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En réponse à :


bcordelier bcordelier 14 septembre 2009 14:53

@ Pingveno

Mon propos n’était que d’apporter un éclairage d’un locuteur du Kotava, non une quelconque position officielle de sa créatrice ou de son comité linguistique. Donc ce n’est pas « ma » grammaire. smiley

Sur la lecture d’une grammaire, en général :

Il faut toujours se garder de raisonner trop « à plat », sur un simple descriptif. Parce qu’une langue vivante ne se résume pas à l’énoncé de règles, si bien faites soient elles. Il en va du Kotava comme de beaucoup. Et le fait que sa grammaire officielle soit assez détaillée n’implique en aucune manière une complexité particulière, juste le souci d’essayer de ne rien oublier d’important. Comme, à l’inverse, les 16 règles de l’esperanto sont loin, très loin de refléter sa réalité quotidienne et applicative. Il convient de raisonner en « réel » si on peut dire.

Sur les points de grammaire que vous évoquez, mon sentiment :
- euphonie vocalique : tel quel cela peut apparaître inutile, sauf qu’à l’usage, d’une part c’est très intuitif et d’acquisition rapide, mais surtout cela donne une « musicalité » et une variabilité auditive qui est comme les sauces réussies, un vrai goût. C’est subjectif, je vous l’accorde volontiers, mais presque tous les kotavophones l’affirment. Sur le papier on se dit « ouais, bof ! », mais au réel ça fonctionne, et même très bien. Et si on regarde linguistiquement, beaucoup de langues ont des systèmes peu ou prou d’harmonie vocalique, certaines dans leur phonotactie directement, d’autres comme le turc ou le hongrois dans leurs accordances, etc. Cela ressort, à mon avis, de quelque chose d’assez profond, de l’ordre de l’oralité « naturelle ».

En Kotava cette règle diversifie et lisse le spectre oral. Au passage, nombre de hiatus sautent ainsi.

- l’accusatif de l’esperanto, je ne l’aime pas comme beaucoup. Non pas sur son intérêt intrinsèque, j’en suis d’accord avec vous, mais plus parce qu’il aurait été tout autant pu être rendu, et de façon plus cohérente par rapport à tout le reste de la langue, au moyen d’une préposition spécifique, comme le « va » du Kotava pour les compléments d’objet.

- les marques personnelles du Kotava : les 7 personnes (y compris un nous exclusif) utilisent des désinences spécifiques sur le radical verbal. En situation nominative (sujet), on n’emploie pas les pronoms personnels, ce qui revient à peu près à la même chose qu’avoir un radical fixe et obligation de présence des pronoms. Et point là encore de l’ordre du subjectif et de l’oralité, cela amène une diversité orale plus large tout en restant non ambiguë (pas de multiples -as ... -as ... -as smiley ).

- les notions agglutinantes sont effectivement largement présentes, avec une grande rigueur dans la « reconnaissabilité » des affixes et autres marques signifiantes. Ce qui semble à tous, c’est que ce n’est pas une langue isolante. Quant au terme neutralité, il s’applique plus au substrat culturel et sémantique que sur l’originalité absolue grammaticale, ce qui n’aurait guère de sens. Par contre, sur le côté grammatical, quand on pratique il en ressort une très grande cohérence, une sorte de « signature » propre. Là encore, la sauce grammaticale qui lie tous les ingrédients est un tout qui doit s’apprécier globalement et interactivement.

- pour la « langue figée dans le marbre », c’est surtout le Fundamento de l’esperanto qui me pose problème, comme à beaucoup. Et personnellement je regrette que Zamenhof lui-même n’ait pas été suivi en 1893 dans les propositions qu’il avait émises (dont l’esprit animera plus ou moins les fondateurs de l’ido par la suite), et qui sera l’une des causes des schismes postérieurs. La crainte de la « dialectalisation » qui est opposée pour en justifier l’intangibilité est largement fantasmatique et donne corps aux accusations de « dogme ». Même une langue aussi conservatrice que le français voit petit à petit la réforme de 1990 rentrer dans les faits. L’espagnol a été réformé au 20e siècle, l’allemand profondément il y a quelques décennies, etc. Alors que l’esperanto dans le réel évolue, oui, je le sais bien, et tant mieux, mais le raisonnement de dire « la langue se résume en 16 règles immuables, tout le reste est laissé à la libre interprétation de chacun » est doublement spécieux. D’une part, cela laisse entendre qu’avec ces 16 règles fondamentales on peut maîtriser sans problème la langue, ce qui est un raccourci courant mais mensonger, mais d’autre part cela contribue aux éternelles confrontations entre entre anciens/modernes, puristes/décalquistes, exégètes/suivistes, etc.

Et plus globalement, je ne crois pas qu’existe aucune langue, naturelle ou construite parlée, où une académie ou un comité linguistique régulateur s’amuserait à balancer de nouvelles règles importantes sans sentir derrière elle un mouvement fort en un tel sens. L’Avaneda kotava est peut être plus incitateur, plus « réactif », que l’Akademio, mais pas moins réaliste ou responsable. Tout comme Zamenhof a vu certaines de ses propositions rejetées, Fetcey n’impose rien non plus (j’ai en tête par exemple le rejet d’une paire de suffixes -yo/-yi dits « de polarité » qu’elle avait proposés et que personnellement je trouvais bien pensés).

PS. Je me permets de mettre un lien sur un fil dans un autre forum, consacré au questionnement « langues construites et culture » qui est intéressant dans les angles évoqués. Ici : http://forums.ec.europa.eu/debateeurope/viewtopic.php?t=12140


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