Si l’on veut être plus complet dans la collecte d’informations, il faut aussi lire les articles écrits par des africains et édités sur le Web suite au "discours de Dakar".
Sur Africultures :
http://www.africultures.com/index.asp?menu=affiche_article&no=6784
http://www.africultures.com/index.asp?menu=affiche_article&no=6816
http://www.africultures.com/index.asp?menu=affiche_article&no=6819
Sur le site Sénateurs des Français du monde
Revenons cependant sur un des aspects essentiel de ce discours : la référence, implicitement universelle, au décours de l’Histoire, mue par le progrès et par un temps linéaire.
H. Guaino insiste sur le caractère hors l’Histoire de l’Africain, il s’adresse, en insistant, aux jeunes africains, ni aux intellectuels ni aux paysans, les incitant ainsi à rejoindre le cours de cette Histoire prétendument universelle et, par suite, les invitant à une rupture de la chaîne des héritages culturels issus de leurs ancêtres.
H. Guaino fait référence à l’anthropologie culturelle dont, sur le fond, il ne connaît rien, car, si l’on fait référence au progrès, présenté comme un accroissement des vertus du savoir, nous sommes forcément conduits à définir la notion de culture et ses liens sociaux qui en découlent. (J’y reviendrai)
H. Guaino, dans sa réponse à BHL revendique son expertise d’anthropologue. Époustouflant sous la plume d’un individu qui est demeuré jusque là dans l’ombre et qui n’a jamais fait œuvre d’anthropologue, en premier lieu à l’écoute d’autres cultures, dans le respect des différences ainsi dévoilées.
Époustouflant, car jamais aucun anthropologue francophone ne lui a répondu. On s’étonne de ce silence car il y avait beaucoup à dire, notamment sur cette fameuse inscription dans le cours linéaire de l’Histoire.
Bref !
Du cours cyclique de l’Histoire comme archaïsme. H. Guaino fait de cette cyclicité une sorte d’archaïsme dont les jeunes Africains doivent se défier. Et, pendant ce temps son président défend becs et ongles les intérêts de ses paysans et des pêcheurs. La contradiction est flagrante car la question se pose du mode opératoire des agriculteurs européens, sont-ils dans le temps linéaire de l’Histoire ? Il serait aberrant de le prétendre. S’agit-il alors de sortir ces « primitifs » de leur attachement à l’inlassable cours des saisons et du lent retour du temps sur lui-même ?
Quant aux pêcheurs, ne sont-ils pas un reliquat du passé prédateur de Sapiens-sapiens. La pêche intensive dans son état présent, est une des dernières réminiscences de l’homme antique et des tribus de chasseurs-cueilleurs. Qui insiste sur cette collecte intensive des biens de l’océan sans souci d’une véritable gestion des ressources, sur le mode du « progrès » tant vanté ? Par exemple en arrêtant définitivement la pêche comme l’on a depuis longtemps limité la chasse à l’exercice d’un loisir.
Qui voudrait, sous nos cieux du Nord, comme bénéfice légitime du progrès, une part cuisseau de cerf dans son assiette ? Plus personne ! Pourtant nous continuons de trouver « normal » la consommation de cabillaud, de thon, voire d’oursin... reliquat des temps des tribus de chasseurs cueilleurs.
Avant d’évoquer l’archaïsme des autres, il conviendrait d’abord de se confronter à celui de nos sociétés du Nord.
Avant d’affirmer : « J’assume le discours de Dakar ligne à ligne, mot à mot, à la virgule près. » H. Guaino ferait bien de revenir aux éléments essentiels de la rigueur épistémologique nécessaire à toute avancée anthropologique.
La France, de ce point de vue, ne sort pas de sa réputation habituelle de donneuse de leçon... Et il est si facile de donner des leçons à l’Afrique quand on s’y sent encore comme dans la chambre de sa bonne.
En invitant les jeunes africains à rejoindre le cours du progrès, donc l’Histoire, H. Guaino commet une injonction criminelle. Et ça, pas un anthropologue ne l’a dénoncé. Pourquoi ?
Tout être humain a besoin de s’inscrire dans une chaîne de continuités représentées par la succession des lignes ancestrales. Il s’agit d’une nécessité vitale. La culture suppose la continuité et non le déracinement par le moyen du « progrès ». Tout comme l’embryon qui se développe récapitule notre histoire du genre humain (phylogénétique) la psyché humaine refait l’expérience vitale des leçons de l’humanité antérieure (le culte des ancêtres). Nos racines plongent dans les profondeurs des humains qui nous ont précédés, là où nous sommes nés, dans l’environnement global où nous vivons et c’est de ces racines que nous alimentons nos visions du futur. Comment pourrions-nous avoir prise sur le futur, comment pourrions-nous l’intégrer si nous ne nous sentons pas dépositaires de l’expérience humaine de ceux qui nous ont précédés. Une éducation purement technique, purement pratique, matérialiste et « mécanique » ne fournit aucune protection contre les illusions des fausses lumières déshumanisantes du « progrès ». Il manquerait, à coup sûr, cette culture essentielle dont la loi la plus profonde, la plus charnelle serait l’inscription dans la continuité des générations.
De ce point de vue, parce que l’Homme Africain a précisément gardé un lien avec la cyclicité de la Nature, il a des leçons à donner à l’Homme Blanc du Nord. Celui-là même qui se perd dans les dédales de la nostalgie d’une nature perdue, dans la « préservation des espèces en voie de disparition » – nourri seulement par la seule crainte des méfaits de son fameux « progrès –, sans voir qu’il projette ainsi sa problématique interne : une rupture décisive et aliénante avec ses ancêtres et il voudrait aussi entraîner ceux qu’ils croient encore sous sa dépendance dans cette spirale infernale. C’est ce que l’on nomme en psychologie un enchaînement pervers (l’alcoolique entraîne les autres dans sa dépendance, le pervers cherche une victime qu’il pourrait initier, le mélancolique entraîne sa famille dans la mort)
En incitant les jeunes africains à une rupture avec leurs lignées d’ancêtres, l’anthropologue imposteur, H. Guaino, voudrait entraîner ces jeunes dans sa propre aliénation. Le discours sur le progrès n’étant, là, qu’une rationalisation opportuniste.
Les inviter à rejoindre le cours de l’Histoire, c’est les attirer dans le piège de la mélancolie et des tribulations insensées des cultures du Nord, c’est les livrer à l’illusion et à la fascination des eldorados du Nord, c’est fabriquer des immigrés de tous genres, sans papiers, sans dignité. (La perte de la dignité individuelle et collective dans les cultures du Nord est déjà un fait)
Il conviendrai que l’anthropologue de service à l’Élysée soit cohérent avec la politique de son seigneur.
Il serait bien plus intéressant d’inviter les jeunes et les anciens, les fellahs et les intellectuels africains dans nos universités populaires – sûrement pas dans les universités d’État – pour nous initier au culte des ancêtres, comme support d’un retour à une humanisation du monde, hors du cours mortifère de l’Histoire.
Illel Kieser ‘l Baz, anthropologue
05/08 10:52 - Bof
@Kieser : vous écrivez : "Tout être humain a besoin de s’inscrire dans une chaîne de (...)
05/08 09:03 - Bof
Monsieur, vous posez une question qui me tourmente depuis très longtemps. " La question (...)
04/08 16:04 - kakadou n’diaye
qui ne saurait être d ’accord avec vous...qui ne saurait voir, en dehors de quelques (...)
04/08 04:48 - Thierry LEITZ
L’histoire des relations de l’occident avec l’Afrique n’est-t-elle pas (...)
31/07 09:21 - Kieser
Si l’on veut être plus complet dans la collecte d’informations, il faut aussi lire (...)
30/07 19:16 - kakadou n’diaye
Dolores, votre indignation vous honore. Mais les choses, je veux dire la réalité ,est plus (...)
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