Pour un premier tour au suffrage pondéré
64,5 % des électeurs qui ont voté le 21 avril 2002, c’est-à-dire près de deux votants sur trois, n’ont pas retrouvé leur candidat préféré au deuxième tour, soit qu’ils n’avaient pas de préféré, ayant voté blanc ou nul, soit que leur préféré se trouvait parmi les 14 qui n’ont pas été retenus.
Cette immense majorité de Français s’est ainsi retrouvée au deuxième tour acculée à un choix qui lui a été imposé par deux minorités, représentant ensemble (35,5 %) à peine plus de sa moitié à elle (64,5 %) !
Or personne ne semble s’être posé la question (il existe pourtant des organisations dont l’objet déclaré est d’étudier la répartition des opinions publiques) de savoir si parmi cette très large majorité, a priori très dispersée, il ne se trouvait pas un grand nombre d’électeurs, et pourquoi pas une majorité, qui aurait préféré retrouver au second tour, et même carrément élu, l’un de ces 14 exclus.
En effet, ce n’est pas parce que telle électrice préfère Mr Mamère, que tel électeur préfère Mme Lepage, que telle autre électrice préfère Mr Chevènement, qu’ils n’auraient pas, tous les trois, à défaut de leurs favoris, aimé voir figurer au deuxième tour Mr Bayrou et Mme Taubira, par exemple, à la place de MM. Chirac et Le Pen.
Le scrutin actuel ne permet absolument pas d’indiquer quel est son candidat préféré en second ni davantage celui que l’on n’aimerait surtout pas voir au second tour.
Or il est manifeste qu’en 2002, le préféré d’une minorité s’est retrouvé au second tour alors qu’il était aussi le plus rejeté d’une immense majorité, que ce n’est pas s’avancer que de dire que nombreux parmi les 14 exclus à l’issue du premier tour auraient obtenu un meilleur score face à Jacques Chirac que celui obtenu par Jean-Marie Le Pen ; de même qu’il s’en serait aussi probablement trouvé, toujours parmi ces 14, qui, face à Jean-Marie Le Pen, auraient fait mieux que les 82,5 % de Mr Chirac.
Eh bien ceux-là étaient plus fondés, au sens de la démocratie, c’est-à-dire, de l’expression du choix du peuple, à figurer au second tour que ceux qui y ont effectivement figuré.
Les choses ne sont pas toutes blanches ou toutes noires, toutes droites ou toutes gauches, toutes bonnes ou toutes mauvaises. En chaque chose, il convient de prendre le meilleur.
Parmi les électeurs qui votent blanc, il s’en trouve certainement qui ne voteraient pas blanc, s’ils pouvaient répartir à égalité leur suffrage sur deux voire trois candidats au lieu de ne devoir en choisir qu’un.
Chaque électeur doit pouvoir dire, non seulement celui qu’il préfère, mais aussi ceux qu’il préfère un peu moins, et celui ou ceux qu’il n’apprécie pas du tout.
En pratique, cela s’appelle le vote pondéré. Le vote pondéré existait déjà il y a deux mille ans pour élire le sénat romain. Les français Condorcet et Borda ont également réfléchi à la question à l’époque où la France est sortie de la torpeur du pouvoir verrouillé et confisqué par des privilégiés, de la pensée unique assénée d’en haut, vers les années 1780... D’autres pays comme l’Australie le pratiquent de nos jours.
Remarque : le concours Eurovision de la chanson fonctionne par points.
Chaque électeur dispose d’un nombre de points positifs (par exemple 12) qu’il distribue aux candidats qu’il préfère (sans par exemple pouvoir en donner plus de 9 au même) et d’un nombre de points négatifs (par exemple également 12) qu’il distribue aux candidats dont il ne veut surtout pas (sans pouvoir par exemple en attribuer plus de 6 au même).
L’électeur n’est pas non plus obligé de distribuer tous ses points :
- s’il n’apprécie que moyennement un candidat et aucun autre, il peut lui donner 3 ou 4 ou 5 points et aucun aux autres ;
- s’il apprécie trois candidats à parts égales, au lieu de voter nul, il donne quatre points à chacun ;
- si personne ne lui convient mais qu’il ne veut surtout pas de celui-là, il lui attribue 6 points négatifs et c’est tout.
Il est également vrai que les machines à voter qui vont être installées dans certaines communes pour l’actuel et simpliste mode de scrutin ne garantissent pas qu’il n’y aura pas de fraude, rien n’interdisant en effet à un concepteur de logiciel de lui faire faire ce qu’il veut. En somme de l’actuelle installation des machines à voter on ne va gagner que des inconvénients : le risque de fraude, la fin de la transparence de l’urne, sans gagner la finesse du vote.
Pourtant, le vote pourrait être assisté de machines à voter tout en étant infalsifiable et en permettant le vote pondéré :
Il suffit pour cela de conserver la trace matérielle du vote en installant deux types de machines :
- le premier type de machine est une machine qui fabrique le bulletin en fonction des choix de l’électeur et le lui imprime ;
- le deuxième type de machine est une machine qui lie automatiquement le bulletin imprimé par l’autre machine.
Le bulletin comportera en clair les noms et les points attribués à chaque candidat pour que l’électeur puisse vérifier que ce qu’il met dans l’urne correspond bien à ses choix. Il comportera par ailleurs un code-barre résumant le vote. C’est ce code-barre qui sera relu par la machine de dépouillement (de la même manière que des bornes permettent de vérifier les prix dans les supermarchés).
Le dépouillement est donc simple et rapide, plus rapide que les dépouillements actuels et la garantie qu’il n’y a pas de fraude est assurée en continuant de dépouiller en public : le résultat de chaque lecture de code-barre pouvant être affiché sur écran, visible du public spectateur du dépouillement.
De surcroît, n’importe quel ordinateur est a priori utilisable pour la fabrication du bulletin. On peut même envisager que l’électeur puisse, chez lui, avant le vote, préparer son bulletin.
Les habitués du regard par le petit bout de la lorgnette économique seront eux aussi contentés :
- terminé les bulletins nominatifs imprimés à l’avance, en nombre, pour chaque candidat, et dont la plupart demeurent inutilisés ;
- n’importe quel ordinateur pouvant être utilisé comme machine à voter, peu d’investissement nécessaire.
Même si pour l’instant la non-représentativité de l’échantillon est recevable, il n’en demeure pas moins que l’on peut d’ores et déjà formuler les remarques suivantes :
- certains candidats qui semblent recueillir de nombreux suffrages dans les sondages selon le mode de scrutin légal, recueillent en effet de nombreux points positifs dans le mode de scrutin pondéré mais ils recueillent davantage encore de points négatifs (bien que chaque électeur puisse accorder jusqu’à 9 points positifs au même, alors qu’il ne peut accorder que 6 points négatifs à quelqu’un qu’il n’aime pas) ;
- les extrémistes sont renvoyés au fond du classement, accumulant beaucoup plus de points négatifs qu’ils ne recueillent de points positifs ;
- seulement la moitié des internautes ayant participé ont accordé 9, 8 ou 7 points à un candidat, cela devrait faire réfléchir...
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