Bizarrement, je suis d’accord avec le titre de votre article et sa conclusion alors que tout le reste m’a fait bondir. Prenons votre article dans l’ordre.
1. Le chiffrage des programmes électoraux est indispensable pour qui veut éviter des campagnes du style "on rase gratis". Que ces chiffrages soient mal faits, peut-être, mais ce n’est pas une raison pour jeter le bébé avec l’eau du bain.
2. Il est faux d’affirmer qu’il n’est "nullement question de théorie" en comptabilité nationale. Elle est au contraire fondée sur une vision keynésienne de l’économie (le fameux "circuit économique"). Par ailleurs, je ne comprends pas pourquoi vous voulez exclure les services du calcul du PIB. Quant aux activités domestiques, le fait qu’elles ne soient pas mesurées ne vient pas d’un a priori idéologique mais du fait qu’on ne parvient pas à les mesurer.
3. Les théories du commerce international n’ont JAMAIS "mis fin à l’idée que dans un échange, il y avait forcément un gagnant et un perdant". Ces théories suggèrent bien au contraire qu’il y a des gagnants et des perdants dans la libéralisation des échanges mais que les gains dépassent les pertes et que donc la société y gagne (a fortiori si elle met en place des mécanismes pour redistribuer les gains aux perdants d’ailleurs). En ce sens, le titre de votre article met dans le mille car ces théories ont été très mal interprétées.
4. La "théorie du bonheur relatif" existe déjà en sciences économiques ; nous avons piqué le concept de "privation relative" à nos collègues sociologues il y a déjà une bonne trentaine d’années pour l’introduire dans nos modèles.
5. L’économétrie. Alors là, nous sommes en orbite. A la louche, je dirais qu’environ 80% des travaux de recherches en économétrie sont dédiés à la conception et la mise en œuvre de techniques permettant précisément de faire la différence entre une simple corrélation statistique et une véritable relation causale. A vrai dire, c’est même la raison d’être fondamentale de l’économétrie. Sans l’économétrie, nous ne pourrions pas sortir des sophismes tel votre exemple des gauchers et des droitiers.
Heureusement, votre article finit bien. Le cœur du problème vient effectivement du fait qu’on fait dire aux économistes (et à l’économétrie) ce qu’ils ne disent pas. Sans doute est-ce par démagogie ; sans doute est-ce aussi parce que les économistes ne savent pas vulgariser leurs conclusions. Sans doute est-ce, enfin, parce que les attentes vis-à-vis des économistes sont énormes, tant du point de vue des politiciens que de la population et que l’on pare souvent au plus pressé. Quitte à raconter (et à faire) n’importe quoi.