Merci pour cet article
« Force est de considérer que la tragédie a une esthétique et qu’elle plaît d’autant plus si elle brille de l’éclat sombre des énigmes qu’on souhaite confusément ne jamais voir résolues. »
Cela me semble très juste, et c’est en outre fort joliment formulé. (Je sais, cette conversation ne semble pas le lieu le plus approprié à apprécier la prose, mais tout de même...)
Votre texte souligne ce qui, dans tous ces « faits divers », renvoie au théâtre dans son essence. Difficile en effet de ne pas songer à Aristote à travers cette fameuse catharsis qui semble à l’oeuvre au vingt heures. J’ai cherché en vain une citation de Sartre qui ne me revient pas (si une âme charitable cerne le propos en question, merci de réveiller ma mémoire ), dans laquelle il déplace légèrement la problématique de la catharsis en expliquant très simplement que le plaisir, au théâtre, d’assister à une tragédie, est lié à ces larmes que nous versons d’autant mieux sur le sort d’autrui que nous sommes assis dans un fauteuil dont il sera facile de sortir une fois le rideau baissé.
Dans l’Antiquité, la cité était invitée à purger ces sentiments face à la scène. Aujourd’hui, Kate McCann est invitée à endosser le rôle de Médée dans une de ses multiples variantes.
Qu’elle soit coupable ou pas, là n’est évidemment pas mon propos, et je trouve rassurant que ce fil de conversation ne se soit pas transformé en foire d’empoigne sur ce thème.
Je voulais juste souligner qu’une fois de plus, nous avons vu et verrons de nombreuses personnes s’exprimer sur les actes de cette femme, pleurer sur la disparition de cette enfant, voire se précipiter à son enterrement le cas écheant en portant bien haut l’étendard de leur « douleur », de leur belle âme compassionnelle. On dira « Moi aussi je suis mère », « Elle pourrait être ma fille », on pleurera face caméra, avant de rentrer chez soi soulagé d’avoir montré tant de bonté de coeur, et comme le disait un des intervenants précédents, soulagé de n’être pas à la place de ceux qui pleureront l’absence de cette enfant au creux de leur quotidien.
Ce vol, ce viol de la douleur d’autrui, il est atroce de le voir s’étaler à la Une. Evidemment, ces faits sont touchants, évidemment, ils nous renvoient à nos tabous, nos interdits. Mais si je comprends que l’on soit ému d’une affaire comme celle-ci il me semble indécent de s’en repaître de cette façon.
Le titre de votre article est fort bien choisi, et je ne peux m’empêcher de songer que notre cité aurait besoin d’un théâtre moins obscène que celui du 20 heures.