" En France, Caroline Fourest, journaliste et essayiste, rédactrice en chef de la revue Prochoix, qui avait manifesté son désaccord avec cette votation, a réagi quelques jours plus tard dans les colonnes du Monde,
exprimant sa crainte de voir les mouvances de l’islam intégristes
s’approprier cette décision pour s’en draper dans leurs oripeaux
victimaires coutumiers et, jouant sur cette fibre sensible, recruter de
manière décuplée. "
On ne peut pas lui donner tort, certaines s’en sont d’ores et déjà saisis : l’Iran qui a convoqué l’ambassadeur de Suisse, le gouvernement turc qui demande un boycott de la Suisse, Kadhafi qui l’utilise dans son différent avec la Suisse dont il retient deux ressortissants en otage depuis plus de 500 jours, etc. ...
" Je me demande comment le législateur suisse va faire pour se
débrouiller étant donné que vous nous dites que la votation est
juridiquement d’ordre constitutionnelle : maintenant, la constitution
helvétique est contradictoire entre son article 8 et l’interdiction de
la construction de minarets.
Quelle est l’instance helvétique compétente pour trancher ce conflit de normes constitutionelles ? «
J’ajouterai surtout l’Art. 15 de la Constitution : »Liberté de Conscience et de croyance« ...
Dans un premier temps, les deux Chambres du Parlement devront tenter de légiférer en rédigeant une loi qui respecte la volonté du peuple exprimée ce 29 novembre. Peut-être ni parviendront-elles pas, du fait de ces contradictions constitutionnelles, pour autant que celles-ci soient bien réelles, ce qui reste à démontrer ? Il faudra en effet démontrer que les musulmans sont discriminés dans leurs croyances du fait de leurs impossibilités de construire des minarets. Si les chambres ne parviennent pas à légiférer, elles devront alors proposer de supprimer le nouvel article 72 (interdiction des minarets), celui précisément qui vient d’être approuvé ce 29 novembre ...
Dans l’autre cas de figure, plusieurs possibilités sont ouvertes :
une loi est rédigée mais vu l’aspect passionnel et contestable, elle sera forcément attaquée en sessions parlementaires et sera soumise au peuple par référendum - il s’agirait cette fois d’une loi ! Il est possible que le peuple l’approuve, confirmant ainsi sa décision du 29 novembre. Les opposants pourront alors recourrir devant le Tribunal fédéral (TF) : instance suprême sur le plan juridique en Suisse. Ce sont donc des juristes qui pourraient constater l’inconstitutionnalité de la loi.
Le Tribunal fédéral n’est pas compétent pour intervenir en amont de la procédure législative. Il ne peut pas en conséquence décréter que telle loi est anticonstitutionnelle avant même qu’elle ne soit mise en oeuvre.
Afin d’éviter ce genre d’imbroglio, l’éminent professeur de droit constitutionnel Andreas Auer, suggérait l’instauration d’une Cour constitutionnelle - un échelon supplémentaire, purement juridique et non politique - qui aurait pour tâche de se saisir de l’étude de tout nouvel amendement constitutionnel, avant qu’il ne soit soumis à l’approbation du peuple. Cette Cour constitutionnelle vérifierait la conformité du projet avec la Constitution elle-même, ainsi qu’avec les engagements internationnaux contractés par la Suisse. Mais déjà, certains »intégristes de la démocratie directe" y voient une ingérence dans leurs droits populaires ... Et la création d’une telle Cour constitutionnelle devrait forcément être soumise au peuple ...
" ... savoir si un tel référendum ou votation d’initiative populaire (et je
ne vois pas de différence) était possible et souhaitable en France. «
Différence :
Une »Initiative populaire« permet au peuple de se prononcer sur un projet d’amendement constitutionnel préalablement rédigé par un comité d’initiative émanant de citoyens ordinaires, en dehors du cercle parlementaire proprement dit. Voir les conditions ci-après (extrait de la Constitution) :
» Art. 139 (nouveau)64 Initiative populaire rédigée tendant à la révision partielle de la Constitution 1 100 000 citoyens et citoyennes ayant le droit de vote peuvent, dans un délai de 18 mois à compter de la publication officielle de leur initiative, demander la révision partielle de la Constitution sous la forme d’un projet rédigé. 2 Lorsqu’une initiative populaire ne respecte pas le principe de l’unité de la forme, celui de l’unité de la matière ou les règles impératives du droit international, l’Assemblée fédérale la déclare totalement ou partiellement nulle. 3 L’initiative est soumise au vote du peuple et des cantons. L’Assemblée fédérale en recommande l’acceptation ou le rejet. Elle peut lui opposer un contre-projet. «
Le »Référendum" quant à lui est une sanction du peuple, qui requiert aussi dans certains cas celle des cantons, pour faire approuver un amendement constitutionnel ou une loi. Mais dans ce cas, il s’agit toujours de projets émanant de l’Assemblée fédérale (les deux chambres du Parlement) et non d’un comité de citoyens.
« Comme disait Rousseau (citoyen de Genève, ville qui a voté contre cette prétendue loi) »
Encore une fois, M. Reboul, il ne s’agit pas d’une loi, mais d’un amendement constitutionnel et cette différence est très importante !
Pourquoi est-elle importante ?
En Suisse tout amendement constitutionnel doit impérativement être soumis à l’approbation du peuple, de plus cette approbation requiert la double majorité : celle du peuple et celle des cantons. Elle est donc plus difficile à obtenir ! Alors qu’une loi en revanche n’est pas nécessairement soumise au référendum.