Mariage homosexuel : les Sages du Conseil Constitutionnel, dont la majorité sont de droite, peuvent-ils être impartiaux ?
Le président des députés UMP Christian Jacob s’est présenté au Conseil constitutionnel vers 18H00 le mardi 23 avril, avec plusieurs de ses collègues, dont Philippe Gosselin et Daniel Fasquelle, pour déposer un recours contre le projet de loi sur le mariage homosexuel, et cela peu après son adoption définitive par l’Assemblée nationale. (Voir Vidéo)
Le Conseil constitutionnel pourra-t-il examiner sereinement et de manière impartiale, le projet de loi ouvrant le droit au mariage et à l'adoption aux couples homosexuels ? Pas si sûr à en croire "Le Canard Enchaîné" dans son édition du 24 avril.
L'hebdomadaire rappelle les prises de position publique de deux sages contre l'adoption d'enfants par des couples de même sexe : l'ex-sénateur UMP Hubert Haenel et l'ancien député UMP Jacques Barrot.
Le premier avait adhéré en 2006 à "l'entente parlementaire pour la défense du droit fondamental de l'enfant d'être accueilli et de pouvoir s'épanouir dans une famille composée d'un père et d'une mère".
Quant au second il avait évoqué, en 1998, "le droit naturel" pour justifier son opposition "à l'adoption (...) dans le cadre de couples homosexuels". Et le Canard Enchaîné de rappeler cette phrase prononcée par Jacques Barrot : "Mon combat contre le pacs est une bataille pour l'enfant". Un thème très largement repris par les antis-mariage gay.
Il faut également se souvenir des paroles de Nicolas Sarkozy citées dans le magazine de droite "Valeurs Actuelles", en pleine affaire sur la traçabilité de la viande de cheval : " La traçabilité des enfants, qu'est-ce qu'pn en fait ? C'est tout de même plus important. Avec leur mariage pour tous, la PMA, la GPA, bientôt ils vons se mettre à quatre pour avoir un enfant."
De plus le journal l'Express nous révèle que l'ex-président a rencontré le 21 janvier, en toute discrétion, dans ses bureaux parisiens de la rue de Miromesnil, la figure de proue des opposants au projet gouvernemental, Frigide Barjot, accompagnée de plusieurs figures du mouvement, comme Laurence Tcheng, Xavier Bongibault ou Albéric Dumont. Celui-ci a félicité ses interlocuteurs pour leur action.
Alors la question est : Nicolas Sarkozy ne s'est-il pas disqualifié pour siéger au Conseil Constitutionnel pour statuer sur le recours déposé par l'UMP et l'UDI contre le loi "le mariage pour tous" votée par le parlement ?
Pour ma part son impartialité est particulièrement mise en cause sur ce sujet !
Le Conseil Constitutionnel c'est quoi ? un organe politique ?
Le Conseil constitutionnel est une institution française créée par la Constitution de la Cinquième République du 4 octobre 1958. Il veille à la régularité des élections nationales et référendums. Il se prononce sur la conformité à la Constitution des lois et de certains règlements dont il est saisi. Il intervient également dans certaines circonstances de la vie parlementaire et publique.
Le Conseil constitutionnel peut être saisi par le Président de la République, le Premier ministre ou le président de l'Assemblée nationale ou du Sénat. Depuis 1974, il peut aussi être saisi par 60 sénateurs ou 60 députés (article 61 de la Constitution). Ce qui est le cas pour la loi sur le "mariage pour tous".
Nomination des membres du Conseil Constitutionnel
Actuellement sur les douze membres qui siègent au Conseil Constitutionnel neuf membres sont issus de la droite ou ont été nommés par des personnalités politiques de droite.
De fait, selon l'article 56 de la Constitution, ses membres sont nommés par le président de la République, le président de l'Assemblée nationale et par le président du Sénat. A noter que sont aussi membres de droit les anciens présidents de la République Valéry Giscard d'Estaing, Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac, ce dernier ne siégeant plus actuellement.
Voici ci-dessous les noms des 11 sages du Conseil Constitutionnel siégeant à ce jour :
Trois membres de droit :
— Valéry Giscard d'Estaing
— Jacques Chirac ( ne siège plus)
— Nicolas Sarkozy
Trois membres de droite nommés jusqu’en 2016 :
– Jean-Louis Debré, président du Conseil constitutionnel, nommé par le président de la République, Nicolas Sarkozy, en février 2007 (principales fonctions : député, mars 1986-mai 1995 ; ministre de l’Intérieur, mai 1995-juin 1997 ; député, président de l’Assemblée nationale, juin 2002-févr. 2007).
– Renaud Denoix de Saint Marc, ancien vice-président du Conseil d’État, nommé par le président du Sénat, Christian Poncelet, en février 2007.
– Guy Canivet, ancien Premier président de la Cour de cassation, nommé par le président de l’Assemblée nationale, Jean-Louis Debré, en février 2007.
Trois membres de droite (même Charasse !) nommés jusqu’en 2019
– Michel Charasse (ancien sénateur, ancien ministre socialiste qui a viré sa cuti en s'affichant avec l'ex-président de la République lors de sa campagne présidentielle en 2007 et exclu du Parti socialiste en 2008 pour avoir soutenu un candidat dissident à la présidence du Consel général du Puy-de-Dôme) nommé par Nicolas Sarkozy en 2010.
– Hubert Haenel (ancien magistrat, ancien sénateur), nommé par le président du Sénat, Gérard Larcher, en février 2010.
– Jacques Barrot (ancien ministre, ancien vice-président de la Commission européenne), nommé par le président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer, en février 2010.
Trois membres dont deux de gauche et une indépendante nommés jusqu’en 2022 (enfin un début de parité homme-femme et de la diversité politique !)
– Nicole Maestracci (magistrate), nommée par le président de la République François Hollande, et qui remplace Pierre Steinmetz.
– Nicole Belloubet (professeur des Universités, agrégée de droit public), nommée par le président du Sénat, Jean-Pierre Bel, et qui remplace Jacqueline de Guillenchmidt.
– Claire Bazy Malaurie (ancienne présidente de chambre à la Cour des comptes), nommée par le président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, en août 2010 en remplacement de Jean-Louis Pezant décédé. Son mandat de remplacement n’excédant pas trois ans, elle vient d’être nommée membre titulaire par le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, en février 2013.
Ce mode de désignation des membres du Conseil constitutionnel a souvent été critiqué, car il permet de prêter à certains, pour ne pas dire à tous, sinon un engagement de façade, au moins une sensibilité pour un courant politique ou un autre. Particulièrement lorsque l'un des membres du Conseil exerce ou a exercé une activité politique avant son mandat. Même si un garde-fou a été intégré en 2008 avec la validation des nominations par une commission parlementaire.
Cependant le Conseil constitutionnel n'est pas censé être un organe politique, mais le simple garant du respect de la Constitution et de son Préambule. "Un chien de garde de l'exécutif", selon les termes employés par Michel Debré, le père de la Ve République.
Il est en tout cas censé rendre ses décisions de manière impartiale mais peut-il l'être concernant le recours contre le texte "mariage pour tous" déposé par les élus de l'UMP et de l'UDI sous la forme de deux mémoires remplis de griefs.
Le président du Conseil constitutionnel Jean-Louis Debré évoquait en janvier une probable décision favorable de l'institution garante de la Constitution. Sur le plateau du Grand journal de Canal+, il a rappelé la décision du Conseil en janvier 2011 qui renvoyait la balle au législateur.
"C'est donc aux élus de la Nation de dire quelle forme ils veulent donner au mariage, (...) c'est de leur responsabilité", a expliqué Jean-Louis Debré. "Ce n'est pas de la compétence du Conseil constitutionnel et c'est la même jurisprudence que celle appliquée en 1975", a-t-il précisé. En 1975, le Conseil constitutionnel avait validé la loi légalisant l'interruption volontaire de grossesse.
La problématique actuelle est de savoir comment un organe dont le processus de nomination est hautement politisé, peut se rendre gardien de la Constitution et garantir aux citoyens et aux pouvoirs publics l’impartialité de ses décisions.
Par exemple la nomination peut parfois revêtir un aspect de récompense personnelle et politique, De plus un chevauchement entre les fonctions consultatives et les fonctions électives est tout aussi envisageable pour les membres ayant exercé des mandats politiques antérieurement. Pour illustrer cette difficulté, prenons le cas de figure du membre du Conseil qui a été député, et qui comme député, a voté en faveur d’une loi, quelle est son impartialité ?
Je me pose cette question : un Conseil constitutionnel de droite est-il enclin à censurer une disposition figurant dans une loi déposée par un gouvernement du même bord ?
Je dirais que non, car comment expliquer que sur 150 questions prioritaires de constitutionnalité examinées, pourtant renvoyées devant le Conseil constitutionnel par la Cour de cassation ou le Conseil d'Etat à raison de leur caractère jugé "sérieux" sous une législature de droite, seules 22 ont été déclarés non-conformes à la Constitution en totalité, et 11 non-conformes partiellement ?
Alors attendons la réponse des Sages de la Rue Montpensier concernant la saisine des députés et sénateurs UMP et UDI sur le projet de loi sur le mariage homosexuel. Ils ont trente jours pour rendre leur avis. Dans un contexte politique tendu, ils pourraient cependant se prononcer plus tôt. Si le gouvernement demande l'urgence, ce délai peut être ramené à une semaine
Ce vendredi 26 avril le site "Le Lab E1" nous révèle que selon un confidentiel du "Figaro" (lien payant), la décision des Sages pourrait intervenir le 16 mai.
Sources : L'Express, Le Nouvel Obs, Le Figaro, Conseil Constitutionnel, Conseil Constitutionnel, Le Lab E1,
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