Et pourquoi pas autoriser le dopage ?
Le dopage, plaie du sport ? Non, l’essence même d’un sport de résultats à tout prix. Et si on l’autorisait carrément, pour avoir la paix, une bonne fois pour toutes ? Quelques arguments « pour »... vous faire changer d’avis !
A chaque compétition, ou presque, son scandale de dopage. Les commentateurs scandalisés hochent la tête avec componction : encore une affaire qui ternit notre beau (ici, mettre le sport que l’on veut : tennis, football, cyclisme, jokari...). Or, il convient de ne pas se leurrer : on se dope pour se garantir un certain niveau de résultats, et surtout pour gagner. Oui, je sais, chacun sait que l’essentiel est de participer, mais la vie est tellement plus facile quand on gagne : prix fastueux, carrière de rock star, médiatisation, succès sexuels... mieux que la Pierre du Nord ou la bague de Tout Ankh Amon !
Il faut avoir le courage de regarder les choses en face : le sport sélectionne et favorise ceux qui gagnent, et pas ceux qui participent. Qui se rappelle les 4e et 5e places ? Regardez les stades, que demandent les supporters ? Que « leur » équipe gagne ! Pourquoi se moque-t-on régulièrement du PSG ? Parce qu’il ne gagne pas assez ! Comment sont organisés les tournois, compétitions, championnats et autres manifestations commerciales à prétexte sportif ? En quarts de finale, demi-finales et finales, aboutissant à l’acmé de la victoire du gagnant ! D’ailleurs, ça s’appelle des "championnats", pas des "fêtes de la participation sportive".
Le sport sécrète le champion (ainsi que le supporter, ce champion par procuration), comme l’accident de la route sécrète le "chauffard". Et quand on veut gagner le championnat, on y met les moyens.
Gagner à tout prix, comment ?
Je ne vois que trois moyens disponibles au futur champion pour gagner plus sûrement :
- l’entraînement physique intensif (toujours « intensif » : vous ne trouverez pas un commentateur sportif vantant les mérites de l’entraînement « extensif », ou « décontracté », ni même de la relaxation : tout est dans la contraction musculaire, parfois dans l’adresse ou la précision, l’important, c’est qu’on transpire)
- l’apport de la science physique : des casques offrant moins de résistance à l’air, des vélos plus légers, ce genre de choses. Actuellement, les outils sportifs (je pense aux vélos, par exemple) sont des outils de haute précision, qui coûtent une fortune, en tout cas inaccessibles au pauvre amateur qui fait de son mieux pour participer dans son coin.
- l’apport de la science biologique ou biochimique, et c’est là que tout bascule, là, c’est interdit. Pourquoi ?
Eh oui, pourquoi ? Après tout, quand on voit un cycliste passer quinze jours en Suisse dans un caisson hyperbare (ou hypobare, je ne sais plus) pour fabriquer davantage de globules rouges, puis monter une machine qui doit coûter un million d’euros, assisté d’un masseur professionnel, d’un diététicien, d’un médecin à plein temps, vous ne me ferez pas croire qu’on est dans des conditions normales, ni dans le sain exercice des fonctions corporelles qui réjouissent l’âme, chères au baron de Coubertin. Alors, pourquoi ne pas lui autoriser une petite piquouze ? On a quitté depuis longtemps ce jardin d’Eden mythique qu’on veut nous faire avaler à chaque retransmission télévisuelle : une âme saine dans un corps sain, la noble beauté du sport, etc. On est dans la gagne à tout prix.
Regardez le Tour de France : ils sont tous sous traitement ! Depuis qu’on est autorisé à prendre des substances médicamenteuses du moment qu’elles sont liées à un traitement, nous avons connu les champions asthmatiques (Ventoline), les champions relevant d’un cancer (là, il y en a moins, mais il gagne tout), les champions anémiés (EPO). La prochaine étape, si on laisse faire les choses, ce sera les champions amputés avec membres artificiels super-performants !
Pratiquement, comment ça se passerait ?
On aurait ainsi des Jeux et des championnats délivrés de ces odieux soupçons qui ternissent nos beaux athlètes, puisque tout le monde serait dopé. On pourrait même ouvrir les espaces publicitaires aux fabricants de médicaments, ce qui ouvrirait le marché de ces substances aux pauvres amateurs de banlieue ou de la campagne, obligés de se contenter de trafics non autorisés, voire de rien du tout.
De temps en temps, puisqu’on irait aux limites de l’organisme, il y aurait des accidents beaucoup plus spectaculaires qu’une petite chute inopinée. Un mort ou deux, en direct : plus d’audience ! Et des commentaires beaucoup plus intéressants que des bafouillages embarrassés sur le « poison qui gangrène notre sport national ». Les services des sports engageraient des médecins et des pharmacologues pour suivre l’actualité : plus d’emplois !
Bientôt apparaîtraient les premiers sportifs OGM : des coureurs avec des pattes de sauterelles, des cyclistes avec des cuisses de grenouilles, des boxeurs avec des os crâniens plus épais, ou même des cornes... Que de la nouveauté à découvrir en direct !
Evidemment, avec tout ce qu’ils ingurgiteraient, leur système nerveux serait fragilisé : encore plus de pleurs en direct, lors des remises de médailles (c’était déjà pas mal engagé, la dernière fois que j’ai regardé les JO à la télé) ! Plus de pétages de plombs ! Très bon pour l’audience !
En gros, un vrai spectacle, avec de la sueur, du sang, des émotions, et même des morts.
Oui, mais ça ne passera jamais...
Pas sûr. Si on vend ça aux spectateurs en expliquant que « courageusement », il faut « affronter le problème en parlant vrai », qu’il n’est pas question de « nier l’apport de la science à l’art sportif », c’est presque gagné.
Ajoutons quelques arguments bien libéraux, par exemple une confession bien orchestrée d’une star des sports (imaginez qui vous voulez) : « Eh si je me dope, c’est mon choix, on n’a pas le droit de m’empêcher d’être le meilleur, c’est pas juste de me sanctionner, et puis d’ailleurs tout le monde le fait. » Ajoutons aussi "qu’il faut avoir le courage d’être moderne".
Il ne manque plus qu’un appel à la nation : « La France n’a pas le droit de mettre de côté un moyen qui lui permettrait de briller davantage dans le firmament mondial », et un dernier argument un peu bas, mais remarquablement efficace : « Ca va faire gagner plein de sous à plein de gens », et emballez, c’est pesé !
Oui, mais les autres, ceux qui ne se dopent pas ?
Ah oui, il reste encore plein de gens qui ne se convertiraient pas à la « nouvelle donne », des « participants » qui ne veulent pas forcément gagner... Qu’en faire ?
Hé bien j’ai une autre idée, vous me direz ce que vous en pensez : de même qu’il existe un marché pour les aliments bio, on peut imaginer des manifestations sportives light , sans dopage et sans OGM, si vous voulez. Et même, pourquoi pas, sans compétition, sans médaille, sans prix remis, juste une médaille de participation. Vous tiquez sur ce dernier point ? C’est que vous n’êtes pas mûr pour la modernité, cher lecteur(trice) !
On y vanterait la participation, l’esthétique des mouvements, l’authenticité de ces vrais athlètes « à l’ancienne », « comme du temps de nos grand-mères ». Du coup, ça ferait deux séries de manifestations sportives, la hard et la light, je suis sûr que les télévisions s’intéresseraient à ce nouveau « créneau ».
Moi, je regarderais les light. Et vous ?
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