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ThierryCH 23 juillet 2010 11:38

Bonjour

Je n’ai pas eu le temps de lire tous les commentaires mais je voudrais réagir à certains, ainsi qu’au sujet de l’article.

Je trouve l’opposition entre liberté et égalité stérile et largement insuffisante pour imaginer un projet de société.

Certes, il y a sur la droite des tenants d’une liberté absolue, en particulier en matière économique, qui entraîne la domination par l’argent de la grande masse des individus par quelques uns (c’est peut être ce que l’actualité est en train de nous démontrer). De même, Il y a sur la gauche des tenants d’un projet strictement égalitaire, qui conduit tout aussi sûrement à la privation des libertés individuelles pour la majorité (c’est ce que l’expérience soviétique nous a démontré).

Mais je pense, pour simplifier, que dans leur grande majorité, les sympathisants comme les politiques de droite comme de gauche aspirent à un équilibre harmonieux entre ces deux principes, ou valeurs. Nous tenons tous à notre liberté individuelle, nous sommes plus ou moins conscients que celle-ci est limitée par la liberté des autres (la liberté s’arrête là où commence celle du voisin) et qu’il est moral, sinon nécessaire, d’assurer à chacun l’égalité dans un certain nombre de domaines gérés par la société (égalité en droits et en dignité, égalité des chances, égalité d’accès aux soins, à l’éducation, à la connaissance, aux besoins fondamentaux …etc.).

Bien sûr, selon sa sensibilité, chacun place le curseur différemment : un peu plus vers la liberté à droite, un peu plus vers l’égalité à gauche.

Dans ce paysage, ce que l’on pourrait nommer « égalitarisme » est pour moi une utopie, au sens d’un idéal légitime, éclairant, qui permet de mener une réflexion, mais qui reste en pratique inatteignable, voire dangereux.

Prenons un exemple concret, l’éducation. En France, l’éducation est un système théoriquement égalitaire. Il l’est imparfaitement pour des questions d’organisation et de moyens, mais dans l’esprit, il l’est. Supposons qu’il le soit aussi complètement d’un point de vue matériel : chaque élève a accès, où qu’il réside sur le territoire, dans les mêmes conditions, au savoir, à la connaissance, à l’instruction, selon ses souhaits , ses besoins et ses capacités. L’éducation serait-elle pour autant strictement égalitaire ? Non, car dans une société où par ailleurs chacun est libre de disposer de ses moyens propres comme il l’entend, certains parents peuvent faire le choix de compléter l’éducation reçue de la part de la nation par leur enfant par des cours particuliers, des activités sportives et culturelles, des voyages, des visites dans les musées …etc. Bien évidemment, ces compléments sont plus facilement accessibles à ceux a qui ont plus d’argent, mais ce n’est pas qu’une question de revenus, c’est aussi une question de choix, une question de liberté individuelle. En effet, à revenus identiques, l’un va préférer s’acheter une télé 3D tandis que l’autre enverra ses enfants en stage d’anglais à l’étranger. On ne peut donc que augmenter les moyens consacrés à l’éducation, mais sauf à priver chacun de libertés individuelles qui me paraissent essentielles, on ne peut tendre vers l’égalité parfaite en matière d’éducation. Et même sans parler de moyens et de liberté, c’est quoi une bonne éducation, qui peut le définir ? On peut dire, à l’échelle de la société, quels sont les savoirs fondamentaux (lire, écrire, compter, apprendre à apprendre …etc.), mais après, qui fixe la norme ?

Bref, une société égalitariste serait une société qui non seulement entraînerait la privation de libertés individuelles fondamentales, mais aussi conduirait à fixer des normes arbitraires mortifères, et, parce que les moyens que l’on peut consacrer à réduire les inégalités sont toujours insuffisants mais par nature limités, conduirait à un nivellement par le bas.

Pour moi, une société égalitaire doit se contenter d’assurer l’égalité de chacun en droits, en dignité et en opportunité, ce qui n’est déjà pas facile ! C’est un socle aussi indispensable que la liberté individuelle à une société harmonieuse. Il n’y a pas d’opposition entre les deux, mais un équilibre à trouver, qui peut d’ailleurs varier dans le temps, selon les priorités ou la conjoncture ...

Mais ce n’est pas suffisant.

Il reste la fraternité.

Comme l’égalitarisme, la fraternité est pour moi une utopie légitime et morale, mais qui n’existe pas en pratique. La fraternité, c’est pour moi l’amour désintéressé des ses semblables, et nous en sommes tous bien incapables sauf pour nos proches.

D’un point de vue pratique et sociétal, je lui préfère donc les valeurs de solidarité et de responsabilité, qui sont complémentaires de la liberté et de l’égalité et aussi nécessaires qu’elles à une société harmonieuse et efficiente.

La solidarité, c’est la rencontre d’intérêts individuels. C’est une démarche complètement intéressée, et pas du tout généreuse ou fraternelle. Ainsi, la sécurité sociale est un système de solidarité. Je cotise non pas pour permettre à mon voisin sans revenus d’être soigné et pris en charge, mais parce que (au-delà de l’obligation qui m’en est faite) je sais que chacun fait de même et qu’ainsi moi aussi je serai soigné et pris en charge quoi qu’il m’arrive.

La responsabilité, c’est notamment ne pas outrepasser les droits que me confèrent la solidarité. C’est remplir mes devoirs. C’est assumer mes choix individuels et respecter la liberté des autres.

Bref, je pense que l’égalitarisme conduit, comme tous les –ismes, à l’ultime d’entre eux qui est le totalitarisme (le dictateur pouvant être tout aussi bien un parti unique, une bureaucratie ou une technostructure « éclairée », un général ou un capitaine d’industrie, ou encore un politique à sa botte) et qu’une société harmonieuse se construit autour de l’égalité, de la liberté, de la solidarité et de la responsabilité, qui en aucun cas ne sont chacun des absolutismes (encore un –isme) antagonistes, mais des valeurs, des principes, complémentaires, qu’il faut ajuster les uns aux autres dans une construction qui n’est pas nécessairement figée pour l’éternité.


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