Crise à Chypre : un mauvais coup américain ?
« On sait que les Américains vivent à crédit alors que les Européens préfèrent épargner.
Cette dissymétrie pourrait paraître gênante
aux politiciens et financiers, de part et d’autre de l’Atlantique,
occupés de rendre viables un futur grand marché transatlantique, puis
une union transatlantique.
Si on exclut que ces décideurs soient totalement naïfs et qu’ils ne font
que subir les soubresauts du système, comment ne pas penser qu’ils
soient tentés par l’idée de profiter de la crise bancaire, décidément
fort opportune, pour ponctionner directement l’épargne européenne (à
commencer, et à titre expérimental, par celle des Chypriotes) dans
l’espoir d’homogénéiser les comportements (et les patrimoines) en
matière d’épargne dans la zone atlantique ? »
Les interprétations de la crise de Chypre, qui est aussi une crise de
l’Euro, de l’Union européenne et – last but not least - des relations
euro-russes, peuvent être nombreuses. La plupart sont d’ailleurs justes.
On y verra par exemple le résultat d’une capitulation des autorités
européennes devant leurs banques. Plutôt que limiter les pouvoirs de
celles-ci, sanctionner l’impéritie des dirigeants et des actionnaires
face à la bulle bancaire, on préfère faire payer les déposants, les
petits d’ailleurs bien plus que les gros, qui n’ont pas attendus pour se
replacer dans d’autres paradis fiscaux. On pourra y voir aussi
l’impéritie des gouvernements européens qui ont accepté dans l’eurogroup
des pays incapables d’en accepter la discipline (qui se préparent
d’ailleurs à y faire entrer d’autres, tout aussi suspects).
Plus généralement, on y verra la capitulation des grands Etats
européens régaliens (y compris en Allemagne) devant les spéculations
déchainées des oligarchies financières. Quand on laisse, selon
l’expression, les géostratégies d’un continent jusque là aussi important
que l’Europe, se décider à la corbeille (à la Bourse), voilà ce qui
arrive.
On pourrait aussi, d’une façon plus systémique, voir dans la crise à
Chypre le résultat de l’incapacité des institutions européennes
actuelles, tant publiques que privées, à comprendre et par conséquent à
maîtriser un monde devenu trop complexe. On pourrait expliquer plus
généralement encore, que les humains sont devenus trop faibles, où que
ce soit dans le monde, face aux forces que libère la mondialisation,
pour se fier aux anciennes recettes, et bien entendu pour concevoir des
modes de gouvernance plus efficaces.
Toutes ces explications, et d’autres que nous ne citons pas, sont
valables. Nous ne refusons pas pour notre part d’y faire appel. Mais il
ne faudrait pas que les différentes recherches à mener dans ces diverses
directions nous cachent l’essentiel, l’explication grosse comme le nez
au milieu du visage, celle à laquelle faisait allusion le lecteur de
Dedefensa cité en introduction de cet article, et que nous ne
reprendrons pas ici....
On nous dira que le propos de ce monsieur, que nous approuvons à
100%, relèvent d’un conspirationnisme anti-américain qui n’a aucun
fondement. Ce n’est pas notre avis. L’empire américain, appuyé par le
FMI, continue à combattre par tous les moyens occultes à sa portée la
construction de l’Union européenne. Le succès d’une fédération
européenne indépendante serait pour lui un insupportable défi, aussi
inacceptable que l’aurait été en son temps un triomphe de l’Union
soviétique, ou que sera le renforcement des pays du BRIC. Mais peu en
Europe, pénétrés qu’ils sont de l’idéologie atlantiste, sont capables
de s’en rendre compte. Si la crise à Chypre s’étendait, ils seraient
tout heureux de se réfugier sous l’aile de Wall Street et Washington.