Comprendre Soral
COMPRENDRE : percevoir la vraie nature de telle personne par une disposition d'esprit très favorable, voire complice, en allant parfois jusqu'à reconnaître explicitement le bien-fondé de ses motivations particulières et même jusqu'à excuser ses travers avec une extrême indulgence. (CNRTL)
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Alors que l’accueil du nouveau parti Réconciliation Nationale n’est peut-être pas aussi satisfaisant qu’espéré et qu’une love affair 2.0 d’Alain Soral s’étale dans le cyber-landernau, certains croient y voir le signe d’un déclin ou d’une déchéance qu’à l’évidence ils souhaitent ardemment.
Ce qui ne laisse pas d’étonner c’est que nombre de ses critiques se recrutent parmi des personnes qu’on pourrait dire « engagées », qui partagent même une bonne part de son analyse de l’Empire et qui, pour certains d’eux, ont été de ses proches.
Toutefois, d’un point de vue girardien — l’imitation et les besoins narcissiques étant ce qu’ils sont —, il n’y a rien là que de très normal : la similitude étant la meilleure source de différends lorsque l’objet du désir n’est pas partageable (ainsi les riverains sont-ils généralement rivaux, les frères ennemis, etc.), la clairvoyance soralienne fait de l’ombre à ceux qui se voudraient aussi phares de la pensée dissidente.
Comme rien ne masque mieux la similitude que les petites différences qui, aussi insignifiantes soient-elles, polarisent l’attention et donnent facilement accroire que l’on est étranger à ce qu’on a eu un temps la faiblesse de prendre pour modèle, il est bien normal qu’elles abondent.
Quoi qu’il en soit, les attaques incessantes des médias de l’Empire semblent donc à présent amplifiées par les plaintes des déçus du soralisme et le fil de commentaires de l’article d’Agoravox.tv « Les militants de la dissidence abusés ? » en donne une parfaite illustration. Basé sur une vidéo d’un ancien de l’UPR où domine l’amertume d’un militant qui juge les leaders de la dissidence comme autant d’égos surdimensionnés usant et abusant de la naïveté de ceux qui les soutiennent ou se mettent au service de leurs causes, cet article et son fil de commentaires apparaissent comme le déversoir d’une rancœur visant tout spécialement la personne de Soral.
Le fait que des « dissidents » rejoignent la curée médiatico-judiciaire pour s’acharner sur Soral ad personam nous interroge car ils devraient être à l’opposé des chiens de garde des médias de l’Empire dont les aboiements apparaissent « de bonne guerre » étant donné que 1) Soral le leur rend bien et que surtout 2) il leur est interdit d’entrer dans le débat d’idées car cela ferait alors de la pensée soralienne une pensée « fréquentable » — Eric Nalleau étant l’exception qui confirme la règle.
La question est donc pourquoi tant de haine à l’égard d’un homme dont la pensée apparaît tellement sûre à l’auteur de la vidéo qu’il tente de justifier son « ingratitude » vis-à-vis de Soral par le fait que ce dernier aurait eu en quelque sorte une « obligation morale de dire la vérité. » ?
Cet hommage d’autant plus sincère à la pensée soralienne qu’il est payé du prix de l’indignité morale nous met d’emblée sur une piste étant donné que les objets de la haine ont toujours été d’abord des objets d’amour.
Dans le droit fil de l’hypothèse girardienne évoquée plus haut, ce qui vient immédiatement à l’esprit est que l’agressivité de ces critiques découle d’une immense frustration, c’est-à-dire, d’une grandiose attente qui s’est trouvée déçue.
En effet, il n’est pas interdit de penser que la force des analyses de Soral, ses talents d’orateur, sa témérité comme son incontestable succès d’audience auront pu susciter chez certains l’espoir qu’il devienne l’homme providentiel de la lutte contre « les puissances de ce monde. »
Si par la suite les circonstances mettent en lumière tel ou tel de ses défauts d’une manière qui le rende incontournable ou si telle ou telle de ses prises de position pessimistes ou rédhibitoires en vient à barrer le processus d’idéalisation et à effondrer l’espoir d’abattre l’Empire à sa suite, on peut imaginer que les plus narcissiques, les plus prompts à s’emballer et donc, les plus fragiles se verront mimétiquement portés vers une forme de « reniement de Pierre » avec d’autant plus de rancœur qu’ils auront le sentiment d’avoir « beaucoup donné »
C’est ce qui, de tous temps, a engendré des boucs émissaires : nous en faisons les coupables de ce qui nous frustre et cela d’autant plus aisément qu’ayant les yeux constamment fixés sur eux, nous ne cessons de corréler leurs faits et gestes avec l’effet produit. Le privilège ambivalent de ceux à qui nous attribuons du pouvoir est donc, en effet, d’être responsable quoi qu’il arrive. En cas d’échec, les chefs sont les premiers exposés : la roche tarpéienne est toute proche du Capitole.
Bref, un peu de réflexion suffit pour comprendre qu’il ne fait pas sens de reprocher à Soral d’être humain, trop humain. Il n’est pas la « Bête blonde » de Nietzsche, il n’est pas le surhomme qui, tel un Hercule de légende abattra seul l’Empire.
Pour autant, ne faut-il pas rendre à César ce qui est à César ? Je trouve profondément naïf, injuste, ingrat et surtout prétentieux le passage de la vidéo dans lequel l’auteur affirme que nous n’avons pas besoin de Soral ou d’Asselineau et que c’est eux qui ont besoin de nous.
Qui peut nier que l’un et l’autre, chacun à leur manière, nous ont formidablement éclairés sur les coulisses de l’Empire, sur les tenants et aboutissants d’un Nouvel Ordre Mondial dont le projet semble sur le point d’aboutir ?
Franchement, bien que titulaire de diplômes qui attestent d’un minimum de qualités intellectuelles, avant d’avoir lu Soral, tout complotiste et dissident de la pensée unique que j’étais, je restais un naïf politique comme le système aime à en fabriquer car je ne disposais d’aucune vision du monde présent digne de ce nom. J’avais surtout des conceptions théoriques qui, bien que d’orientation girardienne — et donc toujours-déjà acquises à l’idée que nous sommes entrés dans l’Apocalypse — restaient bien trop abstraites pour pouvoir faire directement sens de l’exubérante complexité géopolitique et historique du monde. [1]
Il me semble donc que la dissidence « d’en bas » se doit au moins de reconnaître cela : Soral donne à voir et à entendre au sens de comprendre. Le succès indiscutable de ses vidéos vient avant tout de l’intelligence des situations qu’il met à notre portée. Le grand bordel du monde nous est redevenu beaucoup plus intelligible alors que la plupart d’entre nous avaient depuis longtemps renoncé à comprendre, exactement comme le veulent « nos maîtres » — et possesseurs... des médias.
Bien sûr, Soral n’est pas seul sur ce créneau, et rien n’oblige à le suivre exclusivement. Des erreurs de sa part et donc des perspectives alternatives peuvent être envisagées sur tel ou tel point, mais sur le fond, je constate que la plupart des analystes qui me semblent respectables recoupent les vues exposées par Soral dont, j’y insiste, la valeur et l’originalité ne se situent pas au niveau des éléments mais au niveau (de la cohérence) de l’ensemble.
Ma reconnaissance lui est donc acquise sous ce rapport quoi qu’il arrive dans la mesure où, formé à l’épistémologie de la science, je distingue radicalement le monde des idées du monde des personnes.
Ceux qui prétendent attaquer les idées en attaquant les personnes montrent qu’ils n’ont rien compris et à l’épistémologie et à la rhétorique ; ils s’adonnent à un populisme auquel je reste insensible. Peu me chaud que Soral incarne nombre des travers de l’humain. En quoi cela me concernerait-il moi qui souhaite avant tout comprendre l’Empire ? Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre !
Pour autant, je ne prône pas une quelconque cécité sur les travers de Soral mais il me paraît indispensable de les évoquer d’une manière constructive qui ne vise pas à abattre l’homme. Il s’agirait au contraire d’aider le lecteur honnête à faire la part des choses et à ne pas se fermer aux idées de Soral en raison de préjugés basés sur sa personnalité.
Sous ce rapport, il est regrettable que la vidéo susmentionnée reproche aux meneurs de la dissidence d’affaiblir cette dernière par leur guéguerre des égos alors que c’est justement cela qu’elle fait par sa critique rejetante plutôt qu’étayante. Elle contribue à diviser et donc à affaiblir le mouvement dissident et surtout elle contrarie la propagation des idées soraliennes alors même qu’elle en reconnaît le bien fondé.
Considérant avoir suffisamment exprimé tout le bien que je pense de l’indispensable travail d’éducation des masses qu’a entrepris Alain Soral, je pense pouvoir évoquer sans risque quelques attitudes ou traits de sa personnalité qui le fragilisent et seraient susceptibles d’arrêter certains de ses auditeurs potentiels.
L’objectif sera d’en dégager la signification psychologique afin qu’on cesse d’en faire d’impardonnables péchés. Il ne s’agira pas de révéler quoi que ce soit de nouveau car je pense que Soral et ses critiques de tous bords, sont déjà parfaitement conscients de chacun des aspects que je vais évoquer.
Commençons par la plus manifeste, le péché d’orgueil qui transparaît dans les nombreuses occasions où Soral fait valoir ses compétences intellectuelles et se complimente lui-même de manière ostentatoire. On reconnaît là le signe d’un narcissisme inquiet repérable par ailleurs dans l’intranquillité ou la nervosité que Soral manifeste lorsqu’il se trouve « en scène » et qu’il sait devoir se montrer au meilleur de ses capacités. L’expérience et la théorie m’ont appris que ce narcissisme nous en sommes tous affectés à divers degrés dans la mesure où, en situation sociale, nous avons toujours une « image de soi » à défendre, nous portons un masque qui sépare le soi public du soi privé et plus nous savons ce dernier trouble, plus nous voudrions que le premier paraisse immaculé. Par conséquent, tournons encore une fois notre regard vers nous-même avant de jeter la pierre à qui que ce soit.
Alors, bien sûr, certains diront qu’ils ne vont tout de même pas jusqu’à se faire eux-mêmes des compliments et je répondrai qu’ils ont probablement raison. Car il est écrit : « celui qui s’élève lui-même sera abaissé. [2] » Le mot clé ici, qui manque étrangement dans les traductions françaises, c’est « lui-même. » En effet, exactement comme on ne peut se porter soi-même en triomphe, seuls les autres sont en position légitime de nous élever. Les compliments en self-service manifestent seulement le besoin qu’a la personne de voir sa valeur reconnue et attestent du même coup d’un grand manque de confiance en soi qui, en s’offrant comme modèle au regard des autres, porte mimétiquement chacun à douter de l’individu qui ne se fait pas lui-même confiance. C’est un mécanisme foncièrement contreproductif et je trouve dommage qu’il n’y ait eu personne dans l’entourage de Soral pour le lui faire véritablement toucher du doigt. Il va de soi que cela a dû lui être dit et qu’il l’a bien compris car c’est d’une simplicité biblique. Ce qui est en jeu ici n’est pas la représentation mais la décision qui doit venir à un moment donné de renoncer à toute stratégie défensive de l’image de soi en considérant qu’on a suffisamment donné pour faire confiance et laisser les autres parler de soi. C’est comme accepter de se jeter dans la foule pour se laisser porter par elle. Ce lâcher-prise ne demande qu’un minimum de courage et comme Soral n’en manque pas, force est de penser qu’il se bat encore contre des blessures de l’enfance, celles qui peuvent nous dominer toute la vie durant mais qu’il n’est toutefois pas rare de trouver à la source de grands accomplissements.
Bref, que Soral s’amende sur ce point ou qu’il ne le fasse pas, pourquoi lui reprocherait-on quoi que ce soit ? Sans cette soif de reconnaissance qui l’anime nous n’aurions pas connu son œuvre. Le fait que cette faiblesse le rende éventuellement moins sympathique est absolument non pertinent sous le rapport de la lutte contre l’Empire.
Il en va de même pour les autres manifestations de son narcissisme comme la difficulté évidente qu’il a encore à reconnaître qu’il s’est trompé sur tel ou tel point. Pour ma part, je le trouve presque attendrissant de fragilité dans ces moments tant l’exercice le rend nerveux et défensif. Il a bien compris qu’il devait en passer par là mais que la chose lui semble difficile !
Etant assez bien placé pour savoir qu’elle l’est pour à peu près tout le monde (même si les anglo-saxons ont plus d’entraînement que les latins sous le rapport de la repentance), je pense qu’on ne peut que le louer de s’engager sur cette voie, celle de l’honnêteté et de la responsabilité. Peu importe les imperfections dans l’accomplissement du geste, c’est l’intention qui compte.
Le plus problématique au final sous le rapport du narcissisme me semble être le caractère provocateur, revanchard et inutilement agressif de sa critique lorsqu’il se collète à quelqu’individu que ce soit qu’il choisit de prendre pour adversaire. On est d’emblée dans un mode duel où les attaques bon marché donnent un tour puéril à son propos et l’affaiblissent considérablement, surtout si, de surcroît, il s’agit d’un proche. Outre qu’il y gagnerait une plus grande paix sous le rapport des procès qui l’accablent, je pense qu’en renonçant à ce style bravache très « coq gaulois » il apaiserait une dissidence qui n’a pas besoin de ça et il accèderait plus sûrement à la stature qu’il recherche mais qu’il semble aussi vouloir s’interdire lui-même par les excès qu’il s’autorise.
Ceci dit, déformation professionnelle ou pas, une telle attitude m’attendrit car j’y reconnais la manifestation d’une dynamique infantile qui me paraît très clairement être le propre de l’Homme bien davantage encore que le rire : je veux parler de cette éternelle conflictualité interne qui, sans cesse nous appelle à mettre de l’ordre en nous-mêmes, à nous discipliner et donc à être capable de renoncer, de mourir à mille choses, pulsion, impulsion, besoin, désir, peur, etc. Chacun de nous est « légion », chacun de nous doit donc s’efforcer de trouver son unité, sa cohérence et son Orient. Et dans cette lutte de chacun avec soi-même, je dirais que Soral n’est pas le pire exemple car ses accomplissements, ne serait-ce que comme auteur, sont peu contestables.
Le seul point qui m’inquiète est celui qui nécessite probablement le plus de discipline car il touche au plan des idées. Il me semble en effet problématique de voir ce dernier souvent contaminé par l’énergie et la véhémence des incessants combats que mène Alain Soral contre le lobby qu’on ne peut nommer autrement qu’avec un maximum de précision sous peine de passer sous le coup de la loi. Le bravache et la provocation apparaissent ici suicidaires car il serait fou de nier la réalité que Soral s’efforce justement de nous donner à voir, à savoir, la sacralisation de la Shoah. Dans un espace devenu tabou on ne peut s’avancer qu’avec un maximum de précautions, dont la ferme de résolution de ne jamais ô grand jamais laisser à penser aussi peu que ce soit, qu’on pourrait mettre en cause le peuple juif, quelque conception qu’on puisse se faire de ce dernier. Je vois en effet un point de consensus fort sur le fait que non seulement il a enduré des souffrances innombrables tout au long de l’histoire mais qu’ il est, comme tous les peuples, innocent et ne saurait être mis en cause de quelque manière que ce soit.
La plupart du temps Soral a une expression maîtrisée mais il semble qu’un rien suffise pour qu’il s’autorise à passer la ligne rouge et outre qu’on se prend à craindre qu’il ne fasse l’objet de poursuites, on comprend aussi que nombre d’amis vont devenir rétifs voire hostiles à ses propos dès lors qu’ils glissent vers cette zone où l’hostilité du plus grand nombre est assurée. Nous voulons tous connaître la vérité mais si elle suscite inconfort et dissonance, nous préférons nous tenir à distance.
Sans même avoir à faire de psychologie mimétique, chacun pressent aisément qu’« on ne peut avoir raison contre la foule » et, de surcroît, nul n’a plaisir à se trouver en infraction avec la loi. Or, comme je viens de le dire, il n’y a, sur le fond, aucune raison pour que la parole de Soral ne soit pas impeccable sous ce rapport. Il fait très bien le distinguo entre le peuple et certaines élites qui s’en servent comme « bouclier humain » depuis la nuit des temps. Je pense que Soral est bien aussi intelligent et rusé que ceux contre lesquels il lutte et j’attends qu’il veuille bien nous montrer par sa rigueur qu’il atteint au rang de « maître du logos » qu’il ambitionne. Bref, pour son odyssée personnelle, je ne saurais trop lui recommander d’être un Ulysse rusé qui surmonte tous les obstacles et rentre chez lui plutôt qu’un Achille téméraire trop tôt entré dans la légende.
A l’écouter, je me demande s’il n’est pas déjà dans la perspective d’une fin de vie violente. Ceci expliquerait la licence qu’apparemment il se donne de suivre ses inclinations du moment sans penser à conséquence, un peu comme, nous rappelle René Girard, les futurs sacrifiés des religions primitives qu’on autorisait à transgresser tous les tabous comme s’ils étaient déjà les dieux que la mise à mort rituelle devait faire d’eux.
Je veux croire que Soral n’aura pas à boire cette coupe jusqu’à l’hallali qu’on lui promet et qu’il saura se garer des voitures avant la curée. Mais j’écoute à l’instant Guy Béart qui a l’air et la chanson pour nous faire comprendre que l’exigence de vérité a un prix...
Alors, au cas où, permettez que, pour finir, j’adresse ici à Alain Soral un « salut l’artiste, chapeau bas ! Merci du fond du cœur pour la pilule rouge et pour le feu d’artifice continu (en livres et vidéos) de ces dernières années. Que Dieu te garde ! »
[1] Penser le 11 septembre 2001 aide assurément à « traverser le miroir », mais ce n’est au final qu’un petit trou. De l’autre côté de la « matrice », on trouve un beau capharnaüm ou plutôt les Ecuries d’Augias du complotisme et la capacité d’y mettre de l’ordre n’est pas donnée à tout le monde.
[2] Matthieu 23 :12-14, Orthodox Jewish Bible
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