Cher Auteur,
Merci pour cet article. Il m’a poussé à faire quelque chose que je n’avais encore jamais fait : écouter jusqu’au bout une intervention de Finkielkraut. Et ce fut édifiant. Et je vais vous dire pourquoi. Mais d’abord, deux ou trois petites formalités.
Roman Polanski est un cinéaste que j’admire depuis toujours. Mais il semble avéré que l’homme Polanski ait sodomisé à deux reprises une gamine de treize ans après lui avoir administré un hypnotique. Ce qui à première vue paraît clairement être un rapport sexuel sur la personne d’une mineure dont la capacité de résistance ou d’objection a été sciemment anéantie par ruse. Il s’agit donc bien d’un viol, sinon dans la lettre, du moins dans l’esprit, d’une enfant par un adulte. Ce sont des faits répréhensibles et apparemment imprescriptibles dans la loi américaine. Roman Polanski est amené à y répondre après une longue traque. Cruel peut-être, certes, mais logique.
Frédéric Mitterrand, ministre d’ouverture débauché à la « gauche », laisse parler son coeur et vole promptement au secours de Polanski. Ce qui permet aux internautes vigilants, quoique malveillants, d’établir un lien entre les deux hommes : ils ont une expérience des relations sexuelles avec les mineurs, ce qui pourrait impliquer une certaine solidarité de principe entre eux. Supputation dans le cas de Mitterrand, mais néanmoins fort plausible au vu de ses écrits louant les délices du tourisme sexuel en Asie. Et foire d’empoigne immédiate sur la légitimité d’un ministre de la culture adepte de pratiques sexuelles moralement et juridiquement condamnables. Dans un gouvernement normal, « réel », où régnerait un esprit d’équipe et de solidarité, un ministre engagé dans une si mauvaise querelle démissionnerait sur le champs, simplement pour ne pas embarrasser ses pairs. Mais ici, c’est la république des boutiquiers, pas celle des chevaliers, et chacun s’accroche comme un morpion à ses privilèges. Situation particulièrement savoureuse lorsqu’on se remémore que Mitterrand doit de toute évidence son portefeuille à son nom et à la sagacité de l’équipe de communication présidentielle. Bien pris, Sarkozy ! Tu sais désormais ce que le peuple pense de ton acquisition ! Comment vas-tu t’en débarrasser maintenant ?
Le peuple ! La populace ! Internet ! Et nous voici arrivés à Finkielkraut. J’avais entendu beaucoup de mal à son sujet, mais par paresse et par lâcheté, n’avais pas eu le cran de me faire une idée par moi-même. Voilà, c’est fait, je suis déniaisé.
Tout y est dans son intervention. La populace, brutale, frustrée, bestiale, veut le sang des élites, des artistes. Ces roturiers vulgaires, avinés peut-être, ne peuvent apaiser leur folie dévastatrice que par l’immolation de victimes sacrificielles. Le sang des innocents, car Polanski est innocent. D’ailleurs, cette adolescente de treize ans accomplis, qui posait dénudée pour Vogue Homme, ne l’a t’elle pas allumé ? Et Polanski, il n’est pas de bois quand même. Quand une petite Lolita lui vient lui sourire effrontément sous le nez, il fait ce que tout quadragénaire de sexe mâle ferait à sa place, surtout un grand artiste avec toute sa sensibilité : il l’assome et il la sodomise. Et alors, pour cette vétille, vieille de trente ans, le peuple récrimine. Ce peuple aveugle, ce peuple sourd, ce peuple lourd hurle comme une meute déchaînée sur l’internet, car il faudrait dire l’internet comme on dit la géhenne. Avant l’internet, le peuple restait à sa place, dans l’ombre, dans la muselière. Maintenant avec l’internet, il gueule. Et plus le peuple est con, et plus il gueule. Si bien que si on entend gueuler sur l’internet, c’est nécessairement qu’on entend les cons. Et ce pauvre ministre de la culture, attaqué sur sa vie privée ! Enfin quoi, privé, c’est privé. Quelle bassesse ! Qui n’a pas eu envie de se faire sucer par une éphèbe un peu triste et mal payé, sans remugle de bière ou relent de tabac pour gâcher la splendeur esthétique de l’acte ? Hein, hein ? Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si c’est la reine des néo-nazis poujadistes qui a jeté la première pierre. On perçoit bien maintenant le complot de la bête fasciste – et nauséabonde - contre la liberté de penser et d’aimer hors des sentiers battus. Faut-il être ballot comme un socialiste pour ne pas s’en apercevoir et emboîter benoîtement le pas à la meute ? Tombée bien bas la gauche. La droite aussi d’ailleurs (pourquoi la droite, monsieur Finkielkraut ? Ah, euh, ça je sais pas, je disais ça comme ça, juste pour faire équilibré – je ne suis ni de gauche, ni de droite, je suis juste pour les élites, contre la populace. Verstehen Sie ?).
Alain Finkielkraut. Philosophe. Grand Philosophe à la télé et à la radio. Ca vous étonne ? Et Sarkozy, président de la république ? Et Mitterrrand, ministre de la culture ? Non ? Vous voyez bien...
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