On
pouvait s’attendre à une nouvelle version de « Embrassons-nous,
Folleville ! », ce classique du vaudeville qui
consiste à réconcilier les contraires. La Cfdt surjouant le
« retenez-moi ou je vaisfaire un malheur »
et le gouvernement accordant de menues concessions immédiatement
qualifiées de « substantielles » pour la ramener dans le
jeu.
Mais
c’est à un passage en force Thatcherien qu’il convient de
s’attendre, un coup de force idéologique pour imposer une
conversion néo-libérale progressive (et sûrement pas progressiste)
de l’ensemble de notre système de protection sociale hérité du
Conseil National de la Résistance (invoqué sans pudeur par ce
gouvernement pour promouvoir l’inverse).
Alors
que l’année 2019 vient de battre un nouveau record de distribution
de dividendes (60 milliards quand même !), on s’apprête à
déporter le poids des dépenses des retraites publiques sur les
salariés privés sans statut (ces gens qui ne sont rien), promis à
l’ubérisation et aux retraites croupions.
Vendre
à l’encan nos biens publics et favoriser la privatisation rampante
de secteurs économiques entiers auparavant arbitré par la puissance
publique, étatiser les dettes et privatiser les profits asusual, telle est l’obsession
de ce gouvernement qui devrait faire sienne la profession de foi de
Sibeth Ndiaye : délibérément assumer de mentir pour
promouvoir sa contre-réforme…
Pour
Albert Camus le Mythe de Sisyphe débouchait sur l’Homme révolté
face à l’absurdité du monde qu’on lui propose : une
position ô combien contemporaine !
« A
rebours des annonces et des engagements des gouvernements successifs
depuis une décennie, le recours aux pesticides poursuit,
inexorablement, sa croissance. Les derniers chiffres du ministère de
l’agriculture, publiés mardi 7 janvier, indiquent que le
nombre de doses unités (NODU) de pesticides – indice de
l’intensité du recours à ces produits – utilisées en France
en 2018 a crû de 24 % par rapport à 2017 »
Extrait
d’un article du monde du 7 janvier (L’utilisation des
pesticides a augmenté de 24 % cette année-là par rapport à
2017, et de 25 % en une décennie)
Et
pourtant, si vous interrogez les agriculteurs de votre entourage, ils
risquent tous de vous dire que l’on en utilise de moins en moins et
de façon quasi scientifique (fable de l’agriculture raisonnée).
Le
changement de modèle (importé des Etats Unis après guerre)
s’impose, encore faut-il avoir la volonté de s’y engager.
« Que sont
les produits phytosanitaires ? Des médicaments
de culture qui sont utilisés uniquement en cas de besoin... »
Médicament :
élément de langage (ou de propagande) que j’ai entendu à la TV
dans la bouche d’un responsable FNSEA de l’Ariège… pour
réclamer 0 distance de traitement.
Un mien ami,
céréalier, a préféré jeter l’éponge plutôt que de continuer
à traiter toujours plus. Pour rappel la consommation des pesticides
est en hausse ces dernières années en dépit des objectifs de
réduction du plan Ecophyto et en complète contradiction avec
votre affirmation selon laquelle « les vendeurs de produits
phytosanitaires (poilant) et les Agriculteurs sont conscients
de la demande sociétale puisqu’ils en utilisent le moins possible
avec des doses réduites ».
Un exemple
couramment cité : en agriculture industrielle, une pomme subit
en moyenne 35 traitements phytosanitaires : herbicides,
insecticides, fongicides… une demande sociétale, vraiment ?
Ne pensez-vous pas
que si l’on ne trouvait pas les mêmes personnes à la Chambre
d’Agriculture, au conseil d’administration des caisses régionales
du Crédit Agricole, à la Safer, à la tête du complexe
agro-alimentaire et dans l’antichambre du Ministère de
l’Agriculture, une autre agriculture serait d’ores et déjà
possible, plus responsable et moins polluante (quid de la
contamination des nappes phréatiques lorsque l’on sait que l’eau
est une ressource en tension ) ?
A se chercher trop
d’ennemis, on se refuse à regarder la réalité en face.
Encore
un plaidoyer pour un président qui ne manque pourtant pas de
services de propagande dédiés.
J’ai
relevé comme vous qu’une
fois de plus le locuteur
virtuose s’étaitplanté :
2020 ne constitue pas plus le début d’une nouvelle décennie que
la Guyane n’est devenue une île ! Derrière l’aisance
lexicale et dialectique du bonimenteur se révèle l’absence de
structure/fond du leader du
mouvement hétéroclite
LREM :
on comprend mieux pourquoi il s’est fait recaler par deux fois à
l’épreuve écrite d’entrée à Normale Sup !
Loin d’être anecdotique, c’est un indice supplémentaire de la
vacuité du discours de la réforme qui dévoile de bien grossières
coutures. Pour n’importe quel esprit rationnel un projet si mal
engagé et fort improprement justifié devrait être sur le champ
abandonné !
Permettez moi une dernière remarque, fils de résistant j’éprouve
un profond dégoût à voir ainsi invoqué les mânes du Conseil
National de la Résistance pour ondoyer un projet qui lui tourne
résolument le dos. Imposture quand tu nous tient. En même temps...
Puisque l’on en
est à la période des vœux, souhaitons la fin du salmigondis « en
même temps ».
A force d’employer
une novlangue orwellienne qui fait dire aux mots l’inverse de leur
signification, et des éléments de langage censés masquer le vide
intersidéral des constructions conceptuelles en trompe l’œil, il
apparaît à tous que le roi est nu !
Il est de bon ton
dans les media néolibéraux (ils se reconnaîtront) de déplorer le
pessimisme des français, leur esprit réfractaire à toute réforme
(combien de réformes des retraites ou de réformes de
l’enseignement ?), et leur déficit de confiance.
A contrario, ne
pourrait-on pas se féliciter de la persistance du bon sens
populaire : lorsque chaque réforme des retraites a signifié un
recul des retraites versées (quand elles n’ont pas été gelées
ou désindexées pour tout ou partie, au mépris de l’esprit de la
loi), vendre cette nouvelle mouture comme plus juste et comme plus
favorable, c’est tout bonnement prendre les français pour des
imbéciles.
A la référence
Michel Crozier, je préfère dans les années 70, celle du Club de
Rome qui avait théorisé les limites de la croissance, ou celle de
Jean Fourastié, économiste de droite bon teint, qui envisageait que
l’accélération du progrès technique réduirait le temps de
travail (1200 heures annuelles) et dégagerait du temps libre
présageant une société de loisirs. Dans ses « Essais de
morale prospective » il concluait toutefois qu’il était
probable que ces marges de productivité seraient probablement
confisquées par la classe dirigeante à laquelle il appartenait
donnant ainsi raison par avance à Warren Buffet (« il y a une
guerre des classes, c’est un fait, mais c’est ma classe, la classe
des riches, qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la
gagner »).
Or une autre
répartition des fruits du travail est possible (l’augmentation du
nombre de millionnaires en France, la croissance exponentielle des
dividendes versés au détriment de l’investissement et des
salaires, et à l’opposé l’accroissement continu du taux de
pauvreté, cela a de quoi interpeller).
Pour le coup, en
voilà un véritable changement qu’il serait disruptif (comme ils
disent !). Car franchement jouer au bonneteau, en prenant ici,
redistribuant là tout en cherchant à opposer les uns aux autres
pour agir librement en coulisses alors qu’il n’y a pas réellement
création de richesses, je ne trouve pas qu’il y ait lieu de
s’esbaudir de l’habilité de l’esbroufe.
Foin d’une
consultation populaire qui sera de toute façon détournée comme le
fut le grand débat, mais un authentique virage vers une transition
écologique assumée (et créatrice de véritables emplois), voilà
qui aurait de la gueule !