Les majors de l’industrie du disque en croisade contre la démocratie ?
La séparation des pouvoirs est le fondement de la démocratie occidentale (1), ce principe devant nous garantir qu’une seule personne -ou un groupe restreint de personnes- ne détient pas en ses mains tous les pouvoirs de l’État, et qu’ainsi, dans notre système, est sauvegardé le principe d’autodétermination du peuple (2).
Cependant, les débats publics autour de la loi DADVSI sur les droits d’auteurs sont l’occasion de prendre conscience que certains lobbies et groupes de pression ont à cœur de modifier la donne en faisant pression sur les pouvoirs exécutifs et législatifs, tout en muselant le pouvoir judicaire.
Pour les majors de l’industrie du disque, (prétendument) en pleine perte de vitesse (3) et n’ayant pas su (voulu ?) anticiper ce qu’impliquait la révolution numérique comme changement de comportement des citoyens, la pénalisation des échanges de fichiers et la mise en place de dispositifs de contrôle d’usages (DCU) est un impératif (4).
Ces dernières souhaitent en effet, autant que possible, préserver un modèle économique jusqu’à ce jour très lucratif et ayant permis la concentration de cette industrie entre les mains de quatre sociétés représentant à elles seules 80% des ventes de musique à travers le globe.
Malheureusement, le caractère très impopulaire de ce type de méthodes avait déjà amené Sony-musique à renoncer à ses tristement célèbres « Rootkits » devant l’ire de ceux ayant acheté des produits ainsi marqués.
Les « consommateurs » français se révélaient mieux informés et moins dociles que cette société ne l’avait initialement et probablement naïvement cru (5).
La mise en place de ces systèmes ne pouvait donc être faite sans qu’une telle solution ne soit acceptée par la population et inscrite dans la loi.
La communication et le lobbying à outrance, à grand renfort de « stars de la chanson » et de blogs payés avec nos impôts, devait donc nous convaincre que nous devions accepter ces systèmes pour « le bien commun » et également « pour notre plus grand bien » (6).
Malheureusement, là encore, cette stratégie fut un échec retentissant ,qui n’eut d’autre résultat que de braquer une communauté bien informée contre l’industrie et les « stars » qui s’en faisaient les porte-parole (7).
Fort heureusement pour ces entreprises, elles n’avaient pas uniquement parié sur le travail de communication à réaliser auprès du public, mais avaient également et depuis longtemps investi dans un minutieux travail de lobbying auprès du pouvoir exécutif (8).
La même manœuvre fut tentée auprès du pouvoir législatif, mais l’arrivée de représentants de cette industrie dans l’Assemblée nationale tentant de soudoyer nos députés fut nettement moins couronnée de succès et eut même un résultat plutôt contre-productif, comme nous avons pu le constater lors des débats publics de décembre (9).
Un autre type de lobbying fut alors utilisé afin de contraindre les députés réfractaires à revoir leur position, ou au moins à s’abstenir dans ce dossier (10).
Bien sûr, il était utopique d’espérer tous les convaincre de cette manière, et tel ne fut pas le cas d’ailleurs, mais en allant plaider leur cause auprès du président du groupe UMP et du Premier ministre, ces sociétés ont au moins vérifié que ceux de la majorité les soutiendraient, ce qui serait suffisant pour faire pencher la balance (11).
Les débats de cette semaine nous ont à tous prouvé que de
toute évidence, le succès fut au rendez-vous... Il ne restait plus désormais qu’à
s’occuper de cet ennuyeux pouvoir judiciaire, qui avait eu le culot de déclarer
licite et relevant de la copie privée l’acte de téléchargement (12) (13).
La criminalisation des actes de contournement des systèmes de protection, de la création de logiciels d’échange, de la distribution et de la promotion de ces derniers, n’aurait absolument aucun impact tant que subsistait le risque que le troisième pouvoir protège les citoyens, en faisant obstacle aux deux premiers.
Fort heureusement, la loi DADVSI répond à cette préoccupation, puisqu’elle prévoit la création d’un collège de médiateurs censés régler les litiges entre les citoyens et l’industrie (14).
En se réservant la place de l’éminence grise auprès de ce collège, et en faisant craindre aux citoyens des sanctions très lourdes devant les tribunaux (y compris la prison), les majors pourront s’assurer que les futurs litiges seront résolus sous leur propre contrôle.
Il reste le quatrième pouvoir de la démocratie, me direz-vous... Celui de la presse !
Théoriquement c’est exact, mais devant le silence assourdissant de ce dernier durant les deux derniers mois en ce qui concerne ce dossier, on peut se demander s’il s’intéresse vraiment au sujet et prend conscience du danger.
A moins, tout simplement, que les intérêts financiers des majors et des médias ne soient superposables, étant donné que les seconds sont d’importants vecteurs de diffusion des biens produits par les premiers.
Des partenaires commerciaux n’ont pas de raison de se faire la guerre, après tout...
Si réaction il y a, elle ne pourra donc être initiée que par les citoyens, car dans l’affaire des droits d’auteurs, la presse fait mine de ne rien voir, l’exécutif a pris position contre les citoyens, le législateur est en train de courber l’échine devant le « lobbying » des majors, et le pouvoir judiciaire risque fort d’être prochainement réduit au silence.
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