Quelles que soient
l’origine lointaine ou plus récente des paroles ou de la musique, il s’agit d’un
chant révolutionnaire et c’est le plus important et, en outre, il
est entraînant, ce qui n’est pas surprenant pour une mélodie
transalpine.
Je l’entendais,
jeune homme, dans les cantines des immigrés italiens lorsque je me
promenais dans les quartiers avoisinants.
Ces immigrés des
Abruzzes, d’Émilie, de Sicile ou d’ailleurs furent très longtemps cantonnés par les
sociétés minières dans les anciens camps bâtis par les Allemands
pour leurs prisonniers et dont ces derniers furent à la défaite les
occupants momentanés avant de devoir faire place à la main d’œuvre immigrée..
Ce chant était une
lueur d’espoir dans l’océan de misère qui accablait en ces
temps-là ces immigrés – mal vus par la population car supportant
le poids de l’alliance des fascistes avec les Allemands -
Il fallut l’action
énergique des syndicats ouvriers aussi bien socialistes que
chrétiens pour qu’enfin au milieu des années cinquante fût
rendue à ces pauvres hères et à leur famille en guenilles la
dignité prolétarienne.
Ils prirent
progressivement place dans le paysage, quittèrent leurs baraquements
et s’intégrèrent avec leur joie de vivre à une population qui
découvrait enfin et parfois non sans réticence d’autres couleurs,
d’autres odeurs, d’autres sonorités qui finirent par imposer
leur place dans le folklore populaire : les premières
trattorias succédèrent aux bistros à l’usage des Italiens et la
cuisine italienne submergea la gastronomie.
Aujourd’hui,
intégrés, ils occupent toutes les strates de la société et se
font même un nom au niveau politique qu’applaudissent aujourd’hui
ceux dont les parents se défiaient et n’auraient en aucune manière
consenti à frayer avec eux.
« Bella ciao » me
remémore le combat difficile de ces paysans italiens venus – au
titre de dommages de guerre – travailler dans nos mines pour
redresser le pays et les premiers succès de l’unité syndicale à
l’aube des « Golden sixties » parce que l’unité des
sans-grade, des bouseux, des ouvriers venus de leur campagne proche
ou lointaine pour s’épuiser dans les mines ou la sidérurgie fit
progresser le niveau de vie général dans des proportions
inconcevables jusqu’alors.