Comment améliorer l’enseignement des langues vivantes ?
On lit régulièrement des considérations peu flatteuses sur l’enseignement des langues en France, sur les méthodes qui seraient inadaptées, le manque de moyens, les profs qui seraient mauvais (merci pour eux), voire sur les cerveaux français qui seraient défectueux (merci pour nous). Disons-le tout net : cette dernière hypothèse a été infirmée par tous les anatomistes et tous les neurologues, les cerveaux français valent bien les autres ! Mais admettons que ces critiques soient fondées... nous nous proposons de faire un petit tour d’horizon des différentes possibilités d’amélioration.
1. Augmenter le nombre d’heures.
Quelques pays parviennent effectivement à faire mieux que la France dans l’enseignement des langues, mais au prix de lourds sacrifices, car consacrer près de 50% du temps scolaire aux langues, comme au Luxembourg, se fait au détriment du temps et des résultats dans d’autres matières. Le temps ne se fabrique pas.
D’autre part, dans ces pays si souvent cités en exemple par les médias, les résultats sont toujours évalués sur le niveau en anglais... car ces pays, au lieu de privilégier la diversité linguistique comme (autrefois) la France, ont clairement choisi l’anglais comme langue véhiculaire de l’Europe. Ce sont souvent de petits pays (en nombre d’habitants), et force est de constater que les petits pays apprennent plus souvent les langues étrangères que les pays dont la langue a une portée plus internationale comme l’anglais, le français, l’allemand, l’espagnol, le chinois, le russe... Ce sont souvent aussi des pays à plusieurs langues nationales : Suisse, Luxembourg, Inde etc. Toute comparaison avec ces pays est donc abusive, faussée à la base.
Ces situations de plurilinguisme leur sont imposées par les circonstances, et sont loin d’être un long fleuve tranquille, les médias se font régulièrement l’écho des tensions ou des difficultés structurelles engendrées par ce plurilinguisme. Finalement, il nous semble que le seul cas où il est licite d’augmenter le nombre d’heures, ce sont les filières littéraires ou de langues, donc sur la base du volontariat, de la vocation.
2. Commencer plus tôt.
Sur l’apprentissage précoce des langues, je renvoie à mon article précédent sur Agoravox. Le résumé en est simple : actuellement, il n’y a aucun choix de langue au primaire, ni par les parents ni par les élèves. C’est l’anglais qui est IMPOSÉ dans plus de 80% des cas, parfois l’allemand comme en Alsace, voire dans certains collèges près de l’Espagne ou de l’Italie, en vertu d’un accord bilatéral des deux pays pour se soutenir mutuellement dans leur déclin face à l’anglais ; parfois encore la langue régionale.
Dans tous les cas - le répéter ne fait pas de mal - parler de choix au primaire est un gros mensonge. Disons les choses comme elles sont : la récente réforme prépare une voie royale au tout-anglais, au "tunnel vers l’anglais" pour reprendre l’expression d’un récent rapport du Sénat, qui en avait anticipé les risques... en vain. Le début au CE1, puis au CP est déjà programmé... C’est une fuite en avant sans fin, où beaucoup préconisent de faire "plus", c’est-à-dire de commencer "les langues" (comprendre "l’anglais") à la maternelle !
Le système actuel d’initiation à l’école primaire est une spécialisation précoce, une pré-6e d’anglais, bref, le problème est politique : l’anglais doit-il devenir obligatoire ? Voilà la vraie question, celle dont on refuse de discuter : choisir entre le tout-anglais et la diversité linguistique.
Ce même rapport avait averti des risques de cette réforme et recommandait au contraire de maintenir la diversité linguistique. Or, on a fait tout le contraire ! En outre, le plus récent rapport officiel, commandité par l’Europe à un collège d’experts, n’est favorable à l’enseignement précoce des langues que du bout des lèvres, avec beaucoup de précautions.
3. Enseigner certaines matières dans une langue étrangère.
Cela se fait déjà sous diverses formes : les langues régionales (surtout au primaire)- bien que dans le cas des langues régionales il soit un peu impropre de parler de langue étrangère, les classes dites "européenens" de certains lycées dans le cadre du programme EMILE (enseignement d’une matière intégrée en langue étrangère), les sections internationales, l’enseignement bilingue à parité horaire (dit enseignement 13/13), les filières bilingues à profil franco-allemand qui préparent à la délivrance simultanée de l’Abitur allemand et du baccalauréat français (dit Abibac, dans 40 établissements). (Nota : ces renseignements datent de 2003).
Sur le couple franco-allemand, et les classes dites bilangues, un rapport de l’IGEN (inspection générale de l’Education nationale) : LES DISPOSITIFS BILANGUES
Sur le programme EMILE : PROGRAMME D’EDUCATION ET DE FORMATION TOUT AU LONG DE LA VIE : APPEL A PROPOSITIONS GENERAL 2007 (EAC/61/2006)
Les classes dites européennes, bilan dans le rapport du sénateur Legendre : "Après dix ans de fonctionnement, les limites des sections européennes mettent en lumière un certain nombre de carences propres à notre système d’enseignement des langues :
— Alors que la circulaire de 1992 précisait que « les sections européennes devront s’intégrer à la politique menée en faveur de la diversification des langues vivantes en France », l’anglais est, de loin, la langue majoritaire (plus de 57 % des effectifs à la rentrée 2002), même si sa part est moindre en comparaison à l’enseignement traditionnel ;
Or il serait opportun de favoriser l’ouverture de sections pour les langues les moins enseignées, notamment dans les établissements attractifs, pour revaloriser l’image de langues telles que l’arabe ou le portugais, en les intégrant à des filières perçues comme élitistes.
"La généralisation de cette idée, qui peut séduire de prime abord, présente de nombreuses difficultés :
— On n’imagine pas imposer à tous de recevoir l’enseignement de l’histoire en anglais, des maths en italien, de la physique en espagnol, etc., au risque de mauvais résultats scolaires de l’élève ; cela ne pourra donc se faire que sur la base du volontariat, comme dans ces classes dites européennes.
Qui dit volontariat dit que tous ces enseignements doivent être dédoublés, l’un en français, l’autre en langue étrangère ! Donc augmentation massive du nombre de profs nécessaires dans un tel système... Autant dire mission impossible. Rien d’étonnant à ce que la Commission européenne se dise déçue des avancées des pays membres dans ce domaine ! Ils ne sont pas (complètement) fous, et se sont vite rendu compte des problèmes pratiques que cela posait.
— Il est incontestable que l’on pense mieux dans sa langue principale, donc risque de moins bons résultats scolaires.
— Le cas particulier de l’université.
Certains pays nordiques (Suède, Norvège) enseignent directement en anglais dans certains cursus universitaires. C’est à nouveau une question politique. Et il existe aussi à long terme le risque pour la langue nationale d’un appauvrissement du vocabulaire spécialisé. La Commission européenne l’a même écrit dans un de ses rapports, passage qui n’a malheureusement eu aucun écho médiatique :
"Les établissements d’enseignement supérieur pourraient jouer un rôle plus actif dans la promotion du multilinguisme auprès des étudiants et du personnel, mais aussi au sein de la communauté locale au sens large. Il convient d’admettre que la tendance, dans les pays non anglophones, à enseigner en anglais au lieu de la langue nationale ou régionale peut avoir des conséquences imprévues pour la vitalité de ces langues.
La Commission prévoit prochainement une étude plus approfondie de ce phénomène."
(Bruxelles, le 22.11.2005, COM(2005) 596 final, COMMUNICATION DE LA COMMISSIONAU CONSEIL, AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS, Un nouveau cadre stratégique pour le multilinguisme, page 7.)
A l’heure où l’Unesco parle presque du droit de recevoir un enseignement dans sa propre langue, à l’heure où tant de langues sont menacées dans le monde, généraliser l’enseignement des matières dans une langue étrangère serait une aberration, et un obstacle rajouté à l’apprenant qui en général en a déjà suffisamment à franchir. Cela ne peut être envisagé que pour les langues régionales ou les volontaires, comme c’est déjà le cas.
4. Faire davantage d’oral.
L’idée que les médiocres résultats de l’enseignement des langues seraient dus aux méthodes a son nouvel avatar, c’est l’oral : il faudrait davantage d’oral. C’est le leitmotiv actuel. Or, ce n’est même pas une nouveauté : les cabines de langue avaient en leur temps été annoncées comme le progrès technique qui allait tout changer... Et les professeurs n’ont pas attendu les directives pour inclure des infos, de la vidéo, faire des sketchs avec les élèves, etc. Mais on ne peut progresser uniquement par l’oral et la mémorisation de phrases en bloc. L’apprentissage des langues est une progression complexe où l’écrit, l’oral et la mémoire vont de pair, en établissant des connexions neurologiques dont l’organisation ne nous est toujours pas connue, ni dans le détail ni même approximativement...
L’oral à haute dose n’est pas la panacée universelle annoncée, mais c’est le nouveau credo des pédagogues du Ministère de l’Education nationale, jusqu’à la prochaine méthode miracle.
5. Davantage de films en VO à la télé.
Cela ne concerne pas l’enseignement, puisque c’est du temps extra-scolaire, mais c’est une revendication qu’on lit souvent, agrémentée du « retard » que nous aurions pris sur d’autres pays et sur « le handicap » que nous infligeons à nos malheureux petits Français.
— Remarquons tout d’abord que cette revendication est une reconnaissance implicite d’une évidence pourtant peu acceptée : l’école ne peut enseigner les langues autrement qu’à un niveau d’initiation (A2, parfois B1 du CECRL), et c’est naturel.
— Mais surtout, on retombe là encore sur le problème de l’anglais : parle-t-on d’augmenter le nombre de films en VO à la télé, ou celui des films en anglais ? Car dans les pays cités en exemple, c’est très majoritairement d’anglais qu’il s’agit.
— Dans la majorité des cas, on regarde des films pour se distraire ou pour s’instruire, de préférence les deux à la fois, mais rarement pour faire des cours du soir toute sa vie.La seule option qui nous semblerait légitime serait la diffusion en multicanal, avec un choix de nombreuses langues. Cette solution aurait aussi comme effet de favoriser une offre culturelle plus diversifiée.
6. Faire venir des professeurs natifs.
Là encore, s’agit-il uniquement de faire venir des natifs anglophones ? Si nous ne discutons pas d’abord du choix entre diversité linguistique et tout-anglais, on retombe dans la même hypocrisie. En outre, est-ce bien à nous de résorber le chômage en GB ?! Au moins pourrait-on exiger de la GB une compensation financière pour l’apprentissage de sa langue, surtout si l’on considère les 17 milliards qu’elle retire annuellement, directement ou indirectement, de cet impôt linguistique que les autres pays sont obligés d’acquitter sans vraiment le réaliser.
7. Utiliser les intervenants extérieurs, dont les parents.
Cela permettrait d’offrir enfin une vraie diversité linguistique. Des partenariats existent déjà, qui permettent l’enseignement de l’arabe aux volontaires issus de l’immigration, grâce à des maîtres fournis par les pays concernés :
« C’est pourquoi il est nécessaire de repenser et faire évoluer le dispositif ELCO, pour qu’il n’entre pas en concurrence avec l’enseignement traditionnel. Rappelons que 45 000 élèves environ apprennent l’arabe dans le cadre de l’ELCO (environ 30 000 marocains, 9 000 algériens, 6 000 tunisiens), essentiellement dans le primaire ; 550 maîtres sont mis à disposition et rémunérés par les trois pays partenaires. »
Ce système pourrait être étendu à d’autres langues. Se poseraient alors des problèmes structurels, comment évaluer, valider les acquis, etc. Cette méthode riche en potentialités ne peut s’envisager que si le système de l’enseignement des langues s’assouplit.
Dans ce remarquable rapport du Sénat (2003, par le sénateur M. Legendre, agrégé d’histoire) sont aussi mentionnées des expériences pilotes au niveau des lycées, avec un abandon des filières au profit de modules de langues par groupe de niveau.
Ce même rapport proposait entre autres réformes possibles, d’en finir avec la distinction LV1, LV2, LV3.
8. L’intercompréhension passive.
Il s’agit là de recherche, d’une hypothèse qui a su séduire jusqu’à déboucher sur des expérimentations :
"Depuis 1999, l’Académie de Toulouse expérimente les parcours latins et romans. Il s’agit d’une démarche transdisciplinaire qui associe au collège l’enseignement du latin et de différentes langues néo-latines (principalement le français, l’espagnol, l’occitan et le catalan), afin de permettre aux élèves d’emprunter les ponts qui relient les langues et cultures romanes, dans une perspective de meilleure maîtrise des langages.
A condition d’un minimum de moyens et de commodités horaires, l’expérience a pu donner des résultats probants. C’est également une incitation pour les professeurs à travailler de façon coordonnée, à confronter leurs méthodes. L’objectif est de créer des passerelles entre les disciplines, afin d’intégrer au mieux l’enseignement des langues à l’ensemble des programmes fondamentaux, et en particulier à l’apprentissage de la langue française. Cette expérience renvoie aux méthodes d’intercompréhension des langues romanes, soutenues par la DGLFLF et l’Union latine notamment. "
Pourquoi est-ce que je qualifie l’intercompréhension passive d’hypothèse, voire de balivernes ? Ne croyez pas les experts, faites l’expérience vous-mêmes. Il s’agit d’oral, car la compréhension écrite est toujours meilleure. Glissez-vous donc dans une conversation entre natifs italiens, espagnols ou portugais, à vitesse normale sur des sujets quotidiens, politique, foot, météo, et voyez si vous comprenez quelque chose... Envoyez le compte-rendu aux-dits experts ! D’ailleurs, dans l’extrait ci-dessus du rapport sénatorial Legendre, on admirera le ton dubitatif, sceptique, dans la formulation alambiquée qui a pu donner des résultats probants ...Cette intercompréhension passive n’est qu’un nouvel avatar de la méthode miracle qui existerait dans tel ou tel pays.
9. La bicompétence des enseignants.
— Au primaire, on parle d’utiliser les compétences personnelles de chaque professeur des écoles en langue, pour ceux qui n’ont pas validé une langue comme cela se fait maintenant.
Cette proposition ne résout rien, et induit une belle pagaille, car l’offre de langue tiendrait du hasard et de la loterie, au gré de l’affectation des enseignants et de leur compétence en langue.
Cette réforme de l’apprentissage précoce de l’anglais - pardon : des langues - est devenue une véritable usine à gaz. Chaque professeur des écoles doit maintenant valider une langue à l’IUFM. Or, la majorité valide l’anglais, et à un niveau moindre que celui exigé pour enseigner une langue au collège.
Ainsi, alors qu’on fustige un nivellement par le bas en français ou en maths - vrai ou supposé - c’est ce qu’on met en place au primaire en abaissant les exigences jusque là fixées pour enseigner une langue. Les professeurs des écoles vont-ils transmettre un accent correct ? Des tournures idiomatiques correctes ? Surtout dans une langue réputée pour sa phonétique irrationnelle... (cf . l’article « L’anglais facile, réalité ou mythe ? »)
Cette bicompétence est de plus en plus envisagée dans le secondaire, et pas seulement dans les langues, provoquant une levée de boucliers des syndicats, à juste titre me semble-t-il.
10. Pourquoi l’enseignement des langues est-il depuis longtemps le canard boiteux de l’Education nationale ?
C’est expliqué en détail dans un rapport de l’Inspection Générale de l’Education Nationale :
Je résume l’esprit du rapport, sinon la lettre : l’enseignement des langues est un avion avec cinq ou six pilotes, dont aucun ne sait où il va, ni de combien de carburant il dispose !
11. Assouplir le système pour favoriser la diversité linguistique.
Rappellons que la récente réforme anglaise favorise l’enseignement de l’arabe, de l’ourdou et du chinois, délaissant ainsi les langues européenens au profit de la logique économique et de la diversité linguistique. Bonne idée, faisons comme eux ! Diversifions en arrêtant d’imposer l’anglais au primaire.
Mais une vraie diversification exigerait une augmentation massive du nombre de professeurs de langue, mesure inenvisageable. Rappelons qu’on ne peut imposer à des professeurs d’anglais une reconversion dans une autre langue. Et de nombreux professeurs ne peuvent être employés dans leur langue, faute de classes : l’enseignement des langues est difficile à planifier à long terme dans la rigidité actuelle du système.
On a vu que les intervenants extérieurs avaient déjà été utilisés, principalement en anglais, parfois des parents. On peut imaginer une extension de la souplesse recommandée par le rapport Legendre, avec une externalisation de l’enseignement de certaines langues.
Naturellement, cette dernière hypothèse ferait la joie des boîtes privées, et certains crieraient vite à l’inégalité des chances, au démantèlement de l’Education nationale. Pourtant - outre mon attachement personnel à l’histoire des "hussards de la République" - il peut très bien exister une complémentarité entre l’offre linguistique du public et celle du privé, comme il en existe de plus en plus entre hôpital et cliniques privées.
Le programme pourrait être fixé comme maintenant par le Minsitère, nombre de langues à proposer, niveau des modules à valider, etc. Un élève pourrait choisir une des langues offertes au choix dans son école, et valider éventuellement une deuxième langue en externe, auprès d’une association de parents ou d’une boite privée.
Rappellons que dans le domaine des langues - comme dans d’autres...- l’égalité des chances est depuis toujours mise à mal par les cours de soutien, les nounous anglaises, les séjours linguistiques d’été, etc. ! Cette solution ne l’aggraverait en rien, voire l’améliorerait. C’ est en tout cas le seul moyen réaliste de réellement diversifier le choix des langues au collège, sans une augmentation massive du nombre d’enseignants.
Diversité qui - rappelons-le une nouvelle fois - n’existe pas au primaire où l’anglais est imposé à la plupart des enfants, sans aucun choix possible.
12. Et l’espéranto ?
J’ai failli faire cet article sans citer une seule fois l’espéranto, mais les quelques anti-espérantoo acharnés qui interviennent parfois sur le sujet auraient été trop déçus ! Voici, donc :
A. Que pourrait apporter l’étude de l’espéranto à l’école primaire ?
— Initiation linguistique politiquement neutre, et large, non spécialisée dans l’anglais.
— Apprentissage de sons qui n’existent pas en français (sauf langue régionale) mais présents dans diverses langues, comme le "r" roulé, la "jota" espagnole (le kha arabe, le x russe, le khi grec), le h dit aspiré (have anglais).
— Apprentissage de la notion d’accent tonique, presque toujours négligée, les profs d’anglais étant désireux de cacher la totale irrégularité phonétique de cette langue... Et même en français, combien d’enfants savent où est l’accent tonique ?
— Apprentissage de la notion d’adverbe de mouvement, comme par exemple en espagnol (donde / adonde), en russe.
— Révision de la notion de complément d’objet direct (COD), très importante en français (dont je ne suis pas sûr que tous les élèves du primaire l’aient comprise) mais aussi en espéranto puisque le COD doit être marqué par la finale "-n" et permet alors des variations de l’ordre des mots.
— Révision de la notion d’article défini/idéfini, et de la fonction adverbiale sans toutes les sous-catégories françaises où certains élèves se perdent un peu.
— Révision de la notion préfixe-radical-suffixe qui est abordée en fin de primaire mais souvent peu travaillée. Et donc révision de la notion d’étymologie.
— Révision ou apprentissage de nombreuses racines des langues qu’ils étudieront ensuite, car si la grammaire de l’espéranto est assez internationale, les racines ne sont pas du tout inventées mais greco-latines pour deux-tiers et germaniques pour un tiers environ (dankon = merci, kato = chat comme cat en anglais, domo = maison comme domus, domicile). Ce n’est donc jamais du temps perdu pour l’étude ultérieure de l’anglais, de l’allemand ou de l’espagnol, entre autres.
— Du plaisir, car aux dires de tous ceux qui l’ont enseigné, les enfants aiment beaucoup l’espéranto, à cause de son côté légo - construction des mots par agglutination, et dérivation logique des racines par les affixes, liberté de construction. Et ce plaisir peut donner le goût des langues.Ce sont toutes ces particularités qui fondent les qualités propédeutiques de l’espéranto, reconnues et confirmées à chaque expérimentation. Savez-vous qu’il a été essayé en 2006 dans une école primaire française (dans le temps extra-scolaire), que l’expérience a été rapportée par l’émission "C’est mieux ensemble" sur FR3 ? Et qu’une expérimentation similaire est en cours en Angleterre ?
Savez-vous que c’est la seule langue internationale (présente sur tous les continents) qu’on ne peut présenter en option au bac, alors que l’Eo fait partie des 30 langues les plus parlées dans le monde ?
— L’organisation de cet enseignement au primaire serait nettement plus facile. A nombre d’enseignants égal, avec le problème des mutations, le fait que la plupart des PDE valident l’anglais, aucune école primaire ne peut offrir un véritable choix des langues. Mais pourquoi cet enseignement serait-il plus facile à organiser ? Justement parce que la structure de base (alphabet, prononciation, grammaire, dérivation) est simple et logique, donc facile à apprendre puis à enseigner après une courte formation. Certes, la progression nécessite ensuite, comme dans toute langue : l’apprentissage de nombreuses racines et de la pratique pour acquérir de la fluidité, mais nous parlons d’initiation linguistique au primaire. En anglais ou allemand, on a été obligés de recruter des intervenants extérieurs, des assistants anglais, des mères de famille anglophones, etc.
— Enfin, et ce n’est pas rien, les futurs petits Européens disposeraient d’une langue de communication neutre dans laquelle la vitesse de progression est bien plus rapide, sans les indispensables séjours linguistiques d’anglais.
B. Inconvénients : le fait qu’il serait imposé (comme l’anglais aujourd’hui). Ce problème pourrait facilement être levé par un choix entre la langue régionale, l’espéranto, l’anglais et une ou deux autres langues en initiation selon les disponibilités de l’école, en regroupant les enfants pour l’initiation aux langues, ou en faisant "tourner" les professeurs des écoles (PDE).
Il me semble que la balance avantage/inconvénients donne un résultat assez clair en faveur de l’espéranto.
Conclusion :
— Dans toute discussion sur l’enseignement des langues, il serait bon de définir au préalable si l’on parle de l’amélioration de l’enseignement de l’anglais, ou des langues au pluriel, avec un respect de la diversité linguistique...
— Il faudra un jour admettre qu’on ne peut comparer l’apprentissage d’une langue étrangère à celui de notre langue natale, que c’est un travail énorme, aussi bien pour acquérir un niveau utile que pour s’y maintenir. Alors que pour apprendre notre langue nous avons disposé d’un temps considérable, de tout bébé à l’adolescence, en une sorte de séjour linguistique 24h sur 24, pendant quelque 15 ans, et malgré ça nous ne maîtrisons pas complètement notre propre langue, loin s’en faut... Admettre cela, c’est aussi admettre enfin qu’il n’existe pas de méthode miracle dont un pays lointain aurait percé le secret, que l’école n’est tout simplement pas en mesure, à elle seule, avec de 1500 à 3000 heures, d’amener un élève à un niveau autre qu’une bonne initiation, soit un niveau A2 ou B1 du CECRL, éventuellement B2 dans les filières langues, et que c’est une chose normale, car la langue est le produit de millénaires d’évolution, une construction humaine d’une complexité inouïe, aussi difficile à apprendre que facile à oublier !
— Si on choisit la voie de la diversité linguistique, une fois admis qu’il n’y a aucune méthode miraculeuse du type « privilégions l’oral », « bicompétence des enseignants » ou « intercompréhension passive », la solution est peut-être dans une très grande souplesse, avec, en vrac : initiation linguistique large au primaire (non-spécialisation dans une langue), fin de la distinction LV1-LV2, offre de langues plus large, intervenants extérieurs, groupes de niveau, modules de langues, mobilité des enseigants de langue sur plusieurs collèges de leur secteur, voire externalisation de l’enseignement de certaines langues, pour pallier les difficultés logistiques (insolubles) posées par une large palette de langues.
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