C’est le plus
souvent une question de taille d’exploitation (plus de travail et
donc de main d’œuvre pour éviter le glyphosate par ailleurs en
nette diminution chez ceux qui le conservent) et de choix personnel
(le tout bio). Cela dit, la course vers des exploitations de plus en
plus importantes qui exigeront des équipements en conséquence et
donc échapperont au mains des agriculteurs pour tomber dans celles
des financiers est-elle une fatalité ? La
comparaison avec une agriculture à taille humaine génératrice
d’emploi, qui génère moins de frais vétérinaires et d’intrants,
tient la route.
Oui, cela
rappelle une des dernières visites de François Hollande au salon de
l’agriculture où il avait repris publiquement le slogan/élément
de langage de la FNSEA : « l’agriculture française doit
nourrir la planète » . Planète qui n’en demande pas tant.
Certes,
Paris ne s’est pas fait en un jour et je n’entends opposer
nullement le principe de réalité à la finalité poursuivie. Mais
lorsque l’on constate que outre la grande distribution, les
bénéficiaires de l’agriculture industrielle sont les fabricants
de matériel agricole (toujours plus gros), les entreprises chimiques
(toujours plus de pesticides) et les banques, on peut légitimement
émettre un doute sur l’orientation poursuivie avec tant de
constance et souhaiter une évolution assez rapide
Pour
être clair, prenons un exemple concret et évocateur. Dernièrement,
dans la Dépêche du midi, un producteur de fraises d’Occitanie
voulait que sa profession puisse les proposer dès le mois de mars et
réclamait des aides financières pour pouvoir lutter efficacement
contre la concurrence tarifaire des fraises produites hors-sol aux
Pays Bas ou grâce au climat sous d’immenses serres en Espagne
(avec néanmoins l’appui de nombreuses substances chimiques).
Problème
ces fraises n’ont aucun goût, et quasiment pas de valeur
nutritive* (vous me direz, des fraises…) et pour les produire en
France, même dans le Sud-Ouest, il faudrait des serres chauffées et
l’apport de quelques stimulants…
Donc
utiliser de l’argent public pour produire des fruits de mauvaise
qualité (j’ai pensé fortement à un autre terme) c’est
typiquement la fausse solution régulièrement empruntée depuis tant
d’années aussi bien par 90 % des agriculteurs que par les
différents ministères de l’Agriculture.
Alors
qu’un ami, céréalier, a abandonné dégoûté par tout ce qu’il
déversait dans ses champs, j’ai entendu un jeune en formation,fils
d’agriculteur, me débiter in extenso l’argumentaire du syndicat
majoritaire… C’est tout un système qui est à reprendre à la
base en se rappelant que naguère les coopératives et autres
regroupements ont été crées et gérés par les agriculteurs avant
de leur échapper happés par la finance.
Mon
sentiment est que les demi-mesures ne sont plus de mise et qu’un
ravalement radical, de la cave au grenier s’impose !
* Selon une
étude menée par des chercheurs américains, canadiens, britanniques
que vous devez
connaître, les
fruits et légumes que nous consommons aujourd’hui ont perdu
énormément de
leur valeur nutritive (chute
de 75%) ces cinquante
dernières années.Pour
retrouver l’apport en valeur nutritive d’une pomme comme en 1950,
il en faudrait 100 aujourd’hui. Pour les oranges, par
exemple, il en faudrait 21 de nos jours pour retrouver la même
quantité de vitamines C qu’en 1950.
Rien
que l’illustration pose problème : le labour profond qui
enfouit la couche fertile et l’engin puissant qui compacte la terre
en surface, tout cela n’a rien d’écologique.
Alors
opposer les aspirations écologiques forcément « bobos »
et la fuite en avant technologique basée sur des avancées
scientifiques, c’est ce qu’on toujours fait les différents
gouvernements influencés par la FNSEA. Avec les résultats que l’on
voit en termes de destruction d’emplois et d’exploitations. Une
agriculture pas si raisonnable et encore moins raisonnée.
J’entends
bien l’argument de l’augmentation continue de la population
mondiale, mais l’agriculture française a-t-elle pour unique but de
« nourrir le monde » au détriment des ses exploitants et
de la qualité intrinsèque de ses produits ?