L’ombre, c’est « ce qui échappe à ma connaissance immédiate » (Humbert, 1974, pp. 16-29). La plupart des civilisations avaient des rituels permettant d’en prendre conscience et, dans nos contrées, le Jour des Fous d’hier, où toutes les valeurs étaient inversées et le carnaval encore aujourd’hui, où la licence et des comportements contraires à la morale quotidienne sont tolérés, en sont des survivances.
84von Franz (1980) relève plusieurs thèmes illustrant la notion d’ombre. En premier lieu figure la paire de
JUmeaux, ombre l’un de l’autre, tels Prométhée, toujours en avance, et Épiméthée, qui comprend toujours trop tard, ou encore Les deux compagnons de route, un tailleur et un cordonnier (Grimm 107). Le premier y personnifie l’ombre de l’extraverti, le second l’ombre de l’introverti, toutes deux elles-mêmes perverties. Dans son adhésion au monde extérieur, l’extraverti manque de réflexion tandis que dans sa prise de distance par rapport à la réalité, son contraire risque de tomber dans la méfiance, l’amertume et la crainte du monde tel qu’il est. Voilà pourquoi, dans ce conte, le cordonnier supplicie le tailleur, en échange de deux morceaux de pain qu’il lui réclame pour éviter la famine. Le sentiment primitif pense que l’auteur d’un crime horrible ne relève pas de l’humanité : il a été possédé par un démon. Ainsi, dans les histoires, la partie du dieu qui s’intéresse à l’homme est souvent suppliciée et attachée à un arbre : Wotan est suspendu neuf jours et neuf nuits à l’arbre Yggdrasil, Attis à un pin et Jésus à la croix. Or, symbole du Soi, l’arbre représente la poussée instinctive vers la conscience. Sous son influence, le moi souffre car il doit se plier au processus de croissance ; en conséquence, il traverse une période d’obscurité que les alchimistes décrivaient sous le nom de nigredo et qui correspond approximativement à la dépression. C’est avec le symbole de la purification, sous forme de pluie ou de rosée, que vient l’étape suivante, accompagnée du retour des émotions et du dynamisme vital. Tout le processus est conduit par la créativité de l’inconscient et, pour sortir de la dépression, le moi dépend des indications données par celle-ci au travers des rêves, des visions et des créations.