JL : Le principe du rasoir d’Occam est bien-sûr, comme tout principe, une idéologie, car il oriente la manière de penser.
J’ai montré qu’il était logiquement nécessaire de poser un principe d’incomplétude pour tout jeu de principes, puisque tout jeu de principes fut induit de cas particuliers : ce principe d’incomplétude de nos théorie est ce que j’appelle Dieu. Dieu est donc nécessaire, rasoir d’Occam ou pas. Nos théories sont vraies, à Dieu près.
De plus, puisque ces raisons inconnues, qui ne sont pas contenues dans nos principes théoriques, lesquels furent induits à partir des cas connus dans le monde, il faut donc envisager cette incomplétude comme hors du monde connu.
Aussi faut-il penser Dieu comme hors du monde pour que la logique soit valide.
JL : Vous surinterprétez légèrement ma position. Je n’ai évoqué pour l’instant que la manière dont on peut approcher l’idée de Dieu par la raison, en se frottant à l’analyse d’une infinité de raisons particulières, donc en se cognant aux limites de son intelligence, par prise de conscience de ses limites.
Il y a donc en effet une différence entre faire le bien, comme conçu dans la limite de mon intelligence, et faire le Bien, avec un grand B, absolu, dont la définition exacte serait au-dessus de mes capacités intellectuelles. Seule une intelligence infiniment longue et sans erreur me donnerait la définition exacte du Bien. Mais je crois possible d’approcher d’une définition du Bien, même si cela ne peut être que par une longue réflexion sur le sujet, ce dont je n’ai pas toujours le temps dans le feu de l’action...
Basiquement, pour l’homme, le bien, c’est ce qui l’attire, ce qui provoque son amour. Par exemple, le voleur est attiré par le bien qu’il veut voler. Mais lorsqu’un bien provoque l’attirance de tous, et que ce bien ne peut appartenir à tous, on comprend bien qu’une société où les hommes chercheraient à s’approprier tout ce qu’ils définissent instinctivement comme bien, c’est-à-dire tout ce qu’ils instinctivement désirent, irait au conflit général.
Vous voyez donc, sur cet exemple, une différence entre le bien, tel que défini par l’instinct (une intelligence à courte vue, centrée sur soi et sur le plaisir immédiat), et le bien tel que défini par une intelligence un peu plus longue qui prend en compte l’existence d’autrui.
Autrement dit, même l’amour n’est pas toujours sain : l’amour peut être vicié. Par exemple, le violeur poursuit illégitimement l’objet de son amour : le bien qu’il s’est défini n’est pas juste, sa volonté est déréglée, il veut hors du bien commun.
De même, la haine est-elle toujours malsaine ? Pas nécessairement. La haine est une aversion pour quelque chose. Si quelque chose est vraiment mauvais, je ne vois pas à quel titre il faudrait se forcer de l’aimer... Une haine malsaine serait d’avoir une aversion pour ce qui est Bien, ce serait une haine viciée.
Il y a donc : - la Haine, l’aversion pour le vrai Mal, légitime. - la haine, l’aversion pour le mal tel que l’on se le définit en soi. - la haine viciée, l’aversion pour un vrai Bien, que l’on se définit par erreur en mal, illégitime. - l’Amour, l’attirance pour le vrai Bien, légitime - l’amour, l’attirance pour le bien tel que l’on se définit. - l’amour vicié, l’attirance pour un vrai Mal, que l’on se le définit par erreur en bien, illégitime.
Que la haine puisse être sainte est très bien acceptée par l’église catholique, et de nombreux penseurs se sont penchés sur la question depuis des siècles. Voyez l’article « doctrine de la guerre juste » sur wikipedia. Une haine sainte ne fait pas perdre ses moyens, car elle bénéficie du concours de Dieu, contrairement à une haine viciée, qui n’en bénéficie pas et pousserait à sa propre perte.
Vous critiquez ainsi une chose pour les illusions que vous en avez.
[Pour ce qui est de l’empire américain, en tant que régime protestant, il prône le dogme lutherien « sola scriptura » (par l’écriture seule), un peu comme ce qu’il est en Islam du Coran, mais cela réduit Dieu à un écrit, fixé pour l’éternité, ce qui est illogique au regard de l’approche logique de Dieu que j’ai présentée ici, dont la volonté ne doit justement pas être trop précisément définie, mais à redécouvrir à chaque fois]
Trevise : S’il était possible d’appliquer la même analyse pour rendre raison du Tout et de ses parties, alors la récurrence de la raison n’aurait nul besoin d’être infinie : il suffirait de rendre raison d’une partie pour avoir rendu raison du Tout...
Mais le principe hologrammatique est un voeu pieu, dont il est impossible de s’assurer de la véracité : il faudrait avoir analysé intégralement le Tout et ses parties puis les avoir comparés intégralement... Or c’est impossible.
D’autre part, ce principe ne me semble pas si évident pour un certain nombre de choses. Morin, pour le postuler, s’appuie sur le vivant : le Tout d’une créature semble le reflet de sa partie génomique, l’ADN.
Ici il faut remarquer que Morin a induit ce principe général d’un cas particulier. Mais il reste toutes les autres choses de l’Univers à analyser, la matière inerte, les substances chimiques,..etc. Or, en physique, le principe hologrammatique n’est pas du tout manifeste. Tout au moins, rien dans notre physique actuelle n’y ressemble.
Bref, le principe hologrammatique, n’est pas une récurrence infinie de la raison, il serait le moyen de l’éviter. De plus, c’est un principe dont on ignore s’il est exact.
Si vous souhaitez poser ce principe en axiome, pour rester valide logiquement, il vous faudra donc y ajouter un terme qui contient tout ce qui n’obéit pas à ce principe, ce qui est possible puisque la démonstration de ce principe n’est pas complète, et ce terme logique, c’est Dieu.
Trevize : Pour approcher rationnellement l’idée de Dieu, il faut envisager une récurrence infinie de raisons. Mais l’infini est vertigineux. Donc, en général, les gens posent en axiome les définitions où leur réflexion a abouti, ceci pour leur servir de principes, puis oublie le reste.
Mais il n’en reste pas moins que seule la récurrence infinie des raisons serait vraiment valide. Donc toute théorie logiquement valide ne peut que proposer des principes, les raisons comprises dans la réflexion, plus tout le reste, les raisons incomprises dans la réflexion, c’est-à-dire Dieu.
D’un point de vue logique, c’est celui qui, par erreur, croit possible de tout comprendre qui pense que Dieu n’existe pas. Par contre, c’est celui qui sait pourquoi il ne pourra jamais tout comprendre qui pense que Dieu existe.
Dieu s’invite ainsi occasionnellement dans les périodes de remise en cause de certains principes, au détour d’un petit détail qui cloche.