Une question reste en suspens : le chassé-croisé d’images médiatiques et d’images « privées » diffusées sur le Net, est-il d’usage libre ?
Et si oui, pour combien de temps ?
CONNIVENCES, DÉPENDANCE à la pub, formatage et autocensure des journalistes, mainmise de Lagardère et autres Dassault...
Il est dorénavant admis que les médias sont une unité centrale de production dans la « fabrique du consentement ».
Et si, fin mars, ils se font l’écho du démenti d’Eurostat à propos des mensonges de l’État français sur les chiffres du chômage, c’est qu’il n’y a rien à craindre. L’info « parle » à la masse des working poors, marché potentiel composé d’individus isolés. (La déconstruction massivement diffusée des mensonges américains sur l’Irak a-t-elle soulevé une indignation suffisante pour contraindre au retrait des troupes d’invasion ?)
La révélation de la vérité est un autre moment du marché de l’info, distribuant un produit « éthique » similaire à ceux que l’on trouve sur les gondoles de la grande distribution. Carrefour défend bien les droits de l’homme !
La VERITE et le MENSONGE sont avalés et digérés à la même vitesse que la rotation infinie des marchandises.
Mars-avril 2007. Alors que la kermesse électorale bat son plein, des grèves éclatent un peu partout en France. QUI fait ses gros titres avec ces salariés qui n’attendent visiblement rien de bon des prochaines élections ?
Personne.
Cette MARCHANDISE-INFO n’est pas très sexy. Les mouvements d’ouvriers appartiennent au passé. Ne sont-ils pas tous devenus des preneurs d’otages, composants folkloriques du paysage français ? Seule la grève - pas les grévistes - du Port autonome de Marseille aura eu les faveurs, calomniatrices bien sûr, de la presse nationale. Dépendance pétrolière oblige !
Les médias sont, comme toute entreprise commerciale, engagés dans un processus de concurrence qui les contraint, parfois, à oublier les « conseils de discrétion » donnés par les autorités.
(Pour mémoire, en mai 68, l’État avait accusé Europe n°1 de favoriser l’extension des émeutes en rendant compte en direct de leur développement. C’est ici qu’est une des failles, dangereuse et prometteuse, dans l’appareil de production médiatique.)
Le surgissement d’un événement inattendu et spectaculaire fait craindre aux rédactions la perte d’une part de marché où la dérégulation incite à la surenchère. Comment éviter qu’une nouvelle, aussi menaçante soit-elle pour l’ordre social, ne vous échappe au profit de la concurrence alors que votre autocensure l’aura tue ?
Dès le début des affrontements de la gare du Nord, FRANCE-INFO, dont l’audience s’effrite depuis 2 ans, a exposé flash après flash l’évolution de la situation. Toute la presse s’est ensuite ruée dans la brèche.
Chaque jour, loin des caméras, des centaines de pierres sont lancées sur les forces de police. Que la présence des médias donne l’occasion à des révoltés de rendre publique leur colère fait partie de la logique contemporaine. Quel autre moyen y a-t-il d’être largement entendu ? Les salariés qui menacent de faire sauter leur usine lors d’une délocalisation l’ont compris, eux aussi.
Début mars 2007. Copenhague connaît plusieurs jours d’émeutes suite à l’assaut de la police contre un centre culturel autogéré. Occupants, manifestants et émeutiers se sont coordonnés par téléphone portable, SMS et Internet. L’addiction à cette marchandise, complétée par les rapports virtuels qu’engendre Internet, se voit ici retournée contre leur destination initiale, la consommation solitaire. Gare du Nord, il n’aura fallu que deux petites heures pour rameuter du monde et rallumer l’embrouille.
C’est aussi grâce à ces moyens techniques, outre la soif de scoop en temps réel des médias, que l’incendie a pu se propager dans tout le pays en novembre 2005.
En attendant la « réappropriation populaire des médias »...