Bonjour,
Vous confondez « actionnaire anonyme » et « actionnaire minoritaire », non ? Un actionnaire anonyme est un actionnaire qui possède des parts d’une société sans que son identité ne soit connue (on parle aussi d’« action au porteur »). On commence à considérer aujourd’hui’hui que ce type d’actionnariat est peu propice à la transparence et à la régulation financière ; il me semble d’ailleurs que certains pays interdisent désormais ce type d’actionnariat, mais je ne suis pas spécialiste.
Les actionnaires dont vous semblez parler, et que vosu traitez au passage de « salaud » sartien, c’est le « petit » actionnaire qui possède quelques actions d’une société sans y avoir le moindre pouvoir de décision (à part un vote en Assemblée générale rarement exercé), et généralement sans même s’y intéresser autrement que par le chèque en milieu d’année. C’est moi, c’est vous (vous êtes, a minima, actionnaire des sociétés publiques).
C’est ce qu’on appelle, en gros, le « capitalisme financier » pour lequel une entreprise n’est pas une activité économique à long terme productrice de richesse mais un « placement boursier » à court terme. Je pense qu’il est pertinent de s’interroger sur cette transition historique entre « capitalisme entrepreneurial » et « capitalisme financier ». Mais supprimer les actionnaires tout court ? Pouvez-vous en imaginez les conséquences ?
SI vous supprimez purement et simplement le principe d’actionnariat, qui investirait dans la société ? Les travailleurs ? Vous imaginez une assemblée de SMICARD se mettre ensemble pour s’acheter une usine de production automobile avec leurs petites économies ? Ou aller emprunter le montant nécessaire ?
Si vous le limitez à l’actionnariat d’entreprise, c’est à dire si vous limitez la possession d’actions à des salariés ou collaborateurs directs de la société, comment empécher de retomber dans les dérives des années 90 et ces « grands patrons » à la JMM, dérives en réaction auxquelles, justement, s’est produit cette « reprise en main » des actionnaires extérieurs ? Et par ailleurs, que vont faire les épargnants de leurs économies ? Où les placer, où les faire « prospérer », comment les réinvestir dans l’économie, s’ils ne peuvent, par l’actionnariat, participer au capital d’une société ? Ils ne resteraient plus que des placements d’Etat, une sorte de « nationalisation » de l’épargne dont rèvent peut-être certains dirigeants ou aspirants au pouvoir (quel pactole ! encore mieux que le pétrole des Chavez et Bongo !) ; ou le « bas de laine » qui se déprécie mécaniquement avec l’inflation...
Je n’ai pas de réponses à ces questions, mais si vous voulez nous convaincre que votre proposition tient la route il va bien falloir nous éclairer là-dessus. Car en sortant du « capitalisme », qui fondamentalement se définit comme la « propriété privée de l’outil de production », c’est à dire que l’investissement est substanciellement réalisé par des personnes privées, dans quel système souhaitez-vous entrer ? Un « capitalisme d’état » Léninien ou Stalinien, dans lequel c’est l’Etat qui investi, mais dont l’histoire nous a démontré les conséquences catastrophiques en Union Soviétique, Cuba... ? La copropriété des usines ou sociétés dans lequel ce sont les travailleurs qui investissent (mais ceci renvoit à la question ci-dessus : est-ce envisageable que des « prolétaires » puissent lever les fonds nécessaires ?) ? Quelque chose d’autre qu’il faudrait que vous nous définissiez ?
Le capitalisme et la propriété privée sont vieux comme la civilisation (Mésopotamie, Rome...) et semblent même en être une condition de pérénisation. Les diverses expériences historiques de « collectivisation » ou « capitalisme d’Etat » ont toutes échoué à ce jour, et de façon plutôt sanglante encore (URSS, Khmers rouges, Laos...), sauf à nous parler de telle ou telle tribu polynésienne pré-moderne chez laquelle vous avez toujours la possibilité d’aller planter votre tipi.
Vous nous invectivez de la sorte :
« Refonder le capitalisme », quelle blague ! Cela vous a fait rêver, vous, le capitalisme ?«
Et bien, quel est donc le système qui, outre qu’ils vous »fasse réver« , soit »opérationnel" et répondent aux aspirations réelles du plus grand nombre (et pas seulement aux lubies d’idéologues de salon ou d’amphitéâtres) ?