OK Flore,
Disons que je redoute toujours d’écraser le texte-oeuvre principal par des commentaires trop copieux.
D’autre part je ne me sens pas trop de droit de saper les croyances des autres.
M’enfin, si l’on considère non plus votre ouvrage mais plutôt l’esprit du TED dont il traite, si l’on reste bien dans un esprit think tank très ouvert, en effet, pourquoi limiter mes réflexions.
Votre titre en « Lumière dans la nuit de 2011 » donc en « Lumière au bout du tunnel » m’apparaît prométhéiste.
Ici, TED a une connotation a priori centrée sur Technologie, Entertainment et Design. Mais les thèmes et les manières des sujets qu’on y aborde relèvent d’un éventail de domaines bien plus large.
TED étant donc une proposition de think tank tous sujets qu’on peut aborder de quasiment n’importe quelle manière, y compris en chantant ou en dansant, on ne devrait que mieux remarquer qu’il y a toujours eu des TED dans l’Histoire.
Les TED précédents, comme ceux actuels, auront tous fait évoluer les idées pour nous conduire à ....la nuit de 2011.
Sommes-nous vraiment dans une nuit alors ?
Le prométhéisme a avantage donc tendance à brandir quelque lueur érigée en lumière grâce au procédé de dénigrement du passé et même du présent qu’on barbouille alors de noir.
(Quand Edison avait inventé la lumière électrique, il a estimé nécessaire de marteler dans ses publicités que l’éclairage au gaz et au pétrole laissait les rues très sombres et dangereuses. Alors que jusque là les gens étaient fiers de disposer de ces éclairages un peu compliqués à allumer par rapport à d’autres qui n’avaient que des chandelles)
Oeuf ou poule, le prométhéisme accompagne parfaitement le concept de création et les dieux de l’Europe sont perçus plutôt comme des Créateurs du Monde qui se reposent ensuite dans les nuages. Alors qu’ailleurs, les dieux sont perçus plutôt comme des régulateurs du quotidien des hommes et vivent sur Terre.
Le prométhéisme -qui dénigre toujours ce qui préexiste- est très ardent en Europe (peut-être en raison de son découpage en péninsules, en territoires jamais totalement reliés, jamais totalement isolés). Portés par cette croyance en l’héroïsme créatif, les européens sont assez obsédés par l’invention de bidules qui émerveilleront la masse. Du coup, bien des inventions naissent dans cette conception sociale et quand elles plaisent à cette masse, leur succès provoque de vives hystérisations fortement consuméristes. L’Europe est dynamique et méprise son passé (Ce n’est que récemment, en découvrant l’engouement des étrangers pour notre passé que nous avons entrepris de sauver nos vieilles pierres. En 1850, Viollet le Duc passait pour un fou au yeux de beaucoup).
Ailleurs, le concept prométhéen était moins évident, en tous cas avant l’arrivée des Blancs. Hors Europe, les inventeurs ne cherchaient pas trop à socialiser leurs trouvailles et les exploitaient pour leur seul compte, de manière relativement discrète. Il n’y a pas eu de fortune tirée d’un brevet, ce que chacun inventait tombait de facto dans le domaine public. On y protégeait ses bonnes recettes tel l’indigo du Japon mais le concept de rente tirée d’un brevet déposé dans un INPI paraissait incongru voire indécent. Comme les inventions étaient peu exploitées de manière collective, il y a eu peu de capitalisme industriel, peu de produits industriels. Ces pays où l’on a pourtant inventé l’incroyable zéro, étaient plutôt statiques et on n’y dénigrait pas le passé ou les anciens. On croyait plus au continuum qu’aux changements et aux révolutions. On était fier que les choses ne changent pas. Cela avant le déferlement des plus prométhéens des Occidentaux.
Etant donné qu’en Occident une invention n’intéresse son inventeur que s’il peut l’industrialiser sans considération pour ce qu’il pourrait en faire lui-même, il découle que malgré la problématique de la discrétion qu’impose le dépôt de brevet, la tentation est très forte pour chaque prométhéen de faire partager au plus vite ses idées. En dépit du besoin de secret, les inventeurs adorent se rassembler et les penseurs aussi. Il en naît des think tanks où une part des idées sont exposées au public, où une autre part ne circule que de manière confidentielle et où les inconvénients, s’ils sont devinés, sont déniés.
De nos jours, le Monde entier devient de plus en plus prométhéen et dans le Monde entier on va de plus en plus à dénigrer le passé voire à le dénier.
Je ne crache ni sur l’effet larsen et catalyseur que provoquent toujours les rassemblements grâce à l’hystérisation, ni sur la chaleur humaine donc sur la joie et le bonheur qui résulte des véritables rencontres. M’enfin, hormis ces effets à ne pas dédaigner, il n’est pas hyper indispensable de rassembler ces gens et de cramer autant de kérosène, de whisky et ce coke pour dire ce qui peut être dit sur le Web par vidéo, précisément quand on se réclame de la technologie.
Les fêtes c’est bien ; je pense qu’il en faut. Mais c’est pas croyable la quantité de conneries qui peuvent y être dites et commises. J’ai vu que l’euphorie d’un mariage avait fait oublier des règles de sécurité élémentaires et une mère a reculé sa voiture sur la tête de son gamin. J’ai donc acquis quelques appréhensions vis-à-vis des euphories.
Oui des think tank il y en a toujours eu surtour en Europe.
Qu’est la controverse de Valladolid très clairement voulue par Charles Quint sinon un TT ?
Il ne faudrait pas s’imaginer que dans les salons littéraires on y faisait que du bon mot. On y discutait aussi des sciences, de la politique, de l’économie, des moeurs, même entre dames. Que sont les milliers de conseils et foires expositions en tous genres qui se tiennent partout dans le monde industrialisé sinon des TT ?
Et Dunant alors, qui avait réussi à mettre autour d’une table des belligérants pour les amener à signer la première convention de protection des blessés, n’avait-il pas organisé là un TT ?
Résultat de siècles de think tank, nous ne sommes pas forcément dans une nuit et il ne sortira pas forcément une lumière inédite des TED d’aujourd’hui.
Par ailleurs, concernant le côté T + E + D, ça non plus ce n’est pas nouveau.
Ce que faisait François Vatel chez Nicolas Fouquet, c’était quoi sinon du T + du E + du D ?
C’était quoi les Expositions Universelles sinon du T + du E + du D ?
C’était quoi la télévision de J C Averty sinon du T+du E+du D ?
Ca ne s’est pas fait en un jour, mais le théâtre total est loin d’être une nouveauté. On peut considérer que Vatel avait fortement fait avancer ce concept et que des millions d’autres ont poursuivi dans cette direction pendant que le Nô japonais qui mélange peu les genres se veut pur et figé.
J’ai personnellement participé à des sortes de TED à l’époque de la bulle internet et en parallèle avec les numéros d’homme orchestre de Bernard Tapie. Ca se passait au Palais des Congrès, dans la discothèque de l’Avenue Foch, au théâtre du Soleil, aux Arcs. De la montagne de discours qui s’y tenaient, il en est sorti des tas de choses concrètes qualifiées de merveilleuses. J’ai gagné ma vie avec ce que j’en avais récupéré-inventé-produit.
Pour nous conduire à la « nuit de 2011 »
Le Barefoot college ?
C’est loin d’être la première fois que des gens conçoivent de dispenser des instructions et des éducations gratuitement.
C’était quoi le collège de Saint Cyr voulu par Madame de Maintenon et payé sur la caisse de Louis XIV sinon un barefoot collège pour jeunes filles de la petite aristocratie sans le sou ?
C’était quoi l’école de l’abbé de l’Epée, subventionnée par louis XVI cette fois, sinon un barefoot college pour les infirmes ?
C’est quoi l’école gratuite de Jules Ferry sinon un énorme barefoot collège accessible à la totalité des enfants ?
A signaler alors que dans les innombrables écoles gratuites qu’il y a eu à travers le Monde, il était fréquent que les bénéficiaires aient à apporter le bois ou charbon de chauffage ou un morceau de craie pour le prof quand c’est en Afrique. Les sabots étaient bruyants et usaient les parquets. La valetaille ne marchait sur le parquet des maîtres que nus pieds. En hiver, les écoliers entraient en classe en tenant leurs sabots à la main et les chaussaient une fois assis.
Bien entendu, des élèves étaient parfois dans l’impossibilité de livrer leur bûche. Il tenait alors au maître de décider de les accepter ou pas.
Et dans les salons de l’aristocratie c’était pareil. On devait amener de quoi manger mais les aristos trop pauvres étaient dispensés d’amener du pain.
Bravo à Sanjit Bunker Roy pour ses Barefoot colleges. Bravo à Muhammad Yunus pour ses Grameen bank.
Mais en France, il y un homme très discret, un professeur de la Sorbonne, qui a légué toute la fortune dont il a hérité, 70 M€, à une fondation et c’est elle qui offre l’argent nécessaire aux écoles gratuites des pays du Sud. Sa modestie en souffrira mais comment ne pas applaudir Odon Vallet comme j’applaudis Albert Schweitzer, William Wilberforce, Alexandre Yersin, Gladys Aylward et tant d’autres.
Non avant la Création n’était pas nuit
Non le Moyen-âge n’était pas nuit
Non hier n’était pas nuit.
Non aujourd’hui n’est pas nuit
Non demain ne sera pas le jour du Monde
Vous avez parfaitement reporté l’esprit du TED mais je n’y crois pas plus qu’en quoi que ce soit d’autre. Je suis TED (du verbre suivre et du verbe être) mais comme ça. Comme je monte un sapin ou une crèche à Noël pour les gosses. Par politesse et curiosité à la fois.
Je crois essentiellement au vécu.
Je m’emploie alors à en fabriquer et à en collectionner.
Encore merci pour votre sujet et pour m’avoir invité à en remettre une couche.
Bonnes fêtes Flore et meilleurs voeux pour le Jour qui vient enfin.
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