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LAURYCED (---.---.236.183) 13 octobre 2006 21:50

Je suis professeur dans l’un des lycées mal classés de ce classement, et je ne nie pas ce qui est en train de se passer. L’éducation en France va mal, très mal, même.

Je pense avant tout que les objectifs du type « 80% d’une classe d’âge au baccalauréat » ne servent qu’à des fins démagogiques, pour faire plaisir au « petit peuple », qui est persuadé qu’il grimpe l’echelle sociale, alors qu’au fond, on en a juste baissé les barreaux.

Au lieu de former les jeunes, j’ai l’impression qu’on les occupe avec des activités dont ils n’ont rien à faire, qui ne leur procurent que contrariétés et confrontations (plus de stress, car a moins de tomber dans les mauvais 20% de la population, on aura le bac).

Nos écoles sont bourrées d’élèves qui ne savent pas ce qu’ils veulent parce qu’on leur a bourré le crâne avec des savoirs encyclopédiques qui leur brouillent la pensée et les démotivent. Pour être aide-soignante, est-il NECESSAIRE de parler deux langues étrangères ? Une ? Est-il nécessaire de savoir résoudre une équation du second degré ?

Imaginez un instant que vous vous inscriviez à un cours de trompette et qu’on commence par deux heures de musicologie, une heure de volley-ball et qu’on vous fasse gonfler des ballons de baudruche tous les matins, pendant 7 ans, avant de pouvoir commencer à jouer. C’est ce que vivent nos enfants. Et nous, tout fiers, on leur dit : « Ben oui, la musicologie, c’est pour mieux comprendre les origines et le contexte de développement de l’instrument, le volley, c’est pour travailler la souplesse des doigts, les ballons permettent de gérer son souffle - si si, Kévin, je te jure que ça te sera utile ». Nos gossent veulent JOUER de la trompette. Ils sont démotivés car ils font à peu près tout sauf jouer de la trompette. Le seul message clair qu’on leur fait passer, c’est qu’on leur baratine et qu’on les prend pour des imbéciles.

Une grande partie de notre jeunesse n’a pas besoin de savoirs, mais de savoir-faires et de savoir-êtres.

On apprend le respect quand on est soi-même respecté, et nos élèves ne sentent pas qu’ils le sont... Ils le seront quand on arrêtera de se voiler la face et quand on leur proposera enfin d’acquérir des compétences basées sur un projet d’avenir professionnel. Le véritable avenir de l’éducation est de fournir un enseignement à la carte en fonction des compétences visées.

C’est arrêter de se fixer des objectifs démagos à la con du type « 80% d’une classe d’age experte en nano-technologies », mais plutot viser « 100% d’une classe d’âge bien dans ses baskets, formée et compétente dans son domaine d’activités ». Même s’ils ont fini à 15 ans.

Mais c’est remettre en question des milliers d’emplois, des méthodes et des habitudes de travail profondément ancrées. C’est donner un coup de pied dans une fourmillère, et bien téméraire est celui qui osera s’y aventurer.

J’attend avec impatience le jour où je regarderai un élève dans les yeux en lui disant : « Kévin, les équations du second degré, tu peux les oublier, t’en a pas besoin pour conduire ton camion. Maintenant, si tu es curieux, tu peux écouvrir ce que c’est. Moi ça me passionne. »


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