Deux astronomes et physiciens raccourcissent l’histoire : Newton et Fomenko
Depuis trente ans, une école russe s’est formée autour d’un savant célèbre qui a poussé loin les études physiques et les recherches statistiques. Dans le premier domaine, on lui doit une résolution du fameux problème dit de Plateau, du nom du physicien bruxellois qui avait voulu formuler la surface minimale d’une bordure quelconque.
Le savant russe dont nous présentons l’œuvre historique a appliqué sa maîtrise des corrélations statistiques à l’examen des vastes périodes de l’Antiquité et du Moyen-Age, mais surtout a réussi à dater par l’astronomie des événements rapportés par la chronologie traditionnelle, celle qui remonte les événements à l’an 0 supposé être celui de la naissance du Christ.
Cette chronologie chrétienne n’a été fixée qu’au 16ème siècle par Juste Scaliger et d’autres clercs - d’où son nom de chronologie scaligérienne - et a imposé, selon l’équipe russe, sa vision aux autres datations qui se sont réglées sur elle.
Ainsi lit-on que le calendrier musulman débute en 622 après J.C. et que les civilisations antiques ont, de l’Égypte à Babylone, en comptant l’Asie chinoise, une durée réglable, et dans ses grandes lignes fixées dès les XVIème et XVIème siècles de notre ère.
Or Anatoly Fomenko a eu un prédécesseur, astronome, physicien et mathématicien comme lui, qui a proposé une « chronologie nouvelle » : Newton, dont Voltaire fait l’éloge, précisément sur ce point de la chronologie raccourcissant les âges, dans sa 17ème lettre du recueil dit des Lettres philosophiques ou anglaises. Notre philosophe (1) comprit que Newton avait réduit l’espace de la fiction, de l’imagination : les vérifications de phénomènes astronomiques, telles les éclipses mentionnées dans les textes anciens, permettaient de réduire de cinq cents ans l’immensité apparente de l’antiquité égyptienne, de celle de la Grèce héroïque aussi (2).
Ce pas a été prolongé par Fomenko à partir de 1973, qui a pu restituer l’état du ciel dans des constructions comme le temple de Denderah qu’il dit se rapprocher étonnamment de nous, jusqu’à atteindre la date de notre douzième siècle. Prenons un point précis de l’Antiquité qui nous est proposé dans les textes et que représenterait l’architecture, la numismatique etc., celui de deux éclipses solaires et une lunaire signalées par le fameux historien grec et commandant de la flotte navale durant la guerre qu’Athènes a soutenue contre ses rivales, Thucydide.
Un critique russe et savant astronome et physicien de la première moitié du vingtième siècle, Nicolas Morozov, qui voulut calculer cette série de trois éclipses, attribuait à l’une la date de 1133 de notre ère, postérieure à celle accordée par les critiques dont l’astronome allemand Kepler qui donnait 431 avant J.C.
Fomenko a confirmé l’illustre Morozov, or la difficulté résolue par ces deux russes était que l’auteur grec mentionnait une visibilité des étoiles durant l’une des trois éclipses, c’est-à-dire une éclipse totale du soleil. Un tel événement ne peut donc se produire, et visible de la Grèce, qu’au prétendu Moyen-Âge. Mille ans de distance séparait le phénomène antique, et donc son observateur grec, de sa vraie datation. Nous avons ainsi affaire à un grec du 12ème siècle, non du 5ème siècle avant la naissance prétendue de Jésus-Christ.
S’agissait-il d’un résultat paradoxal ? Comme celui qui fera fixer par l’équipe russe la datation de l’Apocalypse, composé dit-on par l’apôtre Jean en 1486, en l’attribuant non pas à Jean, l’apôtre préféré du Christ, mais à Jean Reuchlin, l’érudit hébraïsant et helléniste allemand ?
La contestation de l’Antiquité et du Moyen-Âge.
De telles constatations se trouvent dans la série en sept volumes qui paraît à Londres, traduite du russe, intitulée : « History, Fiction or Science ? ». Le lecteur ordinaire, même instruit comme nous étions formés plus qu’aujourd’hui en lycée et en classes de préparation, en langues anciennes, ignore paisiblement que des grands contestataires du récit des Antiquités se succèdent, et que Anatoli Fomenko n’en est que le dernier.
En France le père jésuite Jean Hardouin, breton de Quimper, qui fut très érudit, et édita la collection ou Somme des Conciles de l’Église catholique prétendait que le seul Concile existant, avéré, était le Concile de Trente de 1541. Et c’était justement son grand savoir qui l’avait fait choisir par Louis XIV pour éclairer l’Histoire de l’Église.
Plus près de nous, au tournant du XXème siècle, le philologue ou linguiste suisse de l’Université de Bâle qui jouissait d’une très grande réputation, nommé Robert Baldauf (3) réfuta l’ancienneté des textes antiques, de poètes, tels Horace, Ovide, mais surtout d’auteurs comme Platon, Aristote, d’historiens comme Tacite, Thucydide, etc. ou des grands tragiques, bref de l’ensemble des auteurs en les plaçant plus près de nos âges.
Il en découle que nos constructions s’effondrent. Et aussi des difficultés insolubles. Comment des époques aussi instruites et raffinées ont-elles pu s’enfoncer dans la nuit du Moyen-Âge éclairée par la lune de la foi religieuse, si l’on peut dire ? D’où vient cependant cette immense construction gothique en des temps que l’on présente si barbares. Comment des hauts niveaux scientifiques ont-ils pu s’interrompre ? Et puis réapparaître d’un coup ? Comment l’existence du zéro peut-elle se concevoir sans des développements d’équations ?
Il faut bien concéder la pertinence de ces doutes. Mais cette contestation n’est pas seulement celle d’enquêteurs qui relèvent que les belles antiquités sont le produit d’une Renaissance qui avait atteint à une connaissance détaillée du corps humain, des proportions géométriques et des arts et techniques. Comment l’Antiquité l’eût-elle possédée et perdue ?
En statisticienne, l’équipe de Fomenko relève des ressemblances dans la chronologie traditionnelle et elle émet l’hypothèse de « siècles fantômes » qui reproduisent et multiplient, selon des intervalles sensiblement égaux, les événements récents. Ainsi Alexandre le Grand reproduit-il en partie d’autres conquêtes récentes. Et de fait, des personnages comme Charlemagne, Haroun-Al-Rachid, Alexandre, César sont douteux. Et de fait, de nombreux auteurs allemands contemporains, à la suite de Fomenko, mais aussi de Wilhelm Kammeier (1889- 1959) parlent d’une invention du Moyen-Âge et de l’Antiquité. Robert Baldauf déjà nommé a même réfuté que César ait écrit la Guerre des Gaules, ou la Guerre Civile, et a même indiqué leur auteur, de même que cet italien Poggio Bracciolini (1380-1489) qui serait l’auteur de la Germanie de Tacite.
On cite aussi l’historien anglais Edwin Johnson affirmant que « nous sommes bien plus près dans le temps des Romains et des Grecs que ce que la table chronologique veut nous dire »(4)
La résurrection de la Horde d’Or.
Quelle raison peut bien avoir poussé des sociétés à déformer ainsi leur passé ? Fomenko entreprend alors de reconstruire une période de temps qui ne peut remonter au-delà de notre onzième siècle. Et fait apparaître un immense empire comprenant la Russie et l’Empire ottoman qui en serait la dernière succession, étendu jusqu’à l’Afrique du Nord, comprenant le Nord de l’Inde, l’Iran, la Chine et jusqu’au Japon, le Nord-Ouest du Continent Américain, auquel l’Europe était lié, chaque pays spécialisé dans des activités données.
Tel aurait été l’Empire de la Horde d’Or (Orda en russe) dont l’Empire des Habsbourgs serait l’imitation, la pâle reproduction et effacement à la fois. Cette existence aurait été falsifiée sous le nom des invasions mongoles en Russie, en Perse, en Irak, en Chine et jusqu’au Japon ; car le terme de mongol désignerait non pas la lignée du pays porteur de ce nom, mais le grand Empire en question. Il serait apparenté au terme de Megalon ou Megalion, Grand.
Les conséquences de la Nouvelle Chronologie. Des pans de l’Histoire s’écroulent, et il n’est plus question, si l’on nous permet cette plaisanterie, d’arrêter les Arabes à Poitiers, car la conquête musulmane n’aurait point eu lieu, amenant une population à édifier une civilisation sur une foi nouvelle. Il faut, selon la Nouvelle Chronologie, orienter la naissance de l’Islam, comme de l’Église catholique, vers une source chrétienne antérieure présente dans la Horde d’Or. Le fameux Saint George où l’auteur voit Gengis-Khan, serait ainsi une figure non du joug « mongol » ou barbare, mais du Christianisme dont le fondateur aurait vécu à Constantinople, l’actuelle Istanbul, véritable endroit de la Jérusalem traditionnelle, et non pas la bourgade de Al Qods née sous l’Empire des Ottomans. Le Golgotha serait même situé aux portes d’Istanbul, au terme d’une allée d’Issa, en un lieu que les musulmans locaux disent être le tombeau d’un prophète. Le mythique Temple de Salomon serait-il alors Sainte Sophie et le personnage de Salomon une projection de Suleiman le magnifique ? Fomenko et son équipe y croient.
Des personnages comme Tamerlan ou Timur seraient des chefs chrétiens de cette organisation impériale assujetissant l’Europe. L’empire romain en serait le dupliqué forgé à la Renaissance. D’autres Antiquités s’effondrent. L’absurdité d’une entreprise de judaïsation de l’actuelle Jérusalem, de la bourgade agrandie d’Al Qods, saute ainsi au yeux, de même que la fable des Croisades, qui est en réalité une lutte entre chrétiens, avant la naissance de l’Islam, pour punir le pouvoir en place. Cette expédition à laquelle les Francs participaient a donné naissance à des légendes, comme la fameuse expédition de Troie, et le poème d’Homère serait de facture récente, le dernier d’un cycle.
De nombreux lecteurs ont salué ces efforts de l’équipe de Fomenko et ce sera notre conclusion, l’effort de démonstration par les vestiges de l’architecture, dont celle qui démontre que les églises de l’époque de cette Horde dont le point culminant aura été le 15ème siècle de notre ère, montraient la croix, le croissant et l’étoile sur leurs clochers. Un dernier témoignage a été celui de la cathédrale Saint Étienne de Vienne, qui fut ôté de la flèche en 1685. Mais l’histoire retient le Croissant comme le propre de l’Islam.
Fomenko note que le rasage en 1802 par les wahabites - après les insurrections de 1745 - de Médine et d’autres points sacrés de l’Islam, dont le foyer serait la Horde d’Or, serait la volonté soutenue par l’Occident, anglais notamment, d’effacer la racine politique de l’Islam et donc d’achever la destruction d’une haute et forte organisation. L’histoire fut-elle écrite par des vainqueurs ? Fomenko n’aurait fait que proposer cette question qu’il aurait montré qu’on ne peut devenir historien sans être d’abord géomètre.
- 1 - Qui introduisit le premier le terme de citoyen au sens moderne de l’usage anti tyrannique, dans sa tragédie « Brutus » représentée le 17 décembre 1730 et rédigée d’abord par lui en anglais
- 2 - « […] par là toutes les époques sont rapprochées, et tout s’est fait plus tard qu’on ne dit » 17ème Lettre philosophique : Sur l’Infini et sur la Chronologie.
- 3- Dans ses deux tomes en allemand : Histoire et Critique, 1901-1902.
- 4- (1842-1901), « We are a lot closer in time to the Greeks and the Romans than what the chronological tables tell us » (The Rise of English Culture, Putnam, 1904, page XXX)