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Commentaire de Walden

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Walden Walden 12 octobre 2007 10:21

@ Alienor smiley

Je n’ai pas vraiment envie de répondre à vos diverses questions qui visent à renverser la perspective, car je ne suis pas certain qu’il y ait équivalence. Et je ne me placerai surtout pas en termes de pour ou de contre !

Concernant la Joconde, néanmoins, je serais éhontément tenté de répondre, oui... mais. Oui, c’est une image plaisante, un baiser rouge sur la bouche ou dans le cou de la Joconde, cela me semblerait du plus bel effet, et propre à renouveler l’oeuvre, à en raviver le mystère intemporel par une note suave de kitsch contemporain smiley Mais certes pas sur l’original, qui est de toutes façons inaccessible (sous verre, si tant est que ce soit bien lui) : car il fait depuis longtemps partie du patrimoine commun de l’humanité. C’est un bien public - ce qui ne le rend pas pour autant sacré ; ainsi lui porter atteinte serait nuire à la communauté entière.

Il n’en va pas de même de « l’oeuvre » d’un contemporain, surtout si elle demeure encore dans le ressort du privé. Il s’agit d’une situation actuelle, et donc discutable. Dans le cas des classiques, l’histoire a fait son choix, et la destruction des Bouddhas de Bamiyan est sans doute un acte haineux inepte dans son atteinte aux traces de la culture antique. Il eut mieux valu un rouge baiser d’amour...

C’est toute l’ambiguité de la situation, et cela ramène à votre dernière question : sur quoi se base mon jugement ? Qui rejoint la très pertinente interrogation de Prosper, qu’est-ce qu’une oeuvre d’art ? Question qui ne se pose encore, à mon sens, que dans l’actualité de la création, et non plus lorsque la culture commune a, par le fait, reconnu l’objet comme oeuvre.

"Philosophiquement, l’art se définit par sa dimension esthétique : il est une création d’œuvres visant à susciter une appréciation esthétique positive, c’est-à-dire à plaire et à toucher la sensibilité par leur seule forme, par leur seule apparence.

[...] L’art est l’expression de l’aspiration à l’absolu de l’homme, de sa connaissance intuitive de l’absolu, de son désir de transcendance, parce qu’il est aspiration et sens du Beau qui est aussi le Bien."

Cette définition - forcément partielle - qui me convient, est piquée sur Wikipédia. Je ne partage en revanche pas du tout l’idée hegelienne de l’art évoquée dans la suite de l’article, qui prétend que : « Le beau artistique est plus élevé que le beau dans la nature [puisqu’il] dégage, des formes illusoires et mensongères de ce monde imparfait et instable, la vérité contenue dans les apparences, pour la doter d’une réalité plus haute créée par l’esprit lui-même. » Ce qui m’apparait comme un parfait contresens : L’art ne pourra jamais atteindre à la perfection de la nature car il est par essence artifice. Il prétend fixer le Beau dans une forme donnée et illusoire, alors que la pure harmonie de la nature réside en son évolution permanente. Or la peinture la plus réussie, la plus magnifique photo où la représentation filmée d’un coucher de soleil ne procurera jamais une émotion aussi vraie que la perception du phénomène lui-même.

J’ajouterais que l’Art ne prend tout son sens que lorsqu’il assume de ne pas simplement représenter, mais d’interpréter. L’Art est la part humaine de l’acte créatif universel. Il est en soi nécessairement pure subjectivité. A ce titre, on pourrait dire que toute création tendant à s’éléver vers le Beau est oeuvre d’art. Mais cela ne fait que déplacer le problème : qu’est-ce que le Beau ? Là encore, la question comporte une part de subjectivité.

Aussi faut-il assumer sa position : mon jugement est tout à fait personnel, c’est pourquoi je reconnaissais d’emblée que j’allais en faire part de manière péremptoire smiley Mais je tenais à exprimer ce point de vue non-conforme à l’ordre bourgeois, pour ne pas lui laisser tenir une fois de plus toute la place qu’il revendique habituellement comme une évidence.

Face à un tableau blanc, je ne ressens rien, et son auteur prétendrait-il avoir exprimé quoique ce soit du registre de l’émotion esthétique ? La demoiselle, elle, en est émue au point de l’embrasser : nos perceptions divergent radicalement. Je trouve son geste, non seulement courageux parce qu’engagé, et risqué (la preuve, ce procès ubuesque), mais de plus créatif, car elle apporte, quel qu’il soit, un sens à ce qui en était dépourvu, puis, je l’espère, une vie esthétique, quoique je n’aie pas eu le privilège de voir le résultat, et ne fais que l’imaginer.

@ Mjolnir, je ne suis pas du tout d’accord avec vous : pour ce que j’en sais, la « criminelle » assume pleinement son acte qu’elle revendique comme un geste d’amour. Elle n’en est pas fière, et alors ? La question n’est pas là : on peut aimer passionnément, et humblement. Lorsque le juge lui pose une question imbécile, elle répond simplement : « non », parce que dire autre chose serait se trahir, renier le sens de son acte pour complaire à la société bien-pensante et s’attirer la clémence du Tribunal en jouant les irresponsables repenties, ce qu’elle ne fait pas.


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