Sarkozy a passé un an à se faire élire en adoptant le modèle des campagnes de pub pour Nike ou Danone : être partout, raconter des belles histoires émouvantes, clamer qu’on est bon pour tout, qu’on soigne tout, que c’est un merveilleux monde qui nous attend gâce à lui, etc. Storytelling, marketing de produit de supermarché, tout y est passé. Le petit pauvre qui pleurait devant son saumon de supermarché, les méchants dans la cour de récré, puis l’homme qui s’est fait tout seul face aux forces du mal, mais avec maman derrière, les ennemis politiques fourbes et sans foi ni loi, voilà quelques éléments de la légende qu’on nous a servi.
Ça fait bientôt un an qu’il a continué sur cette lancée, même élu, il n’a pas bien réalisé qu’il avait changé de poste, il croyait que ce qu’il avait fait comme candidat marcherait encore, une fois président. Et puis pendant qu’on agite la mousse médiatique, il place en douce les réformes qui fâchent. Au bout de ces dix longs mois, tout d’un coup, les ventes, pardon, les électeurs, fléchissent : sondages en berne, ras-le-bol, municipales pas terribles, caisses vides... En plus, les journalistes, soigneusement humiliés en public (l’épisode Joffrin, entre autres), commencent à écorner l’idole.
Et Neuilly : parachutage raté de Jean le Chevelu (genre Rahan fils de Crao), remanié en catastrophe en conseiller général, Martinon-non-non, les coupes de champagne qu’on se jette à la tête, le pays doré de son enfance malheureuse qui vire à la pétaudière en baguouzes. Pas sérieux, tout ça, heureusement, c’est la faute à Martinon, euh non, zut, Balkany. Euh non, zut, à Devedjian.
Alors, on change d’histoire ? Non, non, vous n’y êtes pas, on continue pareil qu’avant, mais en plus "sérieux" (une "nouvelle séquence") : la Reine d’Angleterre (un "rêve merveilleux"), le plateau des Glières (le Président face à l’Histoire), l’Afghanistan (attention, c’est une vraie guerre, pas un joujou pour la popularité, on envoie des vrais soldats), pas plus d’un communiqué de presse par jour, juré, maintenant on joue le Président, plus le candidat. Mais on continue sur la lancée, les Français le veulent, promis, ils l’ont dit dans les urnes aux municipales.
Ah évidemment, on garde quelques flashs sur le weekend en amoureux à Marrakech, faut pas perdre la ménagère de moins de cinquante ans et les gentils retraités qui votent à droite... Toujours ce côté plouc un peu cucul, un peu Harlequin qu’il croit être le comble du chic présidentiel.
On va donc avoir un Président "sérieux" (mais "heureux") pendant, quoi, six, sept mois ? Puis on va ouvrir (encore) une "nouvelle séquence", le Président de l’Europe, mais quel Président ? Sérieux ? Dynamique ? Bouteur d’archaïsmes et de rigidités ? Suspense... Sauf que les autres Européens, ils se foutent de lui tant qu’ils peuvent. Problème. Et en plus, l’idole américaine change de tête bientôt, plus de boussole ! Alors on va reprendre une "nouvelle séquence", et ainsi de suite, le nez dans les sondages.
Le système sarkozien repose uniquement sur la mise en scène, on est vraiment dans la société du spectacle. C’est scénarisé comme une série TV, animé comme une campagne de pub, storytellé par des tâcherions de l’audience. C’est comme sur TF1 : quand l’audience chute, on met les Experts. Et le public se barre sur la TNT. Ici, le public se barre à gauche et au centre. On verra le résultat en 2009 aux prochaines élections européennes, je vous prédis la cata pour l’UMP.
Alors, oui, arrêtons de sarkozer !