Bad news for Jesus
Vous savez ce que je pense des religions, c’est clairement expliqué dans mon CV. Mon athéisme n’est pas de pacotille : il est franc et net : Mahomet, Jésus ou Bouddha sont pour moi des personnages fabriqués par l’esprit humain, à savoir qu’à une possible réalité on a ajouté une série de couches de racontars et d’imaginaire pour enjoliver des personnes. Des personnages certes à part (ou plusieurs mélangés en un seul par simplification abusive), mais qui n’ont pas nécessairement été ceux que leur hagiographie décrit. J’acquiesce en effet entièrement ainsi à la thèse comme quoi "la religion est une épidémie mentale que l’on peut attraper avec une certaine probabilité", comme le dit Pascal Boyer, dynamique directeur de recherche au CNRS. Je vous avouerai que mes connaissances sur le bouddhisme sont très peu avancées, aussi puis-je seulement parler des deux que mon enfance ou ma carrière m’ont obligatoirement fait rencontrer. Evidemment, mes propos pourront choquer certains. Qu’ils les oublient et restent avec leur croyance, je n’ai pas la prétention de vouloir les faire en changer.
J’ai déjà expliqué ici même qu’il nous fallait enseigner le monde de l’islam en cours d’histoire, j’ai bien été obligé de bûcher pour le comparer au christianisme, religion de référence des classes de l’époque : aujourd’hui, en banlieue parisienne ou lilloise ce ne serait plus la même, loin s’en faut. Ayant été un bon élève de catéchisme, ayant eu de très bons curés dans mon village natal (on m’a élevé en chrétien sans me demander mon avis), j’en avais presque assez pour effectuer mes préparations professorales. Pour l’islam c’est autre chose, et j’ai bien dû m’y mettre alors que j’étais déjà athée depuis ma période philo au bac, qui a été chez moi l’élément déclencheur. Ça remonte donc à loin comme conviction (quarante ans). Et finalement, ça a été plus facile : Mahomet est apparu tardivement, les écrits datent de son existence, et c’est bien pour cela qu’on peut plus difficilement remettre en cause son existence réelle. Avec une religion qui interdit sa représentation, c’est en revanche assez difficile de tracer un portrait robot de l’individu. Pour résumer de façon express (ça va choquer, c’est sûr), nous avons affaire à un chef de tribu, commerçant, menant plutôt une vie de patachon, à qui un jour (tardivement) Dieu s’adresse directement. C’est une religion révélée, l’une des pires, car ayant pour base un seul homme, qui à partir d’un délire mystique, qui lui est propre, établit une religion durable, alors qu’au départ, comme toute religion, ce n’est qu’une simple secte reposant sur des divagations qui, en d’autres circonstances et autres époques mèneraient directement en hôpital psychiatrique. Les religions sont souvent issues de bouffées délirantes. Pour les étayer, le plus souvent, le prophète se dit à part, et surtout unique, ou reprend ce qui a été dit parfois par d’autres illuminés, devenus par sa grâce prophètes de catégorie inférieure.
Car c’est une évidence de constater que toute religion est une secte, mais une secte qui a réussi, elle. Et on comprend aussi pourquoi, dans ce sens, toutes les religions passent leur temps à faire la chasse aux autres sectes : elles savent très bien d’où vient le danger... de la concurrence. Pour en revenir à notre commerçant batailleur, il épouse un jour une riche veuve, de presque deux fois son aînée, qui va avoir une emprise terrible sur lui, chose visible sur le rôle donné aux femmes dans sa religion. Khadija est jalouse, connaissant son mari volage, et lui impose des règles de vie qui vont déteindre plus tard en préceptes religieux stricts : voiler la femme, c’est ne pas laisser la possibilité d’être séduit par un visage ou un corps. La veuve garde ainsi son mari, qui est empêché d’aller voir ailleurs ou d’être séduit par un visage ou des cheveux, élément principal de séduction à l’époque.
Comme notre homme dicte (il est illettré) au jour le jour pendant 23 ans ses préceptes, au fur et à mesure de ses illuminations, et qu’ils seront recopiés par des disciples qui vont très vite s’écharper sur son héritage, le Coran devient vite une auberge espagnole où l’on trouve de tout et son contraire, séparés par quelques centaines de lignes parfois le long des 6 219 versets qui le composent. Le commerçant et dirigeant politique pressé étant passablement bordélique, les versions différentes d’un même texte s’accumulent, et ses successeurs vont inverser l’ordre de pas mal de versets. "Leur première compil" comme me l’avait dit un élève facétieux sortira en premier deux ans après sa mort. Ce qui explique aujourd’hui ces franges extrémistes qui ne vont s’appuyer que sur à peine 10 % du corpus laissé, et ne pas utiliser le livre du prophète dans sa globalité. En résumé, le Coran est un tel bazar qu’on y trouve ce que l’on veut. Si l’on souhaite être un guerrier, on ne prend que les chapitres du chef de tribu expliquant comment rester chef de tribu : en attaquant les autres militairement. Si on souhaite un chapitre social, on prend les sourates sur l’entraide aux plus pauvres, une arme de politique clientéliste utilisée par Mahomet pour garder le pouvoir dans les tribus conquises. En résumé, il faut se méfier des guerres et des bons sentiments, dans le Coran, qui, ailleurs, donne des règles de vie précises et plutôt efficaces, la pratique du jeûne étant à l’époque un des moyens médicaux les plus utilisés pour se débarrasser des toxines accumulées par une vie dissolue. Le Coran a beau se vouloir un texte révélé, il contient beaucoup d’humain, avec tout ce que cela importe d’erreurs et de contradictions. Aujourd’hui, ce caractère devient une tare, car la vie d’il y a quatorze siècles n’est plus la même loin s’en faut. Les textes abordant tous les côtés de la vie de cette époque, bien rigides, sont particulièrement inadaptés au XXIe siècle. Décrété parfait et "inimitable" dans le dogme religieux islamique, le Coran est figé à jamais. C’est son handicap principal au XXIe siècle. Mais la religion chrétienne, qui n’a pas su saisir la chance de Vatican II, n’est pas mieux lotie question décalage avec la vie séculière. Et les sectes comme les raëliens de Vorilhon ne sont pas en reste, question fondements religieux similaires : prophète à la vie dissolue, récupération des religions précédentes (les Elohims hébreux), signes cabalistiques (la croix gammée inversée) culte contraignant, etc.
Chez les chrétiens, les bons sentiments sont à la pelle. L’autre joue tendue, ne pas tuer, etc. Le christianisme, c’est tout simplement le monde romain à l’envers, et c’est bien pour ça que ça va marcher "d’enfer" chez les petites gens à Rome et dans l’Empire, par effet de dégoût et de répulsion d’un monde fait pour quelques privilégiés : le Romain est brutal, adore des dieux de toutes sortes, vit comme bon lui semble (pour les plus riches) conquiert militairement aussi à qui mieux mieux, et asservit durement les populations conquises. La religion qui inverse ses valeurs, en miroir complet, il n’y avait que ça pour pouvoir le renverser : le jour où l’empereur se convertit, c’est gagné. Ce sera Constantin, à une époque où les Romains déboussolés et déchirés en ont quatre, d’empereur, dont Galère, le premier à décréter les chrétiens fréquentables. Constantin vaincra son rival Maxence en clamant partout qu’il le doit au signe de croix apposé sur les boucliers de ses soldats. Le christianisme a triomphé et s’est imposé, et sans faire la guerre comme l’islam, mais de la résistance passive. Pendant les trois premiers siècles de leur existence, les chrétiens jouent à un GreenPeace religieux. Et au final, ça marche.
A la base, comme croyance, chez les chrétiens, il y a en fait une variante d’une plus ancienne, celle du judaïsme. Auquel on ajoute une révélation : un homme, choisi par Dieu, qui sert d’intermédiaire aux directives d’en haut (ça les fait mieux passer, comme pour Mahomet) et auquel, pour le rendre extraordinaire, on prête des actions du même nom : surfer sans planche, multiplier les victuailles, changer l’eau en vin, guérir les paralytiques ou les oreilles coupées, rendre la vision aux sourds (non là c’est franchement pour me moquer, je ne devrais pas) bref, un cas à part de l’espèce humaine, couronné par un gag ultime. Comme tout a été écrit entre 50 et 125 ans après sa mort, on conçoit qu’on soit dans le flou le plus souvent, chacun des évangélistes ayant sa version des faits et des aventures extraordinaires du phénomène Jésus-super-héros de l’époque. Le gag ultime étant sa mort, qui n’en sera pas une, l’homme-dieu ne pouvant mourir. Sinon c’est un simple humain, et ça ne suffit pas. C’est un messie, l’envoyé spécial de Dieu, the Man in white en quelque sorte.
Bon, déjà à ce stade, quand il s’agit aujourd’hui d’expliquer dans les familles les prophètes ou les messies, on constate tout de suite une chose : le parent musulman a beaucoup moins de mal qu’un parent chrétien, les gamins se gaussant très vite des histoires surnaturelles "Papa, c’est quoi ton truc de ouf, là ? Déjà que sa mère elle tombe enceinte ’comme ça’, sans fécondation, après il ressuscite, dis ton gars, là c’est le Surfer d’Argent ou Hulk ?" Eh oui, les gamins sont comme ça : plutôt lucides, religieusement, sans pour autant être clairs partout. Plus prêts à croire à l’existence des fantômes et au satanisme qu’aux aventures extraordinaires de Jésus-sur-la-Croix. Ils ont tous vus La Vie de Brian et ne vont plus au catéchisme. Evidemment, chez les musulmans, rien sur la vie de patachon et l’usage des boissons fermentées, vu qu’après il faut aboutir à l’interdiction de l’alcool comme précepte de vie. Mais, globalement, "ça fait moins cirque" m’a dit un jour un élève de cinquième à ce propos. Evidemment, on n’insiste pas non plus sur la pente savonneuse des quinze mariages du prophète, une obligation politique du moment transformée assez maladroitement aujourd’hui en obsession sexuelle, l’un des mariages conclu étant dans la lignée des mariages royaux en France au XVIIe, où on épouse des fillettes pour s’assurer du ralliement du pays.
Certes, et aujourd’hui, ça ne s’arrange pas, pour la chrétienté (après on se demandera pourquoi l’islam "marche" aussi bien aujourd’hui dans les familles qui cherchent à reprendre en main leurs enfants retors) : on apprend hier que notre intermédiaire Jésus n’est rien qu’un vilain copieur. Déjà que l’on avait failli à plusieurs reprises trouver sa tombe et ses ossements... imaginez le malaise. Les églises chrétiennes sont aujourd’hui vides, les prêtres non mariés vus comme des extra-terrestres par la population, le pape a passé sa jeunesse dans les jeunesses hitlériennes : voilà qui ne va pas les aider du tout. Manquait plus que ça, même. "Bad news for Jesus" comme dirait ici même M. Grimpret, évangéliste formé à l’école américaine, qui croit au Saint Suaire... ce faux grossier. Et quand ce ne sont pas des mouvements politiques qui se piquent de parler religion, et surtout de tabler sur des comparaisons oiseuses bien mal étayées. Au temps de Mahomet, pourtant, les souverains français mènent eux aussi une vie dissolue. Dagobert, par exemple. Les Pipinnides n’ont rien à envier au monde de cette époque. Débauches et assassinats leur servent de méthode pour diriger le pays, sans oublier... la religion. L’Amérique d’aujourd’hui menée par l’ami de Pat Roberson ne fait guère mieux.
A l’origine du scandale, un bout de pierre, découvert il y a une dizaine d’années par un Suisse, David Jeselsohn, chez un antiquaire jordanien, une histoire révélée par le New York Times. Ouh là vous vous dites, ça sent l’arnaque et le Indiana Jones de bénitier, cette affaire. Pas vraiment : des scientifiques qui l’ont étudiée, dont Yuval Goren, de l’université de Tel Aviv, affirment qu’elle provient d’une zone proche de la mer Morte, un peu comme les fameux rouleaux découverts en 1947 par un jeune bédouin. Des rouleaux enfermant des écrits dont on n’a d’ailleurs toujours pas la teneur car ils pourraient aussi être catastrophiques pour la religion chrétienne : selon certaines indiscrétions sur le contenu de ces rouleaux, pour les Esséniens, la secte dont est issu Jésus, le nom de ce dernier signifiait "magicien", et son tour préféré consistait à changer le vin en eau... Voilà qui remet en place. Et ce n’est pas tout : le responsable des Esséniens, le "Maître de Justice", dont les écrits figurent justement sur ces fameux rouleaux, a été sacrifié vers -100 par les juifs, dans les conditions exactes, semble-t-il de celles du Christ, certains historiens parlant à son égard de "répétition" du supplice de la croix. On comprend pourquoi l’Eglise, via un "Cartel de Jérusalem", qui bloque depuis des années toute communication extérieure sur le contenu des rouleaux, ne souhaite pas évoquer le contenu de ce qu’un petit berger bédouin, Mohammed eb-Dib, a trouvé il y a plus de soixante ans dans ces grottes. Leur contenu explosif remet en cause le dogme, rien de moins. Depuis soixante ans, l’église catholique empêche que l’on puisse voir le contenu exact de la découverte archéologique majeure. On la comprend, le danger pour elle est bien trop grand.
La pierre découverte n’est pas gravée, nous apprend le New York Times : on y a peint des inscriptions, et ce sont ces inscriptions qui risquent de provoquer un fameux tsunami dans les croyances chrétiennes. Aux temps de Jésus, les sectes judaïques étaient déjà fort actives, on le sait, et ce que raconte la pierre, selon l’expert talmudique Ada Yardeni et son collègue Binyamin Elitzur, elle date bien du roi Hérode... Ce dictateur sanguinaire, mort en 4 avant Jésus-Christ. Les textes peints parlent d’un tout autre messie, envoyé de Dieu et lui aussi mort... et ressuscité. Aïe, voilà Jésus concurrencé sur son terrain de prédilection : dans la religion islamique il n’est qu’un prophète comme un autre, mort... et non ressuscité, voilà que la chose se confirme, ou qu’un prédécesseur aurait fait la même chose... des années avant sa mort (au minimum 37 ans, ou un peu moins si l’on considère que Jésus serait né deux ans avant comme beaucoup l’ont calculé). "Dans trois jours je revivrai, et je te commanderai, Gabriel"... dit la stèle, au nom de Simon et non de Jesus, l’homme étant un chef militaire de l’armée d’Hérode... Des années avant l’apparition de Jésus, ce dernier avait déjà eu un concurrent, tombé dans l’oubli et non devenu base d’une croyance religieuse. Et si c’était le cas, le "sang du seigneur" n’aurait pas été versé pour la rédemption des hommes, mais simplement pour celui des... Hébreux. Le judaïsme absorberait dans ce cas totalement le christianisme qui n’aurait plus de raison d’être... Le judaïsme lui-même subissant le contrecoup : sa croyance est également à revoir en ce cas. Jésus aurait été précédé d’un double, dont il aurait repris l’histoire, le vilain copieur. Il avait donc eu un concurrent, et bien d’autres encore, si on en croit les historiens, dont un dénommé... Judas, fils d’Ezéchias, autre illuminé qui prêchait lui en 6 ap. J.-C. En fait, c’est normal de trouver autant de concurrents potentiels : des preuves formelles de l’existence de Jésus, il n’y en a pratiquement... aucune. Les écrivains Tacite ou Suétone sont trop vagues sur les chrétiens poursuivis par Tibère ou Néron ou Claude, et les historiens juifs de l’époque l’ignorent totalement : Philon d’Alexandrie ou Juste de Tibériade ne le mentionnent jamais ! Cette religion repose sur fort peu, en définitive. Et ce fort peu vacille aujourd’hui dangereusement.
Les 87 lignes de texte peints sur le bloc de pierre vont-elles ébranler à ce point les fondements de la religion chrétienne ? On s’y achemine, en tout cas, car, cette fois, appuyé par le contenu des rouleaux de Qumran photographiés et mis en ligne sur internet au grand dam de l’église, nous serions en possession d’un document d’une autre trempe que les hoax habituels du même domaine. Le plus connu aujourd’hui étant le manuscrit de Voynich, désormais perçu comme une fabrication totale, un hoax, alors que des linguistes se sont complètement ridiculisés à s’échiner à y trouver un prétendu langage exotique, ruinant à jamais une réputation déjà bien entamée chez certains. Demain, les chrétiens devront accepter l’idée que cela fait 2 000 ans qu’on leur ment, et soixante ans au moins qu’on ne veut pas leur dire la vérité. Bad news for Jesus...
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