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ArthurM 10 décembre 2009 11:01

Je voulais réagir à l’article très intéressant, pas sur le fond totalement dénué d’argument, mais sur la forme tellement révélatrice de la vacuité de cette pensée pseudo-contestatrice actuelle.

D’abord, sur le choix des mots : aujourd’hui, quand on veut on veut contester une position effectivement consensuelle (j’y reviendrai), on s’inscrit en « défendeur de la liberté de pensée », en chevalier blanc de notre société des lumières en péril face à l’obscurantisme des comploteurs en tout genre qui veulent nous imposer leurs nouveaux « dogmes », alors pour être crédible on use et abuse des mêmes termes éculés et rabachés : les « ayatollahs verts », les « khmers verts », on fait des bons mots à la Philippe Bouvard, on se veut « pourfendeur de la pensée unique » ou du « prêt à penser », on s’oppose à cette « idéologie climatiste », à la pensée unique tout court d’ailleurs dont on croit incarner l’alternative. Dernier argument qu’on imagine le plus décisif : évoquer les totalitarismes en tout genre, stalinisme, et in fine le nazisme comme un coup de massue que l’on croit définitif et qui n’est que la preuve de l’absence totale d’arguments, cf la brillante loi de Godwin !

Cette pauvreté linguistique n’est qu’un masque pour éviter de se regarder dans un miroir et d’accepter, ne serait-ce qu’une seconde, de se remettre en cause. De se dire que la société dans laquelle nous vivons est peut-être en train de marcher sur la tête et que, oui, nous en sommes sans doute responsables. Je dis bien sans doute car dans tout débat scientifique, il y a du questionnement, mais là, pour des raisons professionnelles, j’ai du me plonger dans un grand nombre d’études et publications sur la question de climat. Pour moi, le doute subsiste, mais d’un point de vue strictement scientifique les arguments en faveur d’un emballement climatique en route (et encore ce n’est que le début) lié aux émissions de CO2 d’origine humaine est très plausible. L’ampleur, la durée, les effets réels sont encore mal connus, mais les théories alternatives sur le soleil par exemple ont été exclues à 99%, tout comme celle qui consiste à dire que les évolutions actuelles seraient naturelles (ça ne marche plus pour les trente dernières années, ni sur la vitesse des variations). Et là on parle bien de climat et pas de météo, à savoir de changement notable sur des durées longues et pas au mois par mois où effectivement, il peut faire beau ou chaud ou froid sans que cela ne concerne le changement climatique. En outre, l’enjeu climatique rejoint un enjeu énergétique à beaucoup plus court terme, car il faudra de toute façon un moment ou un autre sortir des énergies fossiles. Et la substitution du pétrole par le charbon n’est pas du tout aussi simple que ce que certains veulent croire.

Parler de religion et de climatisme face à enjeux du CO2 d’origine entropique n’a rien de scientifique, c’est une question politique, effectivement, et surtout psychologique : il est bien trop difficile d’admettre qu’on a eu tort donc on se drape dans la position du défendeur de la liberté de penser que j’ai évoqué plus tôt. Celle-ci n’est qu’une façon de continuer à se justifier de vivre, d’agir et de penser comme on l’a toujours fait depuis des dizaines d’années, façonnés d’une part par notre société occidentale et judéo-chrétienne, d’autre part par la révolution énergétique qui nous a apporté tant de bienfait et de liberté justement (cf la théorie des équivalents esclaves de JM Jancovici). Pourquoi s’en priver alors ?

Comment admettre que le concept de progrès ne soit pas exactement ce que l’on croit ? Comment accepter l’idée que ce que l’on nous a vendu pendant toute notre existence comme condition du bien être serait menacé ? L’effort intellectuel n’est pourtant pas difficile, il suffit d’étudier un peu dans le détail les mécanismes de production actuels. L’effort psychologique est beaucoup plus dur. Alors on tape sur les ayatollah écolos, on préfère se croire original, trublion, libéré et libre penseur quand ce n’est qu’une posture pour le coup totalement politiquement correcte et consensuelle : ça rassure de lire des articles comme ça, car cela nous déculpabilise un peu, car oui au fond de nous on a un petit doute quand on continue à rouler en 4X4, mais là non c’est bon, rouler en 4X4 devient presque un acte de résistance à la pensée unique, une action d’homme libre et indépendant. Ou plutôt une d’une autruche rassérénée dans ses convictions et prête à retourner dans trou pleine d’autosatisfaction.  


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