Non-cumul des mandats : pourquoi il n’est plus possible de reculer
Le non-cumul des mandats est une question vieille de plus de 30 ans. Promesse de campagne du candidat François Hollande, défendue manu militari par Martine Aubry, cette question revient aujourd’hui sur le devant de la scène avec une résonance toute particulière.
En effet, à l’heure d’une crise économique grave qui nécessite, je cite « un effort de tous les français », une caste continue de bénéficier d’un système à bout de souffle : les élus. Il suffit de constater dans le dernier « Capital » (février 2013) des rémunérations des élus pour se poser de sérieuses questions sur « l’effort » des élus au redressement du pays. Il ne s’agit dès lors pas de mesurettes telles que le plafonnement de quelques rémunérations au sommet de l’Etat mais bien plus d’une urgente exigence démocratique.
- Najat Vallaud-Belkacem (Le Nouvel Observateur)
- http://leplus.nouvelobs.com/contribution/783096-najat-vallaud-belkacem-cumul-des-mandats-et-des-revenus-immoral.html
Le non-cumul des mandats : une exigence démocratique.
Si les élus, de droite comme de gauche, sont si farouchement attachés au cumul des mandats, ce n’est pas tant pour « disposer d’une vision locale et d’une vision nationale », c’est aussi parce que toute l’organisation politique et administrative française tend à inciter les élus à cumuler pour « avoir du poids pour peser politiquement ».
Plus encore, c’est un excellent moyen de cumuler les rémunérations et, derrière un mandat « vitrine » à la rémunération audible (2500/3000€/nets/mois) de cumuler des indemnités pour aboutir aux sommes plafonds de 8000 à 9000€/nets/mois que beaucoup trop d’élus atteignent. On arrive même à des dérives qui conduisent un président d’exécutif (type président de conseil général), à ne disposer que d’un seul mandat, mais à laisser leurs « adjoints » cumuler plus d’indemnités par de petits mandats (adjoint, élu de communauté d’agglo, élu de CG etc..) et finalement être mieux rémunéré ! Celui qui assume alors le plus de responsabilités est le moins bien loti !
Enfin, il y a les calculs politiques – arguments mis en avant par Manuel Valls dans un jeu de fuite en avant – qui consistent à dire que si une majorité en place vient à légiférer contre le cumul des mandats, elle peut induire le report de ses députés sur les mandats locaux et risquer de perdre la majorité à l’assemblée. Ceci est un peu rapide puisque la loi porterait aussi sur l’opposition qui serait également confrontée à la même question.
De plus, avoir « peur de perdre » est un aveu de faiblesse : si la majorité actuelle avait fait son travail – ce qui n’est clairement pas le cas – elle ne craindrait pas une déroute en 2014.
Les arguments « Rebsamen » ne tiennent pas. Surtout, les citoyens se fichent de savoir si la loi s’appliquera en 2014 ou 2016 : ce qui compte c’est qu’elle soit votée une fois pour toute. Comme l’avait proposé L. Jospin en novembre dernier, mais apparemment avec moins d’intérêt que pour le rapport sur la compétitivité, une simple loi organique suffirait.
Le choix d’attendre (et rompre une 4ème fois cette promesse électorale) est un risque politique énorme que peu semblent avoir mesurer tant il s’agit d’une exigence démocratique. En effet, les citoyens en ont assez du « trop d’élu trop bien payés » à la française. Et si le non-cumul des mandats n’est pas pour demain, qu’on commence d’ores et déjà par le non-cumul des rémunérations : une piqûre de rappel qui recentrerait vite les élus sur le « cœur » de métier.
Le non-cumul des mandats : l’arbre qui cache la forêt.
Mais le non-cumul des mandats n’est pas une fin en soit. En réalité c’est une disposition d’une loi plus large de modernisation de la vie politique française qui aurait dû figurer en tête des actions du mandat Hollande. En effet, aujourd’hui l’enjeu est bien là et devrait à minima se pencher sur les 5 dimensions suivantes :
- Réduction du nombre de parlementaires et de sénateurs (15 fois plus nombreux qu’aux USA ramenés au nombre d’habitants !)
- Suppression d’un échelon politique local, à savoir le département. Celui-ci étant peu à peu grignoté par les agglomérations et les régions.
- Fusion des 36 000 communes en intercommunalités (démarche en cours… mais sans la suppression des « communes » au niveau politique !)
- Réforme de la fiscalité locale associée
- Non-cumul des mandats
En un mot comme en mille : moins d’élus, mais mieux d’élus.
J’ajoute que, par une réforme de ce type, l’Etat Français économiserait a minima près de 20 milliards d’euros par an (chiffre qui se rapproche des estimations de René Dosières), ce qui est loin d’être négligeable. Tout ceci sans toucher à un seul cheveu de fonctionnaires puisqu’il s’agit plus de supprimer des « mandats » et des « collaborateurs » et de reventiler les missions aux bons échelons, le tout avec une fiscalité lisible et adaptée.
Les arguments politiciens visant à repousser à plus tard pour sauver sa peau ou bien pour jouer la montre ne tiennent plus. Se cacher derrière le fait qu’il n’existe pas de majorité « politique » pour faire voter le texte n’est pas plus audible : avec 85% de français favorables, un référendum sur le sujet (si possible avec plusieurs questions dont les 5 cas ci-dessus) se traduirait très certainement par un OUI franc et massif.
De plus, refuser le non-cumul des mandats est une somme de mauvais de calculs.
Avec 20% de suffrages « FN », une victoire étriquée à 51-49 aux présidentielles, des non-décisions et reculades, une côte de confiance faible et une situation économique catastrophique, la majorité actuelle devrait comprendre qu’elle ne peut plus se permettre de faire de la politique politicienne de type cantonal : le pays est au pied du mur et il devient urgent d’agir sur le fond.
En clair, le temps n’est plus au calcul mais aux décisions dimensionnantes.
Plus encore, ne rien décider viendrait, en complément de la somme des désillusions et autres renoncements (Florange, enseignants, fonctionnaires, etc…) a donner des arguments faciles pour un FN en embuscade. Car ne nous y trompons pas : le rejet massif de la classe politique n’est pas un saut d’humeur, c’est une tendance de fond qui ne fait que s’accroître, y compris avec une Europe aux aboies et trop loin des réalités des citoyens.
Adopter le non-cumul des mandats dans un « tout » serait un marqueur du mandat.
Marqueur qui, à ce stade, manque cruellement.
Pour conclure sur cet article, on peut tous vraiment se poser la question de la « vision d’ensemble » et de la cohérence de ce gouvernement qui semble acter des bribes de lois vidées de substances en cours de route au « cas par cas ». L’absence d’orientation décisive et qui plus est d’expression d’objectifs clairs traduit, à mon sens, une faiblesse profonde de pensée ou plus exactement un nécessaire besoin de « changement de logiciel ».
Trop d’énarques, trop de « bien-pensée unique », trop de réformes dans la continuité c’est à dire de non-choix, trop peu de prises de risque, une absence manifeste de courage ou de « roubignolles »… et avec cela on espère que cela ira mieux ? Je ne connais pas de sportifs de haut niveau qui ont réussi sans prendre de risques et sans faire de choix. La France ne peut pas rester à son rang en restant dans les mesurettes et patchs sur jambe de bois.
Le non-cumul des mandats est donc une urgente exigence démocratique, mais surtout, cela doit être un outil de modernisation de la politique française afin d’affecter un élu à un poste et un seul, à le contraindre à travailler sans faire de la présence et surtout à économiser en dépenses somptuaires qui ne sont plus, aujourd’hui comme plus que jamais, tolérables.
Le conservatisme, de droite comme de gauche, est une plaie dans un monde qui évolue toujours plus vite. Il est urgent de changer !
49 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON