Et si Jack Lang avait raison ?
Je tiens à préciser que je ne suis ni fan de Jack Lang, ni fan de la réformette constitutionnelle proposée. Mais Jack Lang mérite-t-il ce statut de bouc émissaire facile ?
On a l’impression que Jack Lang est devenu facilement le capteur de tous les maux de la gauche en ce qui concerne la réforme institutionnel. Oui, Jack Lang, grand admirateur de son mentor François Mitterrand (à tel point qu’il paie sans doute son image de "fayot" auprès de ses camarades), a toujours été partisan d’un régime présidentiel fort. Fallait-il s’étonner dès lors de son vote ? Certes non. Il y a plus lieu d’être surpris de voir que certains des militants "présidentialistes", c’est-à-dire Laurent Fabius ou Ségolène Royal (auraient-ils accepté d’être "René Coty" s’ils avaient été élus ???), s’insurgent contre un statut qu’ils auraient accepté en d’autres circonstances. Seuls les sympathisants d’Arnaud Montebourg et du sous-sous-ministre Jean-Marie Bockel (devenu étrangement muet depuis sa nomination) pourraient lui jeter la première pierre vu qu’ils ont été les rares à proposer un lifting poussé de la Constitution dans leurs motions respectives du congrès du Mans, il y a 3 ans, oublié ensuite dans le programme officiel...
Ce n’est pas uniquement de la faute de Jack Lang si le Sénat n’est toujours pas réformé. C’est surtout de la faute de Gaston Deferre et François Mitterrand qui, en 1969, ont instrumentalisé un référendum destiné à réformer le Sénat et à développer la décentralisation (pourtant deux thèmes chers à la gauche !) pour descendre De Gaulle de son piédestal. Tout ça pour rien au final, vu que la gauche fut éjectée du deuxième tour des présidentielles... Ils ont voté, et après ? chantera Léo Ferré...
C’est aussi Mitterrand, qui après avoir fustigé la Ve République tout au long de sa carrière (jusqu’en 1981), n’a rien fait pour modifier la Constitution durant son double septennat (il n’aurait pas pu le faire via le Congrès, le Sénat étant vissé à droite, mais il aurait pu le faire par voie référendaire...).
Au final, que peut-on reprocher à Jack Lang ?
Certes, la réformette constitutionnelle n’améliore pas grand-chose. La suppression du 49-3 se fait au détriment d’un contrôle des amendements. Le référendum d’origine populaire est inapplicable en pratique (il faut 4 millions de pétitionnaires, dont 100 parlementaires, et le bon vouloir de l’Assemblée pour l’organiser). Surtout, la réformette institutionnelle ne permet pas une représentation parlementaire plus équilibrée, et ne répond pas au divorce du 29 mai 2005, quand 54% des Français ont rejeté un traité approuvé par 90% des parlementaires... Le FN et l’extrême-gauche (représentant pourtant près d’un électeur sur cinq) continueront d’être absents des bancs de la République. Le MoDem, malgré des chiffres honorables, restera scotché à quatre députés, loin de la quinzaine de députés communistes... alors que le PCF pèse moins au niveau national, mais bénéficie d’élus bien implantés et des désistements à gauche...
Le PS et l’ensemble des partis de gauche ont fait le pari qu’en rejetant la réforme, Nicolas Sarkozy se montrerait plus conciliant à leur égard, notamment sur le Sénat, ou renoncerait à son idée d’aller se faire mousser au Parlement. Un tel scénario aurait-il pu être possible ? On aurait légitimement pu s’attendre à ce que le rejet de son jouet ne pousse Sarkozy à davantage de sectarisme et de mépris vis-à-vis de l’opposition.
Jack Lang semble surtout avoir fait le calcul - pas besoin d’arrière-pensée pour cela - qu’en acceptant la réforme, le peu de concessions cédées à l’opposition suffirait à accroître l’expression de celle-ci, ou du moins lui permettrait d’échapper au mépris et à l’isolement. En quoi serait-il source de tout mépris, alors qu’on pourrait reprocher davantage aux radicaux d’avoir accepté le plat de lentilles d’un groupe parlementaire, dans un système électoral qui donne plus au PRG que ce qu’il pèse réellement au niveau électoral ? Jack Lang avait a priori plus à perdre que le PRG dans son vote.
De plus, Jack Lang n’a cessé de répéter qu’il continuerait à se battre contre la politique sociale et économique du gouvernement. C’est quand même plus là qu’on attend la gauche que sur des débats constitutionnels !
Pour conclure, ce sont les mêmes qui considéraient qu’il fallait un traité libéral pour obtenir l’Europe sociale qui fustigent aujourd’hui le choix de Jack Lang d’avoir approuvé une constitution appauvrie. En un sens, Jack Lang reste peut-être bien plus cohérent que certains de ses petits camarades...
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