Joli article... mais le postulat de départ est suspect. Quelques remarques car c’est vous qui supposez un amalgame pour mieux le dénoncer ensuite !
Vous chargez bien la mule :
« le survivaliste est un individualiste, voire un ultra-individualiste, ce qui paraît malheureusement bien naturel en ces temps de domination libérale... »
« ce dernier se contente de fuir la société et ses pairs, les abandonnant à leur destin. »
« La posture survivaliste qui au final consiste à aller se cacher dans une montagne et d’y entasser le plus de vivres et d’armes possibles, démontre bien la faiblesse de cette démarche. »
« Qu’est ce qu’un survivaliste sinon un fuyard égoïste qui se refuse à voir (ou qui est incapable de voir) qu’un projet collectif de société alternative décroissante et écologiquement soutenable est possible et réalisable (..) »
Pourquoi les deux seraient-ils incompatibles ? Le survivalisme n’est qu’une « démarche de l’après » ?... Qui sommes-nous pour décider d’office que ceux qui « entassent » des vivres, n’ont pas pour autant, envie d’un « projet collectif de société alternative décroissante et écologiquement soutenable » ?
Le fond de commerce de Piero San Giorgio peut sembler répugnant sauf que...
il n’y a pas si longtemps, il était tout à fait normal d’être capable de se défendre, de savoir se débrouiller un minimum de façon autonome, de faire des provisions au cas où... Ma grand-mère, votre grand-mère aussi sans doute, avait toujours son cellier rempli de boites de conserve et de produits de première nécessité. Pour les anciennes générations ayant connu la guerre ou les périodes de faim, cette attitude n’avait rien d’égoïste, c’était juste du bon sens. Savoir prévoir d’une saison à l’autre à la façon des paysans durant des siècles et des siècles de survivalisme, est-ce de l’individualisme ou du bon sens encore ?
Ce bon sens, nous l’avons perdu (à l’inverse d’autres populations) et le seul mérite de San Giorno, c’est de nous rappeler que rien n’est jamais acquis et que nous dépendons trop du supermarché. Cela ne va pas plus loin car nombre de ses « conseils », c’est du pipeau pur et simple ! En bon Suisse qui propose de thésauriser son or et de ne « prendre » que des gens « utiles » dans son camp retranché , sa vision occidentale du survivalisme laisse tout autant à désirer que celle de son homologue américain qui propose de tuer un chameau pour s’abriter dans son ventre.
Si ceux-là existent, il n’en demeure pas moins que la plupart des « survivalistes » ont juste de quoi s’acheter une lampe, un Opinel, quelques bouteilles d’eau et deux ou trois sacs de farine. Si cela leur permet de se sentir mieux, pourquoi les blâmer ? Eux comme vous, espèrent que la fin du monde n’arrivera pas et y contribuent peut être à cause de leur lucidité justement !
Ce qui dérange en fait dans le survivalisme, c’est qu’il sous-tend l’idée que dans le futur, nous « les blancs » puissions nous entretuer comme des sauvages pour un bout de pain ou un litre d’essence. On a toujours l’espoir d’être meilleur que les autres. La faute aux historiens qui présentent la violence comme des accidents de parcours quand en réalité, elle a toujours fait partie des options décidées sciemment.
Le survivalisme peut choquer un Français (un Suisse en fait de l’argent si l’on reste dans les caricatures), certainement pas un Bosniaque ou plus récemment un Tchétchène et en ce moment où j’écris, des bombes tombent au Liban...
Comme vous l’avez si bien écrit :
« le survivaliste comprend fort bien les enjeux de la crise écologique, et ne se ridiculise pas dans une posture de rejet climato-sceptique.
Mais toute ressemblance s’arrête ici. »
Lire « Les guerres du climat » de Harald Welzer...
« Depuis 1945, 90 % des guerres se sont déroulées hors de l’Europe et de l’Amérique du Nord » (John Keegan), nous faisant croire que c’était un problème avant tout d’autres sociétés...