J’ai eu l’occasion de dire que la réflexion de J P Guerlain n’était pas dramatique, qu’elle correspondait à une page d’un ancien livre et qu’il n’était pas forcément inutile de le revoir en live tant on est tenté ici et là de dire que tout ça n’a jamais existé ou que c’était chouette.
Si, le racisme primaire et fier de l’être a existé et on vient d’en voir une preuve. On vient aussi de vérifier qu’il était nettement lié à la question du TRAVAIL dont le Blanc a une conception bien à lui qu’il croit être la bonne.
Sur le fond, rien de grave donc.
(Ce qui serait grave serait que ce racisme facile remonte, c’est à dire qu’on entende ce genre de réflexion dans la bouche de jeunes)
Mais Equinox aborde essentiellement le manque de réaction de la journaliste et il nous explique pourquoi.
Je le suis dans son analyse et j’apprécie qu’il ne fasse pas d’Elise Lucet un cas particulier. Ce n’est qu’un exemple qui permet de réfléchir à la manière dont les choses se passent partout, y compris autour d’un repas entre amis.
Quand 5 amis se réunissent autour d’une table, à supposer qu’ils se soient réunis disons par la force, par exemple pendant la pause déjeuner dans un bled où il n’y a qu’un seul restaurant, ils vont s’exprimer en tenant toujours compte disons de la notoriété des autres interlocuteurs. Si l’un d’eux est notoirement connu pour son syndicalisme gauchiste,
personne n’abordera ce sujet à moins d’avoir envie que ça se termine en bagarre.
Si l’un d’eux est réputé pour sa fidélité à son épouse, les 4 autres qui d’ordinaire ne reculent jamais devant une réflexion frivole enver ls serveuse, vont se tenir. Si l’un d’eux est réputé pour être vénéré par 3 camarades pour sa réussite financière, le cinquième ne va pas se lancer dans un réquisitoire contre le business et va au contraire essayer d’entrer dans le cercle.
Quand on organise une émission et qu’on invite Tarik Ramadan, on sait très exactement ce qu’il va exprimer. Du coup, on va inviter un autre personnage réputé pour dire le contraire et on aura ainsi une émission en combat de coqs.
Elise Lucet, Catherine Ceylac, Eve Rugieri, Edwige Antier, n’apprécient pas trop les coquardises. Elles préfèrent l’intime et au fond, le glamour. Etant alors entendu qu’elles profitent très consciemment du glamour dégagé par leur invité pour se glamourer elles-mêmes (le glamour fonctionne par cooptation, captation, aspiration). Elles ne versent pas dans le « chienne de garde » et gardent la bouche en coeur.
Du coup, leur truc c’est de faire dire à leurs invités des choses qui se disent quand on est en confiance, dans l’intimité. Décor, fleurs, parfum, duo, charme, tout est là pour que l’invité se sente comme chez lui, seul avec une dame. Aucun interlocuteur tiers, aucune question d’auditeur, on n’est que nous deux, alors disons-nous tout.
Alors l’invité est très souvent piégé. Nombre d’entre eux se sont vus en dire bien trop devant une télé. Au mieux, ils considèrent que c’est une émission vue par 100 000 personnes. Hélas, le buzz fait autour d’une réflexion buzzante conduit à 1 milliard de spectateurs. Ouille !
Quand Elise invite JP Guerlain, elle considère qu’il représente non pas un personnage régulièrement contesté mais au contraire quelqu’un de consensuel. JP Guerlain, comme Dumas, le patron d’Hermès, peut facilement être considéré comme une valeur sûre du glamour. On peut s’attendre à ce que tout ce qu’il dira enchantera le monde comme ses parfums.
Elise n’était donc pas du tout sur ses gardes. Elle était envoûtée par l’ambiance de charme qu’elle avait organisée et que Guerlain avait déjà si bien servie. Elle ronronnait de bonheur.
Elle aurait eu Le Pen devant elle, au moindre demi mot raciste elle aurait bondi. Et là, face à JP Guerlain que personne n’attendait sur un quelconque chapitre polémique, elle s’est fait prendre à son propre piège. C’est d’autant plus vrai que cette réflexion raciste était à l’intérieur d’une déclamation d’amour.
Mettons que dans les 2 secondes suivantes, elle se soit secouée in petto et soit un peu redescendue sur terre, elle avait tout de même à poursuivre l’interview. Elle devait continuer le glamour. On se donne tant de peine pour organiser une fête de Noël que même si ça grince dans les vergues à la dernière minute, on fait bonne figure et on affiche le sourire. Là pareil.
En une seule seconde, elle a dû prendre la décision de poursuivre en l’état plutôt que de tout gâcher. En escomptant que le public négligera cette réflexion, envoûté qu’il sera par le parfum de charme et la déclamation d’amour.
Hélas, si 100 000 personnes ont fait peu de cas du dérappage, un seul spectateur, il en suffit d’un, aura extrait l’amère pilule de l’ensemble et l’aura postée dans son cruel dépouillement sur la blogosphère. Et c’est le drame.
Détail dans le détail.
Quand on invite Le Pen et qu’il sort une réfléxion scandaleuse, le journaliste sait lui opposer une réflexion très convenue, très connue, formatée, PAC, une réflexion qui ne lui appartient pas spécialement. Par exemple : « Ah mais contrairement à vous, ya Simone Veil qui a dit que.... »
En somme, le journaliste ne se mouille pas personnellement.
« Je répète ce que j’ai entendu à la radio » disait J J Bourdin à l’ophtalmo qui lui demandait d’où il tenait les « témoignages » l’accablant.
Or dans l’affaire Guerlain, quelle est la réflexion toute faite, archi connue, agréée par tous les cercles de pensée qu’Elise aurait pu opposer ? Qu’est-ce qu’Elise Lucet aurait pu trouver comme « Ah ban ya Machin qui ne pense pas comme vous » ?
C’est du reste pour ça que si peu de personnes, même après des heures et des heures de buzz, sont intervenues. Tant que BHL n’a pas dit ce qu’il pensait de quelque chose, personne ne sait quoi en penser ni en pour ni en contre et c’est l’errance.
Même Audrey Pulvar, qui a eu l’immese mérite d’être la première personnalité à avoir posé une pensée sur l’affaire, avait convoqué la pensée de Césaire comme soutien. Comme quoi, poser une pensée sans appui, sans référence, sans valeur sûre en renfort, surtout pour contredire une valeur sûre, jusque là virginale, est très difficile.
Après le coup de gueule d’Audrey, alors là oui, ça va être le défilé à n’en plus finir des créanciers.
In fine, débordé par l’avalanche, JP Guerlain ne pourra pas réfléchir tranquillement à sa faute. Il ne verra plus que le lynchage médiatique. Il ne pourra que chercher à repousser les attaques bien trop nombreuses. Il ne pourra plus rien accepter comme charge tant on lui en colle sur le dos.
En tant que moitié nègre, je l’aiderai comme je pourrai car jamais on ne doit laisser un homme sous une avalanche.
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