Merci pour cet article. Je suis étonné du peu de lecteurs et de réactions, vu la nouveauté et l’intérêt de l’approche de M. Yunus.
morice : On préférerait une disparition pure et simple plutôt qu’unb aménagement. Le capitalisme n’est qu’une ETAPE, selon d’autres penseurs, on aurait tendance à l’oublier en ce moment....
Voir en ce que propose Yunus un simple aménagement du capitalisme me paraîtrait être le comble du dogmatisme : seules les solutions au problème de la pauvreté qui entreraient dans la vision idéologique d’une "vraie gauche" auto-proclamée seraient acceptables ? Et comme il n’y en a apparemment pas (les "penseurs" n’étant apparemment pas des "acteurs"), il vaudrait mieux continuer à s’écouter parler sans rien faire ? L’idéologie ne doit pas passer devant les résultats tangibles, sinon c’est de la bouffonnerie qui finit dans des résultats électoraux ridicules. C’est mon humble avis. La parole n’arrive jamais à la cheville de l’acte : que nous oublient un peu les penseurs-gloseurs, c’est-à-dire ceux qui parlent en l’air et n’appliquent pas ce qu’ils disent.
Gilles : "Yunus est-il de droite ou de gauche ?" Cette simple question nous ramène à l’unidimensionalité...
Bien vu. Ces clivages artificiels nous lobotomisent à petit feu. Certaines questions sont mal posées et n’ont pas de réponse claire. Dans ce cas précis Yunus ringardise totalement les dogmatismes droitiers et gauchers dont la petite musique nous entoure depuis des dizaines d’années : qui n’est de gauche est de droite et vice versa, gnagnagna. Avec ses mots simples et concrets, Yunus pulvérise tout simplement la rhétorique habituelle, en s’en tenant strictement au factuel, ce qui est totalement déstabilisant en regard de l’attitude habituelle des politiques français, dont chacun a élaboré sa propre idéologie byzantine, évidemment plus meilleure que celle des autres... La preuve en est que tout finit en querelles de personnes, malgré le peu de crédibilité que cela génère vis-à-vis du citoyen-électeur. Et d’ailleurs, comment peuvent-ils seulement croire que l’électeur leur fera confiance, s’ils ne se font même pas confiance dans leur propre équipe ?....
Gnarf : Car il faut en permanence veiller a ce que TOUS puissent profiter des bienfaits du marche libre, sans que certains acteurs n’asphyxient d’autres. C’est difficile.
Je ne suis pas expert en art économique mais il me semble qu’il faut distinguer entre libéralisme économique et liberté de concurrence, et que vous parlez de la seconde et non du premier. Je ne me réfère pas au dico mais aux actes de ceux qui prônent l’un ou l’autre : les tenants du libéralisme veulent moins d’état et se moquent de la liberté de concurrence du moment qu’ils ne sont pas lésés, çà me semble être un invariant. Par ailleurs, dire que maintenir le marché libre est difficile me fait sourire : c’est comme si on disait qu’on essaie d’aider les pauvres à sortir de leur pauvreté mais que c’est difficile. Comme si on faisait quelque chose d’efficace ! La liberté de concurrence est probablement un but noble et même réalisable mais n’est pas du tout appliquée en France malgré les législations : il n’y a quasiment plus dans les branches économiques importantes que des empires : médiatiques, de la téléphonie, du BTP, des médicaments, etc., Ils se concertent potentiellement (prix du SMS, etc.) et font la pluie et le beau temps auprès des décideurs et des législateurs politiques démocratiquement mandatés. Et çà va de pire en pire (sociétés d’autoroutes, énergie, transports...). Donc, je crois qu’on ne sait pas si c’’est vraiment difficile, quand les politiques ne font rien à part les gesticulations habituelles ayant pour but de faire croire qu’ils font quelque chose.
S2ndreal : Sur quelle base fau[drai]t-il "mater les dérives de certains acteurs du marché" ? Faut-il réintroduire une morale ?
Réaction très juste, tant de gens pensent à contrer autrui plutôt qu’à construire quelque chose. La force de la proposition de Yunus justement, avec ses Social Business (que j’associe aux entreprises sociales), est de ne pas tomber dans le travers des interdictions parfois irréalistes qui plombent le discours de la rhétorique politique française. Je crois même que cela dépasse les capacités conceptuelles des habitués ancrés dans la gauche de la gauche, qui voient vraisemblablement en Yunus le chantre d’un capitalisme réformé ou maquillé, alors qu’il est pour moi un David en face du Goliath capitalistique (en effet, un capitalisme sans dividendes transforme totalement celui-ci). D’ailleurs, les actes de Yunus ont sorti beaucoup plus de gens de la pauvreté que ceux de n’importe quel anti-capitaliste proclamé français. Les électeurs s’en doutent bien, il n’y a qu’à voir les calamiteux résultats des "anti-capitalistes" dans les derniers championnats de France de présidence de la République. Comme quoi la bien-pensance du discours ne fait pas tout et les positions anti-quelque chose sont perçues pour ce qu’elles sont : des idées non abouties, sans caractère d’opérationnabilité. Il faut arrêter de prendre les gens pour des cons, ils savent très bien qu’une idée généreuse ne se transforme pas toujours en loi qui ne se transforme pas toujours en décret qui ne se transforme pas toujours en application réelle qui n’est pas toujours une réussite. C’est pourquoi un discours ne vaut jamais un acte.
Pour en revenir aux entreprises sociales, leur force est de concurrencer les entreprises actionnariales (à dividendes) sur leur propre terrain, même sans l’aide d’une législation en leur faveur. Loin de scander des slogans anti-ceci ou anti-cela, comme le font nos théoriciens de la gauche de la gauche (que j’appelle la gauche de la gauche, la GG quoi), M. Yunus analyse objectivement le problème de la pauvreté, propose et expérimente avec succès des solutions pragmatiques, si loin des préoccupations de la GG que celle-ci ne réagit pas... Et en fait je trouve que c’est tant mieux, car quoi attendre de courants politiques ayant concrètement acté, par leur rhétorique, pour l’élection de Sarkozy plutôt que pour la méchante néo-socialiste Ségolène ? Même la "gauche progressiste" (ou GP, que je définirais comme celle qui réfléchit logiquement plutôt que doctrinalement), peut ne pas saisir la portée des propositions de Yunus... Un banquier, même s’il transforme la vie de milliers de pauvres, est-il avant tout un banquier ? Pour une certaine gauche la réponse semble être oui, ce qui est pour le moins étonnant de dogmatisme. Déjà, l’erreur initiale de la position anti-capitalistique est de se contenter de se positionner principalement en tant qu’anti-quelque chose, ce qui signifie : qu’il n’y a pas de meilleure alternative disponible à mettre en avant. Et oui, c’est plus facile de détruire que de construire, tout bricoleur sait cela, l’électeur aussi d’ailleurs...
Quant aux "joint-ventures" genre Grameen Bank / Danone, je ne suis pas entièrement convaincu mais bon, on verra dans la longueur. Si çà marche tant mieux. Je part du principe, peu usité en France, où l’on ferait passer le progrès social tangible avant les doctrines très élaborées mais peu concrètes des philosophes de la politique... Je fais confiance à M. Yunus pour éviter la dénaturation de son action. Lui au moins mets en corrélation ses actes et ses paroles. D’ailleurs, il est Nobel de la Paix, lui, et ce n’est pas parce qu’il prête de l’argent qu’il faudrait le diaboliser, au contraire !
Autre remarque : je suis sûr qu’à choisir, à qualité égale (si c’est possible), les consommateurs achèteraient plus à une entreprise sociale qu’à une entreprise à actionnariat. Deux raisons à celà, chacune justifiante à elle toute seule :
- l’humain aspire naturellement aux avancées sociales, et n’aime pas trop le lucre (surtout celui des autres),
- maximiser le profit entraîne la malfaçon, le gaspillage, la pollution, le mépris des valeurs de respect de l’être humain (utilisation de la main d’oeuvre en tant que simple outil, etc.). Un exemple de résultat de cette maximisation des profits :
Le scandale de l’huile de moteur dans l’huile de tournesol.
Mais le véritable défi dans notre coin de planète est de les mettre en oeuvre, ces entreprises sociales. Dans les pays pauvres, certes, mais aussi pour les pauvres d’ici, et même pour l’ensemble des services possibles. Cela me paraît le seul espoir pour arriver à sauver la planète (on a dépassé le stade où ce propos était naïf). Evidemment le problème est alors d’être suffisamment compétitif, pour l’obtenir, cette qualité. Mais il y a des marges de manoeuvre : au regard des positions monopolistiques, des budgets publicitaires et communicatoires, du manque de fonctionnalité de tant de produits et services. Non ? Et puis, pourquoi concurrencer directement ? Pourquoi ne pas plutôt développer une activité économique créative et alternative, répondant aux besoins non satisfaits, et nettement différenciée des circuits consommatoires habituels qu’il paraît vain de vouloir changer ?
Gageure ? Voire. Personnellement, je ne suis satisfait, ni de la télé, ni de la radio, ni des journaux, ni des logiciels, ni de la bouffe industrielle, ni de la qualité des produits en général, etc, etc. C’est donc que mon pouvoir d’achat est disponible pour d’autres services et articles, élaborés dans une perspective sociale. Vastes potentialités que tout cela, surtout quand on voit le matraquage publicitaire essayant de faire passer les business les plus polluants pour des entreprises écologiques !!! Bien sûr, les banques classiques ne proposent pas d’épargner dans des "social business"... Où serait leur intérêt ? Et leurs agios ? Elles ne bossent pas pour rien, elles ont des bénéfices à verser, elles !... Qu’à celà ne tienne, confions notre épargne à des institutions plus fiables (je fais référence au scandale de la titrisation des risques) et surtout moins avides de gains !... Déjà qu’elles nous font payer l’argent qu’elles prêtent à la collectivité nationale !!