Ce qui est hystérique en l’occurrence c’est, dans cette vidéo, l’attitude des jeunes qui l’interrogent.
Car ils ne l’interrogent pas, il déversent leur amertume, leur vomi.
Je comprends très bien ces jeunes et du reste, j’aurais aussi branché Bartabas à peu près comme ils l’ont fait (mais pas en ouverture de la conférence).
Mais après la réponse qu’il a livrée, je l’aurais remercié et je me serais tu.
On a ici la chance rare d’avoir un aficionado qui répond franchement sur sa vision du taureau. Il ne donne pas dans le maniérisme, il dit qu’il ne ressent rien envers le taureau qui est hystérique de naissance. Et bien ça m’aurait suffit. Je me serais dit « Il a une empathie sélective, p’tet que moi aussi. Le ban est clos. Il continuera à trouver la corrida chouette et moi je continuerai de la trouver odieuse »
Je n’aurais vu aucun intérêt ni à continuer de le harceler après sa réponse, ni à expliquer ma vision (parce que le public n’était pas venu là pour découvrir ma vision, sinon je l’aurais fait)
Continuer à l’accuser comme l’ont fait ces jeunes c’est très proche d’une situation de lynchage où l’on n’a plus qu’une obsession qui consiste à éliminer celui qui nous déplaît en l’ensevelissant sous son vomi (vomi et pierres c’est pareil).
Ce que ces jeunes ont fait n’est pas du tout une entreprise où l’on essaye de convertir l’autre en lui montrant comment on voit.
A part exprimer leur dégoût, ces jeunes n’ont montré comment ils voient le taureau et le cheval. Ils n’ont pas fait comme Victor Hugo qui nous avait montré comment il voyait une Cosette -regard inédit à l’époque. Ils n’ont pas fait comme Zola qui nous a montré comme il voyait le mineur -regard inédit à l’époque.
Ces jeunes ont été non pas convertis à la compassion envers les animaux (qui n’est absolument pas innée de l’homme) mais sont nés dedans.
Ils sont nés dans un contexte cultivant déjà la compassion envers les animaux (que l’on voit) et qui inclut encore qu’on trouve rigolos les dauphins prisonniers des parcs aquatiques. Ces jeunes ont le tabou inné de la chose et ont la nausée qui leur vient aussi naturellement que devant du cannibalisme (alors qu’ils trouvent la fellation, la sodomie, le piercing, le siliconage, le remodelage des nymphes, tout ça très banal).
Mais ils ignorent le cheminement de cette compassion envers les animaux dans notre société, son histoire et ignorent le mécanisme de l’installation des tabous.
Ils ont le tabou en eux mais sont incapables de recréer à leur tour le discours compassionnel. Ils ne savent pas inventer le tabou, ils ne peuvent que le subir donc vomir.
Le discours de BB, l’air de rien, fallait l’inventer (et s’inspirer alors du discours des Schoelcher). De nos jours ça peut sembler évident aux jeunes mais à son époque BB a dû inventer de toute pièce un discours, une symbolique. Rien n’existait dans le genre avant elle.
C’est bien d’être né avec ce tabou qu’on doit à BB mais encore faut-il savoir on est ainsi fait désormais et comprendre que d’autres, surtout les anciens, puissent ne pas avoir ce tabou en eux de manière aussi racinaire.
Pour les jeunes, la tauromachie est un tabou qui les fait vraiment vomir. Ils ne pigent donc pas que tout le monde ne vomisse pas.
Or Bartabas est de la génération qui a dû se convertir. Donc comprendre d’abord les arguments, puis effectuer le virage ; ce qui est un vrai travail et qui oblige de renoncer d’anciennes visions. Il a déjà sacrifié de ses racines plus dures mais il ne peut pas tout abandonner pour se reconnaître et conserver un sens historique
Bartabas a beaucoup plus travaillé son regard et son historicité que ces jeunes qui n’ont jusque là fait que vomir, qui n’ont ni travaillé leur regard ni appris comment il s’était construit.
Bartabas est né dans une époque où l’on était très dur envers les animaux de zoo ou de cirque (et le personnel humain), allant à les remplacer dès leur mort d’épuisement. Mais il a bien compris qu’il devait changer son attitude première afin de ne pas choquer tout le monde et il est un fait que même s’il a conservé des racines dures, il a attendri des millions de jeunes sur la cause des chevaux.
Mettons qu’au pire il mange en secret du cheval tous les jours.
Et bien ce sera tout de même lui qui aura très fortement participé à la ruine des boucheries chevalines.
Bartabas aura ruiné bien plus de boucheries chevalines que ces jeunes qui vomissent sans savoir pourquoi.
Par ailleurs, depuis Hugo Zola Bardot, les gens ne savent plus avoir comme posture (sur tout sujet) que celle d’archange dans une relation triangulaire à trois pôles. Le bourreau, la victime, et l’archange qu’ils sont évidemment.
La plupart des papiers sur AVox sont des mises en scènes en triangle de Karpman où l’auteur se place en archange. Il y en a très peu où l’auteur se place en victime (alors que chacun le pourrait) et encore moins où l’auteur se place en bourreau.
Ils sont rares les papiers où un auteur vient dire que, cycliste, il s’est vautré sur une piste cyclable parce que des inconscients y ont cassé des bouteilles de verre. Les auteurs préfèrent faire comme Chalot, pousser à des indignation en faveur de je ne sais quelle victime de je ne sais quel vilain tout en n’étant que spectateur depuis quelque hauteur, en sorte d’ange observateur.
Sur les foras ou les conférences, les gens ne viennent pas témoigner d’une relation directe (immédiate) à deux personnages Lui-Moi comme Alinéa vient de le faire. Ils préfèrent largement faire les metteurs en scène en plaçant différents acteurs à qui ils attribuent un rôle pendant qu’ils apparaissent eux-mêmes comme n’ayant aucun rôle dans le drame. Ils racontent un drame mais n’en sont pas.
A se demander sur quelle planète ils vivent alors.
Bin sur Media.
Ils ne sont ni les protagonistes ni les spectateurs, ils sont la caméra, le caméraman, le reporteur, le journaliste, toutes choses prétendument neutres alors qu’elles ne le sont pas, ne serait-ce que parce qu’elles cadrent et focalisent. Le caméraman, quand il est seul à tout faire, est le metteur en scène, même quand il ne fait que sélectionner parmi les scènes qui se produisent sans son intervention. Le seul cadrage fait déjà la mise en scène.
Bartabas est un puissant metteur en scène-cadreur qui a des racines très dures. Il manie le fouet, les rênes, la longe, les étriers, à longueur de temps. Il ne sait que s’imposer.
Mais ces jeunes ont également très fortement cadré en se montrant le plus durs possible, ainsi que l’auteur de ce papier.
Les Bisounours dénient d’où ils proviennent, ils sont nés dans les roses sans épines.