L’Allemagne, face au coût gargantuesque de sa transition énergétique
Promulgué par le gouvernement le mardi 18 août dernier, le texte de loi de transition énergétique porté depuis plus d'un an par Ségolène Royal, se veut l'instigateur d'un nouveau modèle énergétique français basé sur le développement des énergies renouvelables, et le renforcement des mesures d'efficacité énergétique. Des évolutions indispensables mais pour lesquelles, le gouvernement n'a pas souhaité remettre en cause les fondements historiques de la stratégie française en matière énergétique, à savoir, assurer une sécurité d'approvisionnement optimale à un prix compétitif. Malgré des objectifs élevés en termes de réduction de la part des énergies fossiles ou des émissions de gaz à effet de serre, la France recherchait donc le moyen de garantir la stabilité du réseau national tout en limitant au maximum la hausse inévitable des prix de l'électricité. Un chantier national qui fut l'occasion d'apprécier les avantages et les inconvénients des modèles de transition énergétique en marche actuellement en Europe et notamment en Allemagne, où la stratégie énergétique du gouvernement d'Angela Merkel montre aujourd'hui ses limites.
Nos voisins d'outre-Rhin, auxquels nous avons pris l'habitude de nous comparer sur tous les plans et d'envier une réussite économique apparente, ne seraient pas en matière énergétique du moins, un exemple à suivre pour le gouvernement français. Le désengagent nucléaire progressif mais toutefois assez soudain de l'Allemagne suite à la catastrophe de Fukushima, a placé le pays dans une situation énergétique complexe. Se tournant ainsi pleinement vers les énergies renouvelables, elle atteignait dès 2013, 24 % d'énergies renouvelables dans sa production électrique, et devrait sans problème réaliser son objectif pour 2020 fixé à 35 % du mix électrique.
Des chiffres éloquents mais qui cachent toutefois une réalité bien différente en matière de coût de l'électricité et d'émissions de CO2. Car l'Allemagne est devenue dans le même temps, un des pays européens les plus pollueurs du fait d'un recours au charbon accru ces dernières années mais également un des pays, avec le Danemark, où l'électricité est la plus chère (presque deux fois plus cher que le tarif actuel en France).
Une étude de l'Institut de l'économie allemande (Institut der deutschen Wirtschaft, IW) effectuée pour le quotidien économique Handelsblatt (et relayée par Le Point) montre que la transition énergétique en République fédérale coûte chaque année plus de 28 milliards d'euros aux consommateurs allemands. "Une famille utilisant 3.500 kilowatts-heure tous les douze mois doit ainsi payer en moyenne 270 euros supplémentaires pour financer la politique environnementale mise en place par le gouvernement", précise le Point.
En cause ici, la loi sur les énergies renouvelables (EEG) instaurée en 2000, qui garantit aux producteurs d'électricité renouvelable, un tarif d'achat supérieur à celui de l'électricité conventionnelle, et qui s'est avérée être un véritable gouffre financier. Attirés par des prix garantis élevés, des centaines de milliers de foyers se sont équipés de panneaux solaires et l'Allemagne doit désormais verser près de 24 milliards d'euros de subventions aux producteurs d'énergies renouvelables chaque année. Ce programme a déjà coûté 300 milliards d'euros et l'ancien ministre de l'Environnement, Peter Altmaier, a estimé que la note pourrait atteindre 680 milliards d'euros en 2022.
Ces aides publiques sont payées au final par les utilisateurs via de nouvelles taxes sur leurs factures. Les prix de l'électricité des ménages outre-Rhin ont ainsi plus que doublé en un peu plus d'une décennie. Ils sont passés de 0,14 €/kWh en 2000 à plus de 0,29 €/kWh aujourd'hui. Une récente étude de l'Association allemande des industries de l'énergie et de l'eau (BDEW) montrait que 52 % de la facture d'électricité payée par les particuliers étaient composés de taxes et d'aides aux énergies renouvelables.
Les entreprises ne sont pas non plus épargnées par cette envolée des prix. Des experts estiment ainsi que la République fédérale aurait pu accroître ses exportations de 52 milliards d'euros de 2008 à 2013 si ses coûts énergétiques étaient comparables à ceux de ses cinq principaux partenaires commerciaux.
Une note salée pour nos voisins au regard de la faiblesse des prix de l'électricité applicables actuellement dans l'hexagone. En effet, d'après les calculs d'Eurostat, le coût du kWh pour un ménage français est 87,4% moins cher pour les particuliers en France par rapport à l'Allemagne. Si on prend la consommation moyenne d'électricité d'un ménage en France, la facture est d'une cinquantaine d'euros par mois contre plus de 90 euros de l'autre côté du Rhin.
Ajoutées à cela, les fermetures successives des centrales nucléaires restent aujourd'hui principalement compensées par l'augmentation de la production d'électricité au charbon (fortement émettrice de gaz à effet de serre) et mettent en péril la sécurité d'approvisionnement du réseau électrique national.
La production énergétique de la France repose quant à elle pour une majeure partie sur le nucléaire (75%) et peut se prévaloir d'un indice d'émission de CO2 largement favorable de 5 tonnes de CO2 par an contre plus de 9 tonnes en Allemagne. En termes d'énergie primaire, la part des énergies fossiles est de 53 % en France alors qu'elle est de plus de 80 % en Allemagne qui a vu sa consommation de charbon exploser ces dernières années.
Au final, l'institut IW tire la sonnette d'alarme et prévient le gouvernement d'Angela Merkel sur les risques d'une telle politique énergétique à long terme. Comme le résume Carsten Linnemann, président de l'Association des PME et membre du parti chrétien-démocrate (CDU), "les conséquences de la transition énergétique deviennent une menace pour l'attrait de l'Allemagne car elles risquent de dissuader les investisseurs et de provoquer des pertes d'emplois".
Crédits photo : Windwärts Energie
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