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easy easy 15 octobre 2011 14:35


Vous étudiriez l’Histoire du travail, vous constateriez que ce que vous racontez avait déjà été raconté il y a des lustres.

Les chefs incompétents c’est de l’histoire ancienne, les fils à papa aussi

Par contre, ce qu’il y a de récent et qui nous vient du Jules Ferrisme, c’est le concept selon lequel les études scolaires, ouvertes à tous pour une large part, permettent d’accéder à quelque capitole.

Avant Ferry, ce sens n’existait pas ; En remontant encore un peu le temps, mettons qu’avant le scientisme à la Buffon, ce sens n’existait pas.

Dès l’instant où Ferry a mis dans la tête de tous que tous pouvaient accéder au capitole par les études ouvertes et obligatoires pour tous, s’ouvrait d’office un paradoxe.
Il ne peut y avoir de place au Capitole pour tous.

Toutefois, dans un premier temps du Ferrisme, c’était à peu près possible au sens où tous les scolarisés français pouvaient capitoliser par rapport aux colonisés (jusqu’à ce que ces colonisés deviennent eux aussi scolarisés ; Et les premiers diplômés Algériens ou Indochinois étaient refoulés des emplois qu’un Français peu instruit pouvait occuper)
 
A l’instant même où la capitolisation sur la tête des colonisés a dû cesser, le paradoxe du ferrisme nous a sauté à la figure. Dès la fin de la guerre d’Algérie, les problèmes que vous soulignez ici sont devenus de plus en plus patents. Et du coup, en biais alternatif à la colonisation, il a fallu compenser par un autre type de colonisation, celui qui a fait de la Chine, l’atelier de l’Europe puis du Monde

C’est impossible. Le ferrisme ne peut pas marcher. Si nous n’avons pas d’esclaves d’une manière ou d’une autre, nous ne pouvons pas capitoliser tous ensemble. et je dis là une trivialité. le plus idiot d’entre nous a toujours très bien compris ce principe. Mais il n’est pas dit. Il est dénié et nous continuons d’obliger les enfants à étudier en affirmant que c’est la voie unique pour capitoliser (quand on n’hérite pas de l’usine de papa)

Bien entendu qu’il faut étudier. Tous ensemble ; Ne serait-ce que pour acquérir le même code de conduite, pour parler la même grammaire.
Mais il faudrait ajouter dans la profession de foi de la scolarisation que les études ne conduisent pas forcément au Capitole et donc, qu’il faut aussi pratiquer le manuel.

Car en plus du ferrisme ou en corollaire, il y a eu le machinisme donc le boutonnisme. Le groom d’ascenseur étant le paradigme du boutonnisme.
Et ce boutonnisme, qui donnait à faire croire qu’on pouvait produire rien qu’en appuyant sur des boutons, a abouti au clavier.

Ainsi, pendant que la population optimiste et croyante du boutonnisme avait découragé les enfants à pratiquer des activités manuelles, ce sont les refoulés du boutonnisme qui, comme vous l’avez dit, sans l’avoir voulu ou choisi, se sont retrouvés à être les seuls à produire réellement, en plongeant leurs mains dans le cambouis.

J’avais fait des études supérieures (et mes enfants idem voire plus encore). Mais parce que je ressentais, en tant qu’Eurasien, bâtard de la colonisation, que je n’étais pas souhaité au Capitole des boutonnistes, j’ai toujours développé mon intelligence par la main. J’ai fait tous les métiers repoussoirs. Jamais de boutons poiur ma pomme alors que j’en concevais pour mes clients (j’ai vraiment étudié l’ergonomie des boutons, écrans et claviers pour mes clients)

Et inévitablement, j’ai produit, vraiment produit. En étant mon propre patron dans diverses entreprises. Je fréquentais alors des amis opérant eux dans le boutonnisme (formation sur Visiotexte, Excel, etc. Ou vente de matériel informatique en SSII). Ils gagnaient bien leur vie et l’un d’eux est même devenu millionnaire après navoir très bien vendu sa SSII. Mais j’étais perplexe « Comment est-il possible que tant de gens gagnent autant d’argent sans produire véritablement »
C’est qu’à l’époque, je ne réalisais pas le principe de l’esclave Chinois, de la délocalisation. Je ne réalisais pas que notre boutonnisme tenait sur le fait que des gens produisaient avec leur mains dans le cambouis mais au loin. 


Je ne peux pas affirmer avoir été manuel de manière hyper volontaire. Il y a une grande part de méduse dans mon destin. Mais en effet, en ne pratiquant pas le boutonnisme, je m’en suis bien sorti.
Comme Escudo, je n’ai pas regardé à la dépense physique, comme le sien, mon corps a souffert et il est vraiment usé. Mais peu m’importe, j’ai le sentiment d’avoir été utile et du coup, d’avoir bien vécu. Moi aussi, plié en quatre sous des lavabos j’ai vu les pompes cirées des boutonnistes défiler devant mes yeux de besogneux. Tant mieux pour eux si leurs 24h sont de coton, de parfum et de soie, me disais-je en passant le quart de mes nuits dans ma camionnette sur les chantiers. Je parvenais, en dehors de ces moments d’intense épreuve et grâce aux revenus que cela me procurait, à vivre quelques heures privées très douces et gratifiantes.



Aujourd’hui ?
Peu importe la Chine, l’Inde, l’Amérique, le Canada ou la France, à l’échelle mondiale, une des voies pour s’en sortir est celle du travail manuel où il y a le moins de boutons possible et en sachant le valoriser. En excluant donc le travail manuel à la Chaplin dans « Les Temps modernes »

L’idéal étant d’être instruit, informé et manuel.



Il y a 15 ans, il y avait encore pas mal de garçons et même de filles qui se seraient volontiers engagés vers ce job qui consiste à déplacer-déménager-transporter des énormes bidules. Transporteur de l’impossible. Ce job a quelque chose de physique, quelque chose de la bataille physique. Oui il faut être aussi solidaire qu’en patrouille militaire. Oui, on risque à chaque instant d’être coupé en deux par un câble qui lâche. Oui, à la moindre invalidité, on n’y vaut plus rien.

Aujourd’hui, la proportion de jeunes attirés par ce travail a diminué en raison de ces risques à accepter alors que les besoins sont énormes.





Sinon, pour en revenir aux fils à papa, regardez ce qui se passe entre Jacques Dessange (que j’ai servi à ses débuts) et son fils Benjamin. Vous découvrirez au travers de l’opuscule du père qui aborde tous les points que vous avez évoqués, que ce n’est pas simple.



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