Affaires Seznec et Agnelet : Justice 2 - opinion publique 0
Guillaume Seznec définitivement reconnu coupable par manque de preuve à décharge. Maurice Agnelet relaxé d’une accusation de meurtre par manque de preuve à charge. Deux époques, deux personnalités, deux destins, et pourtant tous deux réunis par l’ironie du sort judiciaire.
A l’origine des deux affaires de meurtre, une instruction qui peine à démontrer la culpabilité : absence d’arme du crime, absence de cadavre, mobile insuffisamment déterminé, faisceaux de présomptions quelque peu échevelés...
Pourtant, deux traitements différents, l’un des prévenus étant reconnu coupable, l’autre étant blanchi.
Mais les affaires n’en resteront pas là, malgré les décisions des jurés, la relaxe et le bagne. Dans les deux cas, les procès seront soumis à un nouveau jugement en vue de réviser la position initiale de la Justice. Pour Agnelet, c’est la rétractation d’un témoin à décharge lors du premier procès d’assises qui lui fait perdre son unique élément de disculpation : son alibi le jour présumé du meurtre. Pour Seznec, c’est la démonstration nouvelle d’une potentielle collusion entre le politique, la Justice et la police qui aurait fait de cet accusé la victime sacrifiée d’un trafic crapuleux.
Et ces affaires que l’on croyait closes seront d’autant plus retentissantes qu’elles vont être relayées par la force des médias et de l’opinion publique.
D’un côté, un petit-fils aimant et éperdu, qui consacre sa vie entière à la réhabilitation de son aïeul avec une pugnacité et une conviction qui forcent le respect. Aïeul qui aura connu l’atrocité de Cayenne tout en clamant son innocence, à l’image d’un illustre et précédent détenu du nom de Dreyfus.
De l’autre, un ancien avocat à la personnalité hautaine et trouble, au parcours interlope, aux amitiés coupables (la mafia toulonnaise), aux fréquentations clinquantes (le milieu des casinos).
Deux scénarios qui sont autant de pain bénit pour venir nourrir l’inconscient collectif. Parce qu’il y a doute. Parce qu’il existe un vide dans les deux procédures et que par nature, la doxa a horreur du vide. Qu’elle va s’empresser de combler de manière totalement subjective parce qu’elle y est amenée par des relais d’informations puissants et partiaux qui s’évertuent à démontrer l’innocence de Seznec et la culpabilité d’Agnelet.
Cependant, la Justice va rester définitivement sourde à ces rumeurs publiques. Oui, comme beaucoup l’ont décriée, la Justice française, non contente d’être aveugle, est aussi sourde, c’est dire les tares dont elle est affligée et qui poussent à expédier au plus vite sa réformation au même titre qu’une extrême onction.
La Justice française est sourde non parce qu’elle n’entend pas mais parce qu’elle n’écoute pas. Ou du moins elle ne doit pas écouter. Là est la nuance.
La Justice ne peut qu’entendre au sens latin et premier du terme intellegere, c’est-à-dire qu’elle doit comprendre cependant qu’elle ne peut prêter foi au rumeurs dont les clameurs ne sauraient dépasser les marches du Palais.
Et dans ces deux affaires, la Justice a compris que malgré les dires des différentes parties, il n’existait pas d’élément nouveau pouvant modifier les précédentes décisions de Justice, malgré les certitudes unanimes de l’opinion publique.
Seznec est peut-être innocent, mais rien ne le démontre. Agnelet est peut-être coupable, mais rien ne le démontre non plus.
L’opinion publique aurait voulu que la Justice s’amende pour ses « errements » passés, malheureusement et à bon droit, la Justice n’a pas trouvé d’élément actuel dans les démonstrations des parties au procès qui enluminent ces mêmes errements.
Et il est bien connu que ce n’est pas à la Cour de fabriquer des preuves, n’en déplaise à l’opinion publique...
35 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON