Qui était vraiment le roi Arthur ?
Extrait de mon livre Le roi et le graal.
Il est temps de révéler maintenant celui qui servit de modèle au légendaire Arthur Pendragon. Voilà le portrait qu’en donne Joël Schmidt dans Le royaume wisigoth d’Occitanie :
Celui-ci était d’un tempérament moins fougueux que son père et plus propre aux arbitrages. Aux côtés d’Euric, il avait pu prendre conscience de la dimension de son empire et de la nécessité de faire vivre ensemble sous son spectre des peuples aussi différents que les Aquitains, les Provençaux, les habitants de la Septimanie et de la Novempopulanie, les Espagnols et les Wisigoths. Cette mosaïque d’ethnie et de nations séparées par des querelles religieuses, Alaric II réussit à en assurer la cohésion par son autorité et surtout pas sa bienveillance naturelle.
Il ne peut s’agir en effet que du roi Alaric II. Le premier élément concordant concerne la période pendant laquelle il vécut. En effet, selon sa fiche Wikipédia, le roi Arthur serait né entre 456 et 492 et il se trouve que l’année de naissance d’Alaric est 458.
Tout au long de son règne, comme le roi Arthur, il fut amené à résider dans plusieurs villes. Parmi celles-ci, Narbonne, Toulouse, Arles et enfin Aire sur Adour qui semble être devenue sa résidence principale à la fin de sa vie. Il ne reste malheureusement rien du château où il séjournait car au XVIIie siècle les pierres restantes auraient été réutilisées pour la reconstruction de l’évêché. Les seules évocations étant la « rue du château » où on trouve un panneau explicatif proche de la fontaine Sainte Quitterie intitulé le château disparu d’un barbare lettré.
C’est de cette ville qu’il promulgua en 506 le Bréviaire qui porte son nom, ouvrage qui avait l’ambitieux projet de « corriger tout ce qui est injuste dans les lois ». Il s’agit d’un recueil de droit romain rédigé en latin d’où est tirée la célèbre formule « nul n’est censé ignorer la loi » et dont certains spécialistes estiment qu’il constitue la base du code civil de 1804. A noter que l’anneau sigillaire d’Alaric II, qui permettait de sceller les documents officiels, est exposé au Kunsthistorisches Museum de Vienne (cf image).
On voit ici plusieurs éléments qui renvoient à la réputation qu'avait Arthur d'être un roi juste. On peut aussi noter que le nom d’Aire sur Adour qui provient du basque Atura, désignant l'Adour, est très proche phonétiquement d’Arthur : la désignation latine « Atura Rex », à savoir « roi d’Adour », n’aurait-elle pas pu donner par déformation « roi Arthur » ?
Alaric eut un premier fils nommé Geisalic, dont la mère est inconnue. Il s’agirait alors de Mordred, le fils illégitime d’Arthur dont parle la légende arthurienne. Il eut ensuite un fils légitime issu de son mariage avec la reine Théodegothe, Amalaric, né en 502. Ce dernier ne semble pas avoir inspiré de personnage dans l’épopée romanesque mais cela peut s’expliquer simplement par le fait qu’il s’agissait alors d’un enfant très jeune : il n’avait en effet que 5 ans à la mort de son père et il fut tué par les Ostrogoths à l’age de 11 ans après quatre ans de règne.
Le contexte dans lequel eu lieu le mariage d’Alaric est donné dans cet autre extrait du livre Le royaume wisigoth d’Occitanie :
Le chef des Hérules fut refoulé et se réfugia dans Ravenne dont les Wisigoths et les Ostrogoths entreprirent le siège en 490. Odoacre tenta une sortie qui s’acheva par un désastre et son retour précipité dans Ravenne. Il fut bientôt contraint d’entamer des négociations serrées avec Théodoric le Grand. Un traité de paix bancale fut signé, qui mécontentait tout le monde. Vers l’automne 493, dix-huit mois après ce faux accord, Odoacre était assassiné au cours d’un banquet où le roi des Ostrogoths l’avait invité avec ses principaux officiers. Désormais, et jusqu’en 526, Théodoric l’Amale pouvait commencer à régner sans contestation sur l’Italie et mériter son surnom glorieux.
Alaric II, qui avait contribué à la victoire du roi des Ostrogoths, n’avait plus à redouter l’hostilité du souverain d’Italie. Bien plus, son zèle était récompensé : Théodoric lui donnait en mariage sa fille ainée Théodigotha, née d’une liaison avec une compatriote. Entre les deux puissances gothiques, l’Alliance était désormais scellée par les liens du sang.
…
Alaric II ne fut pas inquiété par les Francs pendant quelques 13 années et put tourner ses ambitions vers l’Espagne, ce joyau du royaume de Toulouse, toujours agitée par des révoltes et des troubles.
Il est frappant de mettre en parallèle les derniers paragraphes de ce texte avec un autre extrait concernant cette fois Arthur, issu du dossier de presse de l’exposition la légende du Roi Arthur où l’on peut lire :
Puis, secondé par son neveu Gauvain, il aide le roi Léodagan, de Carmélide à lutter contre les Saxons.
…
Son mariage avec Guenièvre, la fille de Léodagan, inaugure douze années de prospérité et de paix dans le royaume.
Même si dans la légende, les Hérules ont laissé la place aux Saxons, on constate qu’il s’agit à la fois de la même trame d’évènements et de la même durée : visiblement, les auteurs n’eurent ici qu’à changer les noms des protagonistes pour obtenir le scénario de leur roman historique ! Car quoi de mieux que de pouvoir puiser dans l’Histoire pour concocter une fiction romanesque ?
Concernant le nom de Guenièvre, l’épouse d’Arthur, il viendrait du mot gallois « Gwenhwyfar » et signifierait donc « blanc fantôme » ou « blanche fée ». Comme pour un certain nombre d’autres personnages, nous disposons d'assez peu d'éléments permettant de tirer un portrait de la reine. Car le personnage de Guenièvre, l'épouse d'Arthur est principalement connue comme étant la maîtresse de Lancelot, mais comme il s'agit là d'une fiction sans doute ajoutée à la demande de Marie de Champagne, cette situation n’est d’aucun intérêt historique. Et nous n’avons hélas que peu de renseignements concernant Théodegothe, l’épouse d’Alaric II, si ce n’est qu’elle était la fille aînée de Théodoric le grand, roi des Ostrogoths et qu’elle vécut de 476 à 524.
Durant tout son règne, Alaric II eut des démêlés avec le clergé catholique. Il tenta de lutter contre le pouvoir croissant de l’épiscopat catholique, en appuyant la candidature d’évêques ariens. Mais le véritable danger apparut un beau jour de l’année 492 : par son baptême, Clovis, roi des Francs, se convertit à la religion catholique. Il était certes minoritaire parmi les rois de l’époque, tous ariens, mais cela lui donnait l’appui des populations catholiques. Et il semble que des émissaires dépêchés par le clergé catholique aient convaincu Clovis d’intervenir pour faire cesser les persécutions, réelles ou supposées, des catholiques par les Wisigoths.
Depuis le nord de la Loire, Clovis tenta alors une incursion vers l’Aquitaine mais il fut mis en échec une première fois car l’Ostrogoth Théodoric le grand vint porter assistance à son gendre. Une fois que les troupes alliées se furent retirées, le roi des Francs organisa une seconde attaque et réussit cette fois à prendre Bordeaux. Alaric réussit à l’en déloger mais sans vraiment causer beaucoup de dommage à l’armée de Clovis qui se massa de nouveau au nord de la Loire.
Théodoric le grand souhaitant désamorcer la situation, adressa aux différentes forces en présence ainsi qu’à chacun de leurs alliés des messages pour tenter de faire taire les armes. La tentative sembla couronner de succès puisque Clovis et Alaric II se rencontrèrent pour une réunion de réconciliation sur une ile de la Loire proche d’Amboise. Mais pour le roi des Francs, il s’agissait surtout de gagner un peu de temps pour pouvoir reconstituer l’ensemble de ses troupes à la frontière du royaume wisigoth.
L’alliance de Clovis en 507 avec le roi burgonde Gondebaud, jusque-là allié des Wisigoths, fit basculer soudainement le rapport de force en faveur des Francs. Et la suite est connue : la bataille de Vouillé, la mort d’Alaric et la fin du royaume wisigoth de Toulouse.
On le voit, tout concorde pour faire d’Alaric II le personnage historique dont s’inspirèrent les auteurs de la légende arthurienne : la période à laquelle il vécut, sa personnalité mais également les évènements historiques le concernant et surtout sa mort tragique lors d’une bataille qui entraina la chute de son royaume… Et en partant à la découverte des autres personnages, nous allons avoir confirmation que l’identité d’Alaric II représente la pièce maitresse du puzzle permettant de dévoiler la plupart des mystères de la légende arthurienne.
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