En Occident et, notamment, en France, de nombreux "beaux esprits" considèrent que le port du voile, quelles que soient sa forme et son "ampleur", par les femmes musulmanes est une pratique qu’il convient de respecter et de "tolérer" par ce qu’elle est l’expression publique d’une conviction religieuse et que, d’une certaine manière, il participe de la libération des femmes musulmanes en ce sens qu’il leur permet d’accéder à l’agora en pouvant sortir de leurs domiciles et, plus généralement, de leur lieu d’assignation à résidence ("gynécée", harem…).
De tels propos ne sont pas seulement grotesques et absurdes. Ils relèvent de l’insanité et de l’insulte car ils sont véritablement une offense faite aux femmes - à toutes les femmes et pas seulement celles de confession musulmane - en ce qu’ils légitiment en quelque sorte l’atteinte qui est faite à leur dignité d’être humain et aux droits, universels et inaliénables, qui en découlent.
Le voile permettrait donc aux femmes musulmanes de sortir de chez elles, d’accéder à l’espace public (au sens physique du terme), de fréquenter des établissements scolaires et donc de s’instruire…., bref de disposer d’une capacité (je n’ose employer le terme de "liberté") de mouvement et de déplacement dont elles ne pourraient pas jouir, faute de voile, dans une société qui, en raison de ses convictions religieuses, les soumet à un certain nombre d’interdits et de tabous !
En somme, le voile serait… un progrès et, comme chacun le sait… "Vive le progrès" !
Est-ce que ces mêmes "beaux esprits" considèrent que le port d’un collier par des serfs et des esclaves, d’une marque apposée au fer rouge par des "proscrits" et d’autres esclaves, d’une ceinture de chasteté par des femmes, de signes vestimentaires, voire d’habits distincts par des parias, d’une étoile par des juifs, des tziganes, des "politiques", des "malades mentaux", des homosexuels… (avant l’ouverture des camps de concentration), d’un boulet par des bagnards, de fers de chevilles par des prisonniers… étaient/est pour les intéressés un "acte de progrès et de libération" puisqu’il leur permettait/permet d’accéder à l’espace public (ou, du moins, à certains lieux et endroits publics) et, plus généralement, de se mouvoir, de se déplacer… ?
Une femme ne serait-elle pas un être humain à part entière disposant, à ce titre, des mêmes droits, universels et inaliénables, que n’importe quel homme ? Que sont ces sociétés et ces convictions religieuses qui "concèdent", "tolèrent", "admettent", "supportent"… des "permissions" aux femmes et des droits aux hommes, droits qui vont jusqu’à la faculté d’accorder ou ne pas accorder, de retirer ces "permissions" à "leurs" femmes, voire à toutes les femmes ? Pourquoi, dans le même espace et dans le même temps serait-il fondé de juxtaposer des libertés d’hommes à une "libération" des femmes, libération qui ne serait jamais que quelques miettes des libertés des hommes ?
Que ces "beaux esprits" fassent l’expérience de porter un tel voile et qu’ensuite ils reviennent nous dire s’il s’agit vraiment d’un facteur de progrès qu’il convient d’encourager ! Qu’ils se soumettent ne serait-ce qu’une heure à ce véritable supplice physique (sans parler de sa dimension psychologique) qu’est le burka afghan et qu’ensuite ils viennent nous confirmer que, plus qu’un "moyen de libération", il est la "manifestation d’une liberté" et pas de n’importe laquelle : cette même liberté d’être dont ils jouissent eux-mêmes sans avoir besoin de porter le voile !
Au nom de la laïcité on se doit, certes, de respecter l’autre, même lorsque ses convictions (religieuses, politiques, philosophiques…) sont différentes de - et, a fortiori, contraires - à ses propres convictions. Mais la laïcité ne saurait imposer que l’on se rende complice de l’offense et de l’atteinte faites à autrui sous prétexte de la liberté de conviction (religieuse en particulier) dont se proclame celui qui commet cette offense et cette atteinte. La laïcité ne saurait non plus que, au motif de la liberté universelle de conscience revendiquée par un individu ou un groupe, on ferme les yeux sur ce que le droit considère comme un crime : le non respect des droits universels et inaliénables des humains, des femmes comme des hommes.
Il peut y avoir des usages criminels des droits universels des humains lorsque, par exemple, ils sont exercés contre autrui, autrui pouvant désigner un individu ou un groupe d’individus Dans ce cas, celui qui "tolère" ces crimes est coupable de complicité de crime, d’une que ce crime soit individuel ou collectif.
Les êtres humains, tous les être humains, femmes et hommes, disposent des mêmes droits. Ces droits ne sont pas seulement universels. Ils sont aussi inaliénables, étant précisé que cette inaliénabilité s’oppose tout autant à celui/celle qui serait tenter de ne pas les respecter chez les autres - ou, du moins, chez certains autres - qu’à celui/celle qui, pour quelque raison que ce soit, entendrait, volontairement ou non, renoncer à ses droits. En somme, en dehors de ces droits humains… point d’humanité !
Le respect, même laïque, de la liberté de conscience des individus ne saurait donc être le renoncement à la lutte contre toutes les formes d’aliénation de cette liberté.
Le respect, même laïque, des droits humains ne saurait non plus être le renoncement à la lutte contre toutes les formes d’atteinte, individuelle ou collective, de ces droits.
Dans sa forme religieuse, la liberté de conscience et les droits qui lui sont, individuellement et collectivement, attachés ne sauraient enfreindre la liberté et les droits de qui ce soit. Toute liberté, même religieuse, de l’Un s’arrête au seuil de la liberté et des droits de l’Autre. Tout franchissement de ce seuil met en état de légitime défense celle/celui qui en est victime. En même temps, il impose à toutes celles et tous ceux qui les reconnaissent de prêter assistance à/aux victime(s).
Au nom de ces mêmes droits universels il est fait devoir aux individus et aux États de faire en sorte que cette universalité soit effective et que ces droits puissent (enfin) s’appliquer là où ils ne le sont pas en faveur de celles et ceux qui en sont privés. La laïcité ne saurait donc être le prétexte de ce déni de justice qu’est le refus de se battre pour une telle fin.
Nul ne saurait prétendre se battre en faveur des droits humains et, en même temps, "tolérer" que, pour une partie des humains, les femmes, il n’y ait point de liberté mais seulement une "libération" car, aussi "progressiste" qu’elle puisse être, elle ne sera jamais qu’une aliénation de la dignité humaine et, par conséquent, des libertés et droits "naturels" attachés à cette dignité.
Il faut donc "lever le voile" - comme toute autre forme physique de "marquage" - sur ce qu’est réellement le voile : un instrument de ségrégation, de discrimination, de dévalorisation, d’humiliation, de déshumanisation… mais aussi de mauvais traitement, voire de torture.
Nombreux sont les laïques qui se sont engagés et qui continuent de s’engager dans le combat pour l’abolition de la peine de mort en se fondant sur leurs convictions laïques et sur les droits universels des humains. Pour eux, il est un autre combat à mener/engager : celui de l’abolition de cette peine de souffrance et d’aliénation qu’est… le voile !
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