’autre qu’une taquinerie à l’égard de Labrune. Que vous sautiez dessus comme cela sans comprendre l’état d’esprit dans lequel je me place en dit long sur vos allergies..
M’enfin passons.
Sur votre dernière phrase : qui dit information renvoie ou peut renvoyer éventuellement à psychisme, esprit.
C’est ce que je me tue à essayer d’expliquer avec le principe anthropique et ses variables si bien ajustées, trop bien ajustées pour certains.
Au point de supposer une multitude d’univers avec des variables autres, qui aboutissent tous à des chaos pour la plupart, sauf pour nous.
Je trouve cette hypothèse comme parfaitement désespérée pour essayer d’échapper à une hypothèse d’un infini spirituel on a échafaudé un autre infini encore plus absurde selon moi.De toute façon, c’est soit l’un, soit l’autre. Faites vos jeux.
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@Gollum
il y a pire que botter en touche : retourner son argument pour en faire une pique. M’enfin passons.
’’qui dit information renvoie ou peut renvoyer éventuellement à psychisme, esprit ’’
Ben oui. Et lors ?
ps. Sur les multivers, qui ne renvoient pas au chaos mais vous donnent le tournis, nuance, ceci : pour moi, la croyance en dieu révèle un manque d’audace, de curiosité et d’imagination. -
Pour lui l’ordre des nombres premiers doit être aléatoire, dû au seul hasard.
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@Gollum
Je n’ai jamais dit cela ! La question de savoir s’il existerait une loi de succession des nombre premiers a toujours fasciné les mathématiciens. L’informatique et la statistique ont permis de faire apparaître des espèces de régularités dans la distribution de ces nombres sur la suite des entiers, mais cela ne donne pas une loi qui puisse commander un algorithme, laquelle reste du domaine de la conjecture. Mes connaissances en mathématiques restant fort élémentaires, je ne me risquerai évidemment pas à me prononcer là-dessus !
Ce que je disais, c’est que le Dieu des philosophes est une spéculation intellectuelle du même type, et qui ne pèse pas plus lourd dans la conduite de l’existence. Pendant trois siècles, on a cherché une démonstration du théorème de Fermat. On a fini par en avoir une, même si elle n’est pas aussi triviale qu’il serait souhaitable. La science mathématique y a beaucoup gagné, mais ça n’a pas changé grand chose à la vie quotidienne des mathématiciens, du moins à la vie de ceux qui ne travaillaient pas sur cette question.
Les religions, en revanche, qui tournent en rond depuis des siècles, de la manière la plus fumeuse, sur des questions qui sont à peu près du même tonneau, et tranchent sans même savoir, prétendent organiser votre existence du lever au coucher, de la naissance à la mort. D’un point de vue philosophique, c’est parfaitement choquant et même grotesque. -
"Le pauvre prie « pour les gens de bien qui lui donnent quelque chose ».
ERRATUM
Le pauvre prie « POUR LA PROSPERITE des gens de bien... »
J’avais oublié un mot dans la phrase de Molière, celui qui me permettait précisément de parler d’une formidable ironie.
La pseudo-morale chrétienne, ici, se mord la queue. Les pauvres « gens de bien » devenus plus « prospères » par la prière de l’ermite auront bien plus de mal que lui à entrer dans la Jérusalem céleste, dont la porte, selon les Evangiles, est si étroite pour les plus riches. Mais il faut bien qu’ils soient assez riches s’il faut qu’ils lui « donnent quelque chose » ! Sa prière favorise donc leur damnation éternelle, dont il se fout, mais lui permettra de s’acheter un petit bout de pain. Pour lui, c’est l’essentiel. Et peu importe le salut de ceux qui, de toute façon, ne lui donneront rien ! -
Je ne crois pas qu’on ait besoin de connaitre des nombres premiers plus grands que ceux que l’on sait calculer aujourd’hui.
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@JLLes mathématiques servent aussi aux ingénieurs, mais la mathématique pure ne sert à rien. Elle est faite Pour l’honneur de l’esprit humain, comme le pose très bien le titre d’un remarquable petit ouvrage de Dieudonné dont on ne saurait trop conseiller la lecture :
https://www.amazon.fr/Pour-lhonneur-lesprit-humain-math%C3%A9matiques/dp/2010119509 -
@Christian Labrune
’’Le pauvre prie « POUR LA PROSPERITE des gens de bien... »’’
Est-ce que le syndrome du larbin ne serait pas une forme évoluée de ce principe ? -
@Christian Labrune
’’ la mathématique pure ne sert à rien.’’
Je n’ai pas insinué que la mathématique pure ne sert à rien en disant que l’on n’a pas l’usage des nombres premiers plus grands que ceux que l’on est en mesure de calculer. -
Je n’ai pas insinué que la mathématique pure ne sert à rien
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@JL
Certes non, puisque vous dites qu’il ne sert à rien de mieux connaître les nombre premiers, comme si on était en quête, nécessairement, de leur utilisation. C’est moi qui prends soin de souligner que la mathématique ne sert à rien. Mais les choses les plus importantes, dans ce monde, souvent, ne servent à rien.Le point de vue de Dieudonné sur les mathématiques n’est pas si éloigné de celui qu’exprime Théophile Gautier à propos de l’esthétique dans sa préface à Mademoiselle de Maupin :
"Rien de ce qui est beau n’est indispensable à la vie. - On supprimerait les fleurs, le monde n’en souffrirait pas matériellement ; qui voudrait cependant qu’il n’y eût plus de fleurs ? Je renoncerais plutôt aux pommes de terre qu’aux roses, et je crois qu’il n’y a qu’un utilitaire au monde capable d’arracher une plate-bande de tulipes pour y planter des choux. À quoi sert la beauté des femmes ? Pourvu qu’une femme soit médicalement bien conformée, en état de faire des enfants, elle sera toujours assez bonne pour des économistes. À quoi bon la musique ? à quoi bon la peinture ? Qui aurait la folie de préférer Mozart à M. Carrel, et Michel-Ange à l’inventeur de la moutarde blanche ? Il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien ; tout ce qui est utile est laid, car c’est l’expression de quelque besoin, et ceux de l’homme sont ignobles et dégoûtants, comme sa pauvre et infirme nature".
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Erratum
J’ai repêché cette citation de Gautier sur le net, mais je crains qu’il n’y ait une erreur dans l’avant dernière phrase où il faudrait lire "qui aurait la folie de NE PAS préférer ?, mais je n’ai pas le courage d’entreprendre, pour vérifier, des fouilles dans ma bibliothèque. -
@Christian Labrune
je n’ai pas dit qu’il ne sert à rien de mieux connaître les nombre premiers, mais que l’on n’a pas l’usage des nombres premiers plus grands que ceux que l’on est en mesure de calculer.
Si vous ne voyez pas la nuance, que votre erreur soit pardonnée !
Quoique ... c’est pas joli de tordre les citations.
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@Gollum
Je ne pense pas que la philosophie de Spinoza ait apporté une contribution directe au nazisme (ait inspiré les nazis,même en le trahissant comme ce fut le cas de Nietzsche). En tout cas, ce n’est pas ce que dit Yalom. En fait, les deux « biographies » alternées — celle de Spinoza et celle de Rosenberg — sont largement romancées. Yalom essaye de comprendre la fascination de Rosenberg pour Spinoza et part d’un souvenir d’adolescence qu’il a imaginé (il n’est attesté nulle part dans la biographie de Rosenberg). Rosenberg aurait tenu un discours antisémite pour être élu délégué de classe et il se trouve que le directeur du lycée était juif. Donc ce dernier demande à Rosenberg de réfléchir et de lui faire un devoir sur les liens entre Spinoza et Goethe qui admirait Spinoza et que Rosenberg admirait. Selon Yalom, tout serait parti de là. Ce n’est qu’une hypothèse romanesque et elle est donnée pour telle par l’auteur. Maintenant sur les liens entre Spinoza et le nazisme, il est certain qu’on ne peut rien trouver dans le Tractatus qui pose les bases de ce que nous appelons aujourd’hui la démocratie, bref de tout ce que haïssaient les nazis, mais il y a une remarque très curieuse de Simone Weil (la philosophe) au sujet d’un paragraphe de Mein Kampf sur la trajectoire des planètes et la nécessité absolue qui règne au sein de la nature et qui exclut la liberté, la morale, etc. Il y a effectivement dans la conception déterministe de Spinoza quelque chose qui est logiquement incompatible avec ce que nous appelons les « Droits de l’Homme ». Simone Weil va jusqu’à affirmer que les rationalistes de la IIIème République sont incohérents par rapport à Hitler. On trouve quelque chose d’approchant dans la réfutation leibnizienne de Spinoza et — horresco referens — chez Luc Ferry.
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@Gollum
Vous connaissez la réponse d’Einstein à un journaliste qui lui demandait s’il croyait en Dieu : « Dites-moi d’abord ce que vous entendez par Dieu et je vous dirai si j’y crois. » Le Dieu de Spinoza est plus compliqué qu’il n’y paraît. Il ne se confond pas avec la nature (Spinoza n’est pas à proprement parler « panthéiste ») ; il distingue entre la natura naturata (la nature naturée) : les minéraux, les végétaux, les animaux... et la natura naturans (la nature naturante), c’est-à-dire le principe (force) d’organisation interne de la nature dont Kant, héritier de Spinoza sur ce point exprimera dans la Critique du Jugement le caractère caché et infiniment mystérieux. Leibniz, qui n’avait pas ses lunettes philosophiques dans sa poche et qui rencontra Spinoza au moins une fois (Spinoza le fascinait et on a trouvé dans ses papiers une « Réfutation » qui montre qu’il avait lu l’Ethique de très près, rapproche la métaphysique de Spinoza de la cabbale juive (je dis la kabbale « juive » car il y a aussi une kabbale chrétienne qui en provient en partie). Comment comprendre autrement qu’il dise que Dieu possède une infinité d’attributs dont nous ne connaissons (partageons) que deux : la pensée et l’étendue. Comment le sait-il ? Comment sait-il qu’il ne sait pas (« dont nous ne connaissons que deux »), si d’un point de vue « rationaliste » savoir, c’est savoir que l’on sait... C’est bien qu’il y a un « au-delà de la raison » raisonnante chez Spinoza. Il y a du mystère, de l’inconnaissable, des limites à l’entendement humain. Je trouve qu’il est très « juif » sur ce point et je partage la désolation de Ben Gourion (et pas seulement lui) à propos du « heretz » (excommunication) prononcé par la communauté juive d’Amsterdam à son encontre.
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@Robin Guilloux
Le Dieu de Spinoza est plus compliqué qu’il n’y paraît. Il ne se confond pas avec la nature (Spinoza n’est pas à proprement parler « panthéiste »)
Compliqué non, je ne trouve pas.Sur son panthéisme j’avoue avoir hésité quelque peu. Il y a quand même une différence entre ses conceptions et celles de l’hindouisme par exemple. L’hindouisme réserve une part cachée au Principe, cette part n’étant pas sujette à manifestation. Chez Spinoza, si j’ai bien lu, non. Spinoza nous dit que Dieu se projette entièrement dans la Nature. Alors on pourrait penser ici que Dieu est quelque peu rabaissé puisque ramené à la Nature. Je pense, au contraire, que Spinoza a voulu magnifier la Nature, l’élever le plus haut possible et en faire un infini manifesté.
Bien évidemment cette façon de projeter Dieu dans la Nature fait penser à la Kabbale avec son monde de l’Émanation (Atzilouth), où l’Ain-Soph (l’illimité) se répand dans les Mondes. Après l’Émanation on trouve le monde de la Création (Berya Olam) qui colle avec la conception juive orthodoxe, mais pour un kabbaliste ce monde est une vision dégradée de la part de l’homme. Une chute en quelque sorte.
Comment comprendre autrement qu’il dise que Dieu possède une infinité d’attributs dont nous ne connaissons (partageons) que deux : la pensée et l’étendue. Comment le sait-il ?
Que Dieu possède une infinité d’attributs me semble logique et ne me choque pas sinon Dieu ne serait pas Dieu. Quant à l’étendue, c’est la part matérielle avec sa part spatiale et temporelle (l’espace-temps d’Einstein, j’imagine que Spinoza aurait adoré) et la pensée c’est la part vivante et spirituelle. Bref, il s’agit ici de la traditionnelle dualité matière/esprit.C’est bien qu’il y a un « au-delà de la raison » raisonnante chez Spinoza.
Oui c’est ce qu’il appelle connaissance du troisième genre si j’ai bien suivi. J’avoue avoir eu quelque difficulté sur cette partie et m’étais promis d’y revenir mais bon..Je trouve qu’il est très « juif » sur ce point et je partage la désolation de Ben Gourion (et pas seulement lui) à propos du « heretz » (excommunication) prononcé par la communauté juive d’Amsterdam à son encontre.
Ben moi je suis heureux de cette excommunication au contraire, les loups se dévoilant tels qu’ils sont, cela me convient très bien. Je comprends la part d’embarras et de gêne de Ben Gourion cela va sans dire... -
@Robin Guilloux
Ok pour la part romanesque.
mais il y a une remarque très curieuse de Simone Weil (la philosophe) au sujet d’un paragraphe de Mein Kampf sur la trajectoire des planètes et la nécessité absolue qui règne au sein de la nature et qui exclut la liberté, la morale, etc. Il y a effectivement dans la conception déterministe de Spinoza quelque chose qui est logiquement incompatible avec ce que nous appelons les « Droits de l’Homme ».
Oui ce déterminisme absolu ne me gêne pas. Je sais qu’il gêne les partisans du libre-arbitre qui y voit un esclavage total. Il n’a rien d’un déterminisme matériel de type physique de Newton avec le mécanisme inhérent à cette position. Il s’agit d’un déterminisme spirituel. Pour Spinoza il n’y a qu’un seul être qui agit : Dieu.Chez les hindous c’est la même chose. Seul le Brahman agit. Il est le seul moteur.
Spinoza d’ailleurs ne refuse pas les punitions pour ceux qui agissent mal. Pour lui les punitions sont voulues par Dieu malgré que ce soit Dieu qui agisse. Spinoza est pour la démocratie. Et nie la morale comme point de vue absolu. La morale est relative. Ce qui ne l’empêche pas d’exister par rapport à l’homme. Idem pour les notions de bien et de mal qui sont relatives (d’où l’admiration de Nietzsche pour Spinoza qui a adopté le même relativisme).
Vis à vis de l’Absolu il n’y a ni bien ni mal. Et Spinoza veut accéder à ce point de vue et sortir du point de vue humain.
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’’pourquoi Goethe admirait-il à ce point Spinoza ? Pourquoi prétendait-il qu’il l’avait « guéri » ? ’’
Spinoza aurait donc guéri Goethe ? (et pas l’inverse).
Et de quoi, svp ? Le savez vous, maintenant que vous avez lu l’ouvrage signalé ?
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@JL
C’est Goethe qui explique que Spinoza l’a guéri, mais il ne dit effectivement pas de quoi et Yalom non plus. Etant psychanalyste, Yalom ne pouvait qu’être intéressé par cette remarque de Goethe. On peut conjecturer que la lecture de l’Ethique a servi de contrepoison à la fièvre romantique de Goethe, telle qu’elle s’exprime par exemple dans Les Souffrances du jeune Werther. Mais Yalom n’avance aucune explication. Il est certain que le caractère régulateur de la raison chez Spinoza peut nous guérir des dérives de l’irrationnel (le fanatisme, la superstition, les « passions tristes », la croyance aveugle en un « sauveur », etc)
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@Robin Guilloux
Spinoza a peut-être guéri Goethe de la peur des fantômes ?
Je plaisante ! pour dire que j’ai beaucoup aimé la lettre de Spinoza à ce sujet. -
@Robin Guilloux
merci pour la réponse. -
@JL
« Je ne crois pas aux fantômes, mais j’en ai peur. » (Madame du Deffand)
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J’ai trouvé ce livre formidable et j’aimerais que Yalom écrive un roman sur Spinoza et Newton qui, d’après moi, est le vrai fondateur de la franc-maçonnerie moderne.
Yalom a trouvé le sujet « intéressant » mais, en fait, je ne sais pas s’il s’est donné la peine de voir sur mon site mes raisons de le penser.
La franc-maçonnerie américaine est très différente de elle qui se pratique en France, il se peut que Newton, Désagueliers, Anderson et leur compagnons ne s’y retrouveraient pas.
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