Histoire du Jésus de Jean-Baptiste
La guérison du démoniaque de Gérasa
Sur la mer de Galilée, il s'est levé une grande tempête de vent ; les vagues se précipitent jusque dans les barques. Et alors il s'est levé, et il a crié à l'encontre du vent, et il a dit à la mer tais-toi, et alors il s'est arrêté, le vent, et il y a eu un grand calme (Mc 4, 37-39). Puis, ils sont arrivés à l'autre côté de la mer, au pays des Géraséniens (Mc 5, 1).
Gérasa était alors la capitale de la Décapole. Luc préfère Gadara. A l'arrivée des Romains, en 63 avant J.C., cette région, de culture grecque, avait été rattachée à la province romaine de Syrie après avoir souffert de la rivalité entre les Juifs de Galilée et les Nabatéens de Pétra. En toute logique, on pourrait penser que les disciples de Jésus ont débarqué en armes. J'en ai longuement discuté avec Antenor dans les commentaires de mon dernier article. Nous avons été très surpris. L'évangéliste ne laisse planer aucun doute. Il semble bien que Jésus soit venu au-devant de la population, armé de la seule parole de Dieu.
Cette Parole, Claude Tresmontant préfère "le parler", Luc Ferry pense à tort qu'il s'agit du logos grec, cette Parole, dis-je, cette Parole de Dieu selon l'évangéliste, est descendue dans le monde, dans la chair du monde, dans le prologue de l'évangile de Jean. Les exégètes voient dans cet évangile le dernier alors qu'il s'agit en réalité du premier. Il s'ensuit qu'ils s'installent dans une logique où il s'agit de prouver une situation qui n'a pas existé et qui, à force de réflexions, peut donner l'illusion de la vérité tout en leur donnant l'impression qu'ils sont sur la bonne voie.
Flavius Josèphe, l'historien juif contemporain, nous a dressé un tableau saisissant de la société juive de cette époque, une société qui vivait dans l'attente de la venue imminente de la fin des temps et d'un christ du ciel qui jugerait les vivants et les morts. Il semble qu'en l'an 30, la situation était relativement calme. Mais quand Néron vint, 24 ans plus tard, le pays se couvrit de croix. Les brigands étaient devenus innombrables. Des charlatans, qui se disaient inspirés par Dieu, prêchaient dans le désert et des foules les suivaient. Un faux prophète égyptien avait même amené 30 000 naïfs sur le mont des Oliviers ; il s'apprêtait à forcer les portes de Jérusalem. Bref, partout, des brigands, des charlatans agitaient les populations dans le plus grand désordre. La Judée était remplie de leur folie. Les maisons brûlaient. On enlevait aux riches leurs biens et on les mettait à mort. Le pillage était de règle. (extraits de la Guerre des juifs, II, XIII, 4 -6).
Il faudrait donc en déduire que l’évangile de Jean, de Jean-Baptiste, veut relancer le mouvement, voire le ressusciter, mais en faisant venir de Nazareth le nouveau conseil de Dieu. Il n'y a pas lieu de s'en étonner car Nazareth, c'est un autre nom pour désigner Séphoris, la capitale ancestrale de la Galilée (mon Histoire du Christ, tome I, livre II).
Jésus avait des parents et des frères (Mc 3, 31). Je connais assez bien la science généalogique pour l'avoir pratiquée ; voilà ce que j'ai trouvé dans les documents que j'ai consultés. Le père serait Joseph, la maison de Joseph, père des tribus d’Ephraïm et de Manassé. Ces tribus, et donc cette maison, occupaient la partie la plus importante du royaume du Nord. Sa mère serait Marie. D'après mes autres travaux de recherche, c'est le nom de la vieille population juive de la cité nazaréenne, comme l’était celle de Magdala, Marie de Magdala, comme l’était celle de Bibracte, la Marie représentée dans les fresques de Gourdon, comme l’était Marie, la sœur de Marthe et de Lazare.
Quant à ses frères, j'ai pu identifier Jude et Jacques. Ils sont les auteurs d'épitres. Dès lors que la communauté scientifique commence à admettre que Jean-Baptiste ait pu être un essénien - il a fallu le temps - il faut aussi le penser pour Jacques et Jude. Sachant que ces esséniens vivaient en petites communautés selon Flavius Josèphe, je vois mal des individus s'exprimer en leur nom propre d'autant plus qu'ils faisaient tout en commun. Cela nécessitait forcément l'existence d'un conseil à tous les échelons. Jude et Jacques, auteurs d'épitres, étaient probablement des conseils même s'ils ont pu être également le nom des prêtres qui les présidaient. Il est vrai que Flavius Josèphe présente Jean-Baptiste comme un individu. Il est vrai que Paul l'est aussi.
Tels sont les résultats de mes recherches généalogiques à partir desquelles le croyant peut s'orienter vers plusieurs hypothèses : Jésus est le nom d'un conseil, c'est un membre émminent d'un conseil, il n'est présent dans le conseil qu'en esprit etc... enfin, il est toujours possible qu'il vienne. Pour ma part, je ne vois pas le problème vu que l'esprit de Jésus anime encore l'Église d'aujourd'hui.
Ce Jean-Baptiste, qui était-il donc ?
Chance extraordinaire, Flavius Josèphe en a parlé. Il le présente comme un homme d'une grande piété et il va même jusqu'à écrire ceci : parce qu'une grande quantité d'hommes du peuple le suivait pour écouter sa doctrine, Hérode (Antipas) craignit que cela ne conduise à quelque sédition. Il lui parût que ces hommes du peuple auraient entrepris tout ce qu'il leur commanderait. Aussi le fit-il emprisonner à Macheronte puis mettre à mort. (Antiquités judaïques, XVIII, V, 2).
L'évangile de Jean ne mentionne pas l'affaire car c'est l'évangile, selon moi, que Jean-Baptiste prêchait vers l'an 30. Il ne s'attendait pas, à ce moment-là, au sort que lui réservait Hérode.
En revanche, c'est le scoop de l'évangile que Marc a écrit vers l'an 34. L'ambitieuse asmonéenne Hérodiade végétait à Jérusalem dans un mariage avec un Hérode sans avenir, fils d'Hérode le Grand. Lorsque le tétrarque Philippe de Trachonidite, autre fils d'Hérode le Grand, mourut sans descendance, le tétrarque voisin, Hérode Antipas, autre fils, se rendit à Rome pour essayer de récupérer l'héritage. C'est en faisant étape à Jérusalem qu'Hérodiade en profita pour se faire promettre le mariage bien que tous deux fussent déjà mariés. C'est à son retour que Jean-Baptiste porta publiquement son accusation : "tu n'as pas le droit d'épouser la femme de ton frère ! "
Lors d'un grand festin auquel Antipas avait invité les notables de Galilée (grand festin = réunion d'un grand conseil), la fille d'Hérodiade dansa (danse = marchandage politique). Or la danse était probablement convaincante et si belle qu'Antipas lui promit tout ce qu'elle demanderait, fut-ce la moitié de son royaume (cette moitié, c'est bien évidemment la Galilée). Hérodiade conseilla à sa fille de demander plutôt la tête de Jean-Baptiste. On la lui apporta sur un plat probablement d'argent. (Mc 6, 17-28). Sauf erreur de ma part, je trouve cette fille un peu stupide. Hérodiade lui aurait-elle promis en échange ses biens héréditaires ? Débarrassée de son juge baptiste, son népotisme va pourtant perdre l'ambitieuse intrigante. Ayant fait attribuer à son frère Agrippa fortement endetté une charge bidon rénumératrice, ce frère va pourtant la trahir. Bel exemple d'une ingratitude politique qui n'a rien à envier à celles d'aujourd'hui.
Dans son évangile de l'an 38, Luc relate l'histoire. Il y avait dans une ville (Rome) un juge (Caligula, empereur de l'an 37 à l'an 41), qui ne craignait ni Dieu ni les hommes. Une veuve (la maison d'Agrippa) vint auprès de ce juge et lui dit : « Venge-moi de mon ennemi ! » (Hérode Antipas). Longtemps, le juge hésita. Antipas s'étant rendu à Rome pour demander une couronne royale, Agrippa l'y suivit et formula contre lui de graves accusations. Cédant à son insistance, Caligula exila Hérode Antipas en Gaule en l'an 39, et il donna les deux tétrarchies au roi Agrippa (Antiquités judaïques, XVIII, VII, 2).
Dans l'évangile de Mathieu, vers l'an 48, il ne faut donc pas s'étonner si on retrouve ce miracle transposé et corrigé. Dans la transposition évangélique, ce n'est plus Pierre, c'est Jésus qui est dans Pierre qui agit. Mais attention ! que ceux qui ont des oreilles pour entendre les ouvrent bien grandes : Jésus n'entre pas dans la maison du païen et il ne s’agit plus d’un centenier mais d’un centurion (centurion = centurions avec un s). « Seigneur, lui dit le centurion, je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit. » En effet, comme le centenier ne renonce pas à son allégeance à la déesse Rome, Jésus ne peut pas “théologiquement” le guérir ; il ne peut guérir que son serviteur (Mt 8, 5-13).
Flavius Josèphe donne une autre version. Après avoir fait l'éloge de la douceur du roi Agrippa, il écrit qu'un docteur de la Loi, nommé Simon, eut l'audace de l'accuser publiquement dans Jérusalem d'être un pécheur à qui l'on devait refuser l'entrée du temple parce qu'elle ne doit être permise qu'aux personnes chastes. Le gouverneur de la ville lui en ayant donné avis, il lui manda de lui envoyer cet homme et il le rencontra lors qu'il arriva à Césarée que ce prince était au théâtre. Il lui commanda de s'asseoir auprès de lui et lui dit d'une voix douce et sans s'émouvoir : dites-moi, je vous prie, quels sont les vices dont vous m'accusez ? Cet homme fut si couvert de confusion que ne sachant que répondre, il le pria de lui pardonner, et il lui pardonna à l'heure même en disant que les rois doivent préférer la clémence à la rigueur et il renvoya Simon avec des présents. (Antiquités judaïques, XIX, VII, 4)
Qu'on ne s'étonne pas de cette version toute à l'avantage d'Agrippa ; l'historien pharisien Flavius Josèphe, tout dévoué au pouvoir, a donné à Simon/Pierre le mauvais rôle.
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