Christophe Moser, Marcel Odermatt et Johannes von Dohnanyi, « SonntagsBlick »
dimanche 21 septembre 2008,
L’ambassade américaine à Berne est en passe de devenir une des centrales européennes des services secrets américains. « Très problématique », estime le conseiller national Dick Marty , spécialiste en la matière
Berne, siège de l’ambassade américaine : un complexe de bâtiments sous haute surveillance où l’on ne peut pas pénétrer avec un sac, ni même avec son téléphone portable. Mais les procédures très strictes qui règlent l’entrée du bâtiment, les fenêtres assombries et les solides murs de béton ne servent pas seulement à assurer la sécurité physique des diplomates. Elles sont aussi là pour abriter dans la discrétion le travail des services secrets américains.
L’ambassade de Berne est, comme toutes les autres ambassades des USA, un point d’appui inofficiel de la CIA. Ainsi, lorsque le Blick a dévoilé en 2006 les activités d’un espion américain, l’enquête a révélé que l’homme était le deuxième secrétaire d’ambassade pour les affaires politiques.
Aujourd’hui cependant, des indices permettent d’affirmer que l’agence américaine veut agrandir ses activités en Suisse. L’ambassade de Berne devrait devenir une centrale de coordination des bureaux de liaisons de la CIA en Europe. C’est ce qu’indiquent des sources bien informées dans la capitale fédérale.
Officiellement, la montée en puissance des activités de l’ambassade bernoise n’est commentée ni par les diplomates américains, ni par les services spécialisés de la police fédérale. Le porte-parole du Département des affaires étrangères de Micheline Calmy-Rey ne veut « pour l’heure pas prendre position ».
Les projets américains confirment que Berne demeure, pour les services secrets US, un lieu privilégié. Lors de la Seconde Guerre mondiale déjà, la centrale de l’ancêtre de la CIA, l’OSS, était localisée dans la capitale fédérale.
De Stuttgart à Berne Jusqu’à ce jour, les activités de la CIA étaient coordonnées depuis Stuttgart. La ville allemande avait l’avantage d’être proche d’une grande concentration de militaires puisqu’elle accueille le quartier général des forces armées US en Europe (EUCOM).
Discrétion appréciée Aujourd’hui, les services secrets américains redécouvrent les avantages de la place helvétique. « Sa légendaire discrétion, liée à celle de sa place financière, est un atout important pour le déménagement de Stuttgart à Berne », commente un insider des services secrets.
Confronté aux résultats de l’enquête du SonntagsBlick, le conseiller national radical Dick Marty, qui a été l’enquêteur spécial du Conseil de l’Europe dans l’affaire des transports spéciaux de prisonniers en Europe pour le compte de la CIA, réagit : « J’ai effectivement entendu parler de ces projets de déménagements. A l’évidence la CIA apprécie les conditions-cadres agréables de notre pays. » Les autorités suisses accorderaient d’ailleurs, selon Dick Marty, une confiance presque aveugle aux services secrets américains. Si aujourd’hui Berne devenait un centre d’échange pour les informations des services secrets, cela placerait notre pays dans une position critiquable : « Je considère cela comme très problématique », conclut le politicien.
Traduction et adaptation : LMD