Syrie : « victoire » turque à la Pyrrhus ? Ou l’art de se retourner un pavé américano-israélien sur les pieds !
Dans l'espoir de s'approprier au moins une partie conséquente de la Syrie, la Turquie a fait le jeu des USA et d'Israël au Moyen-Orient.
Elle a délibérément profité de l'affaiblissement de la Résistance palestinienne, dont elle se présentait comme une sorte de « porte drapeau », mais qui n'était donc agité que par le vent de ses « bonnes paroles », et de l'affaiblissement concomitant de l'axe de la Résistance chiite sous les bombes israéliennes, pour tenter d'avancer brutalement ses divers pions en Syrie. Et cela la menait donc à une situation potentiellement conflictuelle avec la Russie, même si ce n'est pas, pour la plupart des observateurs, la contradiction essentielle de la région.
En réalité, « essentielle » ou non, c'est bien la contradiction clef, sous-jacente des autres, et qui a pour l'instant « dénoué », ou plutôt, renoué autrement, l'ensemble de la situation au Moyen-Orient.
Il est clair qu'avec le contrôle du détroit du Bosphore la Turquie est en mesure de poser des conditions à la Russie pour son accès le plus direct à la Méditerranée. La Russie n’a certainement aucune confiance dans la Turquie d’Erdogan mais elle la ménage donc, Bosphore oblige, il suffit de regarder la carte !
Ce qui explique la volonté russe de "négociations", sinon de réelle bonne entente, sur la présence turque en Syrie.
Dans le nouveau rapport de forces qui a émergé avec l'affaiblissement du Hezbollah, sinon de l'Iran également, sous les assauts israéliens, et malgré une Résistance héroïque, la Turquie était apparemment en mesure d'avancer ses pions sur le terrain syrien et c'est bien ce qu'elle entendait faire, au détriment du régime de Bachar el-Assad, mais sans forcément anticiper jusqu'à quel point une partie de ses pions étaient en fait entièrement sous contrôle américano-israélien.
Elle a donc allumé le feu d'une "victoire" qui lui échappe complètement ou presque, au profit de ses "amis" américano-israéliens.
Il est donc clair que de toute façon la Russie ne pouvait pas engager une guerre contre la Turquie, aussi bien en Mer Noire, pour le contrôle du Bosphore, évidemment, qu'en Syrie, donc, ce qui revenait au même, indirectement, sauf à avoir un rapport de forces écrasant, ce qu'elle n'avait pas, vu la nécessité de concentrer ses efforts militaires sur l'Ukraine.
Le seul enjeu réel restant, désormais, pour la Russie dans ce coin du monde, c'est l'avenir de ses bases militaires, et notamment navale, en Syrie. Actuellement, il est donc impossible à prévoir, mais il est évidemment possible, sinon même, probable, que la Russie a entrepris les tractations "discrètes", sinon secrètes, nécessaires pour "sauver les meubles" et ne pas disparaître complètement de la scène tragique moyen-orientale.
Les proxys "pro turcs" ont donc servi de "cheval de Troie", plus ou moins "à l'insu de leur plein gré", selon les cas, mais probablement très consciemment de la part du HTS, nouvelle "force dominante" de pacotille en Syrie, et qui ne tiendra que tant qu'elle restera utile à ses maîtres, l'impérialisme américain et son proxy israélien.
Les actuels et concomitants bombardements israéliens massifs sur Damas et le reste de la Syrie sont évidemment d'abord là pour faire comprendre à son proxy HTS les limites de son "pouvoir délégué".
le HTS est ainsi l'inventeur d'une nouvelle catégorie, en devenant en quelque sorte un proxy au deuxième degré, un "proxy de proxy", même s'il en profite pour distendre, sinon couper, le cordon ombilical qui le relie encore à la Turquie !
Nul doute, néanmoins, que la Turquie tentera de conserver et d'étendre son contrôle sur les zones anciennement kurdes du nord syrien : ce sera éventuellement son "lot de consolation", si elle parvient à le pérenniser dans le dépeçage déjà en cours de la Syrie "libérée" !
Une des conditions de cette "pérennisation" pourrait bien être, dans un avenir proche, une sorte de "deal" entre la cession de cette région à la Turquie et la pérennisation désormais revendiquée de l'annexion israélienne du Golan et de sa récente nouvelle extension, à la "faveur" de la "libération de la Syrie" !
De leur côté de l'Euphrate, si on peut dire, Les proxys "kurdes" de l'impérialisme US, dans la zone Nord-Est, tenteront également, comme ils le font déjà, avec le soutient militaire de leurs "sponsors américains" habituels, de pérenniser cette zone qu'ils ont donc "séparé" de la grande Syrie originelle, alors qu'ils y sont en réalité des "travailleurs émigrés" embauchés comme supplétifs par les forces armées US, loin de leurs zones historiques en voie de "turquisation".
Et dans tout ça les rescapés de Daech et d'autres "terroristes dormants", anesthésiés sous Bachar, penseront certainement que l'heure du réveil a sonné pour eux aussi, et voudront donc essayer de se tailler quelques califats d'opérette néanmoins sanglante dans le cadavre de la Syrie.
Et tout ça, encore et surtout, sans oublier le caractère multiconfessionnel traditionnel de ce pays, en plus de son côté multiethnique.
Bref, sous la férule islamiste façon HTS, "l'heure de la liberté" est venue pour la Syrie : l'heure de "s'éclater", littéralement, hélas.
La fête risque donc d'être de courte durée...
Luniterre
*******************
*********************************
+ d'actu sur le sujet :
Avec 3 vidéos d'analyses géopolitiques pertinentes
******************************************************
10 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON